L’Eglise arménienne l’Église d’une langue et d’une culture
C’est un tour d’horizon en compagnie de Mgr Raphaël Minassian, exarque patriarcal des Arméniens catholiques à Jérusalem, que propose ce dossier. Il vous permettra de découvrir un autre visage d’Église orientale et de nouveaux questionnements sur le devenir
du christianisme au Moyen Orient.
Ce que l’on sait de l’Arménie de nos jours c’est qu’il s’agit d’un petit territoire du Caucase qui a des frontières terrestres avec la Turquie à l’ouest, la Géorgie au nord, l’Azerbaïdjan à l’est et l’Iran au sud. Ce que l’on ignore plus souvent, c’est qu’à l’époque hellénistique, sous le règne de Tigrane le Grand (95 -55 av. J.-C.), elle s’étendait de la Méditerranée aux rives de la mer Caspienne. Certes les Romains, les Parthes, les Sassanides vont grignoter cet empire mais quand sous l’empereur Dioclétien, au début du IVe siècle, le roi Tiridate IV est porté au pouvoir, commence une nouvelle ère pour l’Arménie. Le roi, sous l’influence de saint Grégoire l’Illuminateur, se convertit au christianisme en 301 et avec lui toute la nation.
Si, à l’occasion de l’Assemblée spéciale des évêques pour le Moyen Orient, l’Église catholique arménienne est considérée comme Église orientale, ce n’est pas à cause d’un petit pays du Caucase mais parce que depuis ses origines apostoliques, l’Église arménienne s’est répandu bien au-delà des frontières variables de son pays d’origine. Elle a rayonné sur le Moyen Orient du fait de sa diaspora bien avant la scission entre l’Église apostolique, et l’Église catholique arménienne, dont le patriarcat se trouve aujourd’hui au Liban. Les Arméniens du Moyen-Orient, même s’ils n’ont jamais mis les pieds en Arménie, ont été ici témoins de la foi chrétienne au long des siècles.
Arménien sans Arménie
Car l’on peut être arménien sans être né en Arménie, sans même avoir de passeport arménien. Les sociologues, les ethnologues expliqueraient cela de façon savante, mais à fréquenter les Arméniens ont pourrait se contenter de constater qu’on est arménien parce que l’on partage une langue, une culture, une histoire.
« Rassemble 50 personnes, s’il y a deux arméniens, ils se trouveront et se parleront en arménien. » C’est Mgr Raphaël Minassian, exarque patriarcal des Arméniens catholiques pour Israël, la Palestine, la Jordanie et Chypre qui le dit. C’est apparemment une boutade mais quiconque vit à Jérusalem a pu le constater à de nombreuses reprises.
« Ce sentiment d’être avant tout arménien est très fort chez nos fidèles, poursuit Mgr Minassian. L’Église catholique arménienne est le fruit de divisions et de discussions entre les membres de l’Église arménienne mais l’Église arménienne apostolique – qualifiée à tort d’orthodoxe – et l’Église catholique arménienne ont toujours confessé la même foi et continuent de le faire. Les divisions sont davantage question d’autorité, de mentalité et parfois commandées par les événements historiques
et/ou politique. »
« 1740 est la date de consommation de la division à partir de laquelle chacune des deux Églises a développé une identité propre. En ce qui nous concerne, le patriarche catholique arménien est patriarche pour les arméniens catholiques du monde entier pourtant l’Amérique et l’Europe ont un statut particulier d’extra-territorialité en partie calqué sur l’Église latine. Si bien qu’alors que dans l’Église arménienne, le patriarche – que nous appelons catholicos – est « summa autorita ecclesial et communitaria » c’est-à-dire autorité ecclésiale et communautaire suprême, cette « latinisation » nous fait perdre un point important de notre identité. J’espère que tôt ou tard nous arriverons ou nous trouverons le moyen, selon le mot et à l’invitation du pape Jean-Paul II, de ‘retourner à nos racines’. »
Dans le ton de sa voix, on sent toute la conviction de Mgr Minassian. Notre conversation a lieu dans son bureau du vicariat patriarcal, au centre de la Vieille Ville de Jérusalem au niveau des stations III et IV du Chemin de croix. « Nous sommes la seule Église à posséder deux stations du chemin de Croix. » C’est là que Mgr Minassian a instauré l’adoration perpétuelle du Saint Sacrement, une tradition toute latine, ce que d’ailleurs on lui reproche. « C’est vrai depuis presque deux ans, nous avons l’adoration perpétuelle ou presque. En fait de 6 heures du matin à 18 heures le soir. Notre désir c’est vraiment de l’avoir 24 heures sur 24 mais nous n’avons pas encore le nombre requis d’adorateurs. En revanche, j’invite cordialement les groupes de pèlerins à venir prier, pour la paix dans le monde, pour la paix à Jérusalem, vivre un moment de prière au cœur de Jérusalem qui paradoxalement n’offre pas tant que cela de lieux de recueillement aux groupes ! »
Vous savez, l’histoire de l’Église arménienne s’est en partie construite autour de contingences politiques. Aujourd’hui encore notre situation est contingente à la réalité de ce pays. Des familles arméniennes catholiques habitent de part et d’autre – Israël et Cisjordanie – et concrètement, sans permis, il leur est impossible de rejoindre la communauté ici à Jérusalem, si bien que vous rencontrerez des Arméniens catholiques dans toutes les églises non-arméniennes.
