
Annulées depuis le 7-Octobre 2023, les festivités de Noël ont fait le retour à Bethléem, apportant avec elles un répit dans la lourdeur d'un quotidien marqué par le chômage et la pauvreté.
Un Noël à Bethléem commence par deux choses : l’entrée du Custode de Terre Sainte pour le premier dimanche de l’Avent, et l’illumination du grand sapin de la place de la Mangeoire. Cette année, après deux ans d’absence, cette tradition a fait son grand retour, le 6 décembre dernier. Les feux d’artifice en moins, mais l’émotion en plus. « Ça fait du bien de vivre un peu normalement, sourit Joseph Safar, un commerçant de Bethléem. Les gens ont besoin de ça, de respirer un peu. Personne ne veut la guerre. »

À la faveur du cessez-le-feu, instauré à Gaza le 10 octobre, la municipalité de Bethléem a décidé de renouer avec les festivités de Noël, après deux ans de sobriété en solidarité avec Gaza. Un choix motivé par une nécessité. « Bethléem est un phare d’espoir et de paix. Notre ville a un message pour le monde », expose le maire, Maher Canawati, depuis son bureau à la vue imprenable sur la basilique de la Nativité. « La lumière née ici il y a deux mille ans nous rappelle que l’espoir est une force et que la vie est toujours plus forte que ce qui cherche à l’éteindre », insiste-t-il.
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Et la lumière fût. Boutiques, écoles et particuliers ont paré leurs extérieurs de leurs plus belles illuminations et décorations. Comme pour trancher avec la gravité de la guerre, où les fêtes et la joie étaient réduites à leur minimum, les événements s’enchaînent : illuminations de sapins, concerts, marchés de Noël…

Une abondance d’activités qui n’a plus été observée depuis 2022, et qui n’est pas de l’avis de tous : « Ce n’est pas approprié, il y a toujours un génocide à Gaza, des gens continuent d’être tués tous les jours », déplore Ahmad, résident du camp de réfugiés de Dheisheh à Bethléem.
« Les gens n’ont plus d’argent »
Au marché de Noël de la place de la Mangeoire, les exposants sont mi-figue, mi-raisin : « Je suis contente de travailler, mais on est loin de l’affluence d’avant la guerre, explique Georgina Abumohor, qui vend des soins pour la peau faits maison. Les gens n’ont plus d’argent pour ce genre d’achats. Ils préfèrent ne pas venir plutôt que de devoir dire non à leurs enfants. »
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Depuis le Covid-19, et le 7-Octobre 2023, la dépendance de la ville envers le tourisme s’est muée en une crise économique d’une ampleur inégalée par rapport au reste des territoires palestiniens occupés. Elle s’ajoute au retrait des 160 000 permis des travailleurs en Israël, et à la faillite de l’Autorité palestinienne, qui ne verse que des bouts de salaires à ses 130 000 fonctionnaires.

Le secteur du tourisme, qui espérait une bouffée d‘air frais pour Noël, fait grise mine. “Le business va mal, soupire Elias Hazin, qui gère l’agence de voyage Bethléem Star. Les hôtels les plus chics de la ville bradent les prix de leurs chambres pour attirer les clients. La majorité des réservations sont des arabes israéliens. Il y a encore très peu d’étrangers.” Ses prochaines réservations ne sont pas avant Pâques 2026. En deux ans de crise, il a dû congédier plus de la moitié de ses salariés.
Noël, un message de résilience et de paix
Le chômage s’est envolé, passant de 14 % avant le 7-Octobre à environ 65 % aujourd’hui, d’après les estimations de la municipalité de Bethléem. Un chiffre qui monte à 30 % pour le reste de la Cisjordanie, selon un rapport de la Banque mondiale. Le document révèle que le taux de pauvreté à court terme des Palestiniens est passé d’environ 12 % avant le conflit à près de 28 % fin 2024.
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Le retour du volet commercial de Noël, nécessaire pour les habitants, n’enlève rien au message de Noël. « La présence de célébrations de Noël à Bethléem, même si elle est difficile parce que la guerre n’est pas finie, est un message de résilience et de paix », expose le révérend luthérien Munther Isaac, ancien pasteur de Bethléem qui s’est fait connaître pour sa crèche du « Christ dans les décombres », désormais en poste à Ramallah.
« Chaque Noël, on répète ce que les anges ont chanté dans les cieux de Bethléem : « Gloire à Dieu aux plus hauts des dieux, et paix sur la terre aux hommes qui l’aiment. » Comme Jésus né sous occupation romaine il y a deux mille ans, nous appelons à la paix. »


