Taybeh, Gaza: les chrétiens sont-ils visés ?

« Il y a des faits. 18 morts ment qui a touché l’église Saint-Porphyre. Deux personnes tuées par des tueurs d’élite dans la cour de la Sainte-Famille. Trois morts de nouveau dans le bombardement de l’église. Des chrétiens sont tués dans cette guerre, ce sont des faits.” Le patriarche latin, le cardinal Pierbattista Pizzaballa, au retour de sa troisième visite à Gaza en deux ans et alors que la paroisse a fait, la veille, l’objet d’un tir de char, est mis à la question par les journalistes.

“Les chrétiens sont-ils visés ?” Au quotidien italien Corriere della Sera il a répondu : “Nous ne sommes pas une cible. Ils (les Israéliens) disent que c’était une erreur. Même si tout le monde ici pense que ce n’est pas le cas.” Le mois de juillet 2025 a vu se détériorer l’image de l’action du gouvernement israélien dans l’esprit des chrétiens du monde, même ceux qui le soutenaient encore. Coup sur coup, les chrétiens de Terre Sainte ont été victimes d’attaques. Celle des colons sur les terres du village chrétien de Taybeh et le tir de canon sur l’église catholique de Gaza.

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Est-ce que pour autant les chrétiens sont visés en tant que tels ? C’est peu probable. La réalité de la colonisation depuis le 7-Octobre et d’après les ONG qui suivent le dossier, ce sont 47 nouveaux avant-postes illégaux, 13 avant-postes antérieurs légalisés par le gouvernement en mars 2025 – 5 l’avaient été en 2024, 8 271 unités de construction approuvées dans les colonies existantes. Entre le 7 octobre 2023 et le 31 décembre 2024, on parle de 1 860 incidents recensés de violence perpétrées par les colons, soit une moyenne d’environ 4 attaques par jour.

« Si tout n’est pas permis, rien n’est répréhensible »

Les colons de l’avant-poste illégal installé sur les terres de Taybeh savent-ils que le village est chrétien ? Ils le sauraient qu’ils pourraient tenir cela pour un bonus mais, fondamentalement, ce qu’ils savent c’est que sont des terres arabes. Ce qu’ils savent, c’est que, quoi qu’ils fassent, l’armée n’interviendra pas pour leur demander d’aller faire brouter leurs vaches ailleurs. Ce qu’ils savent c’est que si des villageois venaient à se plaindre, ce sont ces derniers qui seraient arrêtés.

Fin juillet le Parlement israélien a adopté une résolution symbolique, prélude à l’annexion de la Cisjordanie. Le texte affirme le “droit naturel, historique et légal” d’Israël sur ces territoires, qualifiés de “partie inséparable de la patrie historique, culturelle et spirituelle du peuple juif”. Les colons exultent, qui les retiendra à Taybeh ou ailleurs ?

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Quant à l’église de Gaza, comment, en voyant l’emplacement du tir, ne pas croire qu’il est délibéré et visait la Croix ? On parle du tir d’un char de combat. Il ne faut pas sortir de Saint-Cyr pour se douter que les “déviations involontaires de munitions”, suivant les termes de l’enquête israélienne, c’est de la rigolade. Comment ne pas penser à la vidéo postée sur TikTok par ce soldat israélien, détruisant le minaret d’une mosquée, avec ce commentaire en incrustation : “Que faire quand l’équipage du char s’ennuie à Gaza ?”

Alors oui en l’espèce, c’est peut-être un symbole chrétien qui était visé par des soldats écervelés qui se croient tout permis car ils sont du bon côté du viseur. Là aussi, et on ne le sait que trop, quoiqu’ils fassent, détruire ou tuer, ce sera sans la moindre conséquence car si tout n’est pas permis, rien n’est répréhensible quand il s’agit des habitants de Gaza.

De nombreuses exactions, échappant au contrôle de la chaîne de commandement, sont documentées. Si l’armée a la responsabilité de ne pas tenir ses troupes, elle n’a très probablement pas reçu l’ordre de viser l’église. Quand se tient à la Knesset une réunion à l’initiative d’un ministre du gouvernement pour la reconstruction de Gaza après la “migration volontaire des habitants de Gaza”, le sort de quelque 700 chrétiens n’a juste pas le moindre poids dans la balance.