« Ah oui, j’ai la réputation d’être assez latinisé. Et c’est vrai que toutes ces années à l’étranger m’ont enrichi de cette part de la catholicité. Mais de retour ici… disons que je renoue avec des racines plus orientales… »
Mgr Raphaël semble illustrer à lui seul un certain nombre de questions que va poser le synode sur le Moyen Orient. Comment rester dans la tradition de chacun et vivre une plus grande unité entre Églises catholiques. « Vous savez, l’histoire de l’Église arménienne s’est en partie construite autour de contingences politiques. Aujourd’hui encore notre situation est contingente à la réalité de ce pays. Des familles arméniennes catholiques habitent de part et d’autre – Israël et Cisjordanie – et concrètement, sans permis, il leur est impossible de rejoindre la communauté ici à Jérusalem, si bien que vous rencontrerez des Arméniens catholiques dans toutes les églises non-arméniennes. En fait, ils pratiquent dans l’église la plus proche de chez eux. Nous avons au moins cette raison de nous réjouir, à défaut de pouvoir venir prier avec nous dans notre liturgie arménienne, au moins continuent-ils de pratiquer. C’est une grâce exceptionnelle. »
« De mon point de vue, ce qui nous manque le plus et de la façon la plus flagrante, c’est la communion. Nous devons trouver un moyen de nous unir sans qu’aucun ne se sente lésé par un autre. Nous devons retrouver la fraternité qui était celle des apôtres. Alors nous serons en mesure de vivre l’universalité de l’Église et d’être des témoins, de porter témoignage notamment à tous ceux qui souffrent, émigrent.
J’espère de ce synode qu’il sera aussi une belle occasion de communiquer entre nous mais aussi de mettre en place des outils et moyens de communication pour témoigner de nous-mêmes, pour valoriser les chrétiens d’Orient, en interne d’abord en vue d’apprendre à nous connaitre et à nous reconnaitre.
J’espère que ce sera aussi l’occasion de donner un témoignage à l’Église universelle – pour ne pas dire à l’Église occidentale – afin de mieux se connaitre mutuellement, pour qu’elle apprenne aussi à se comporter avec nous et pour que nous, Églises orientales, puissions jouir de droits identiques dans l’Église catholique.
« Si nous prenons chaque Église indépendamment, c’est d’une incroyable richesse, profonde, abondante, mais encore une fois nous devons apprendre à nous connaitre entre nous, et nous faire connaitre à l’extérieur.
Les attentes du synode
J’espère du synode qu’il nous permettra de trouver les nouveaux moyens pour avancer ensemble dans le service de l’Église pour témoigner de Jésus, car c’est là l’essentiel.
Et je pense que la communication peut être un excellent facteur d’unité. »
La mentalité dans la société moderne a changé mais la mentalité de l’Église orientale demeure.
Toutes les organisations, tous les moyens de communication modernes qui sont nés dans nos régions sont des initiatives personnelles. L’Église catholique au moyen Orient ne s’est jamais organisée comme l’ont fait les diocèses italiens, ou la conférence épiscopale en France. Ici en 2010, nous n’avons toujours rien de commun.
Je suis jaloux et parfois pessimiste quand je vois les moyens de communication dont se dotent les non-chrétiens et l’argent qu’ils investissent dans la communication. Mais nous qui avons la plénitude de la Révélation en Jésus Christ que faisons-nous ?
N’avons-nous pas la possibilité d’investir nous aussi pour faire connaître nos Églises particulières, notre Église moyenne orientale, notre originalité dans l’Église universelle ?
Il ne faut jamais sacrifier les moyens pour ce que l’on peut donner aux gens ; une fois la parole sortie de notre bouche, elle ne nous appartient plus, elle devient la propriété de la communauté donc il nous revient de travailler en amont pour savoir ce que nous allons donner, ce dont nous voulons témoigner. Mon rêve c’est que notre témoignage soit massif, grandiose. Nous sommes perdus comme une petite goutte d’eau au milieu de l’océan.
Je voudrais que toute l’Église catholique du Moyen Orient, qui fait déjà beaucoup de choses mais de façon dispersée, se rassemble pour apprendre à communiquer et témoigner ensemble par des moyens nouveaux et modernes. »
La communication, c’est la passion de Mgr Raphaël, Au cœur de l’Assemblée des ordinaires de Terre Sainte, il a la responsabilité de suivre la question et au Synode c’est sur ce sujet qu’il devra intervenir.
Lui-même s’est lancé il y a cinq ans dans la production d’émissions en langue arménienne. (voir encadré page 28).
Si en Terre Sainte, la communauté arménienne catholique est numériquement faible, elle est importante dans le monde comme l’explique l’évêque.
« Selon les dernières statistiques de 2007, les arméniens sont 13 millions dans le monde, dont 3,5 millions en Arménie, 3 millions en Russie, et le reste en diaspora. Et l’on a coutume de dire que les arméniens catholiques représentent 2 % des arméniens soit une communauté de 260 000 âmes répartis dans 15 diocèses, appelés éparchies. »
« Combien sommes-nous au Moyen Orient ? C’est difficile à dire. On ne peut pas donner de chiffre, du fait notamment du nombre d’émigrés qui sont à cheval sur deux pays… Ma propre sœur est installée aux Etats-Unis depuis 30 ans, mais a conservé sa maison au Liban. »
« Combien sommes-nous au Moyen Orient ? C’est difficile à dire. On ne peut pas donner de chiffre, du fait notamment du nombre d’émigrés qui sont à cheval sur deux pays… Ma propre sœur est installée aux Etats-Unis depuis 30 ans, mais a conservé sa maison au Liban. »
Jean Pierre Valognes dit dans son livre 1 que la communauté arménienne au Moyen Orient serait de 60 000 membres tempérant ce chiffre disant qu’il est exagéré de 20 % ce qui donnerait 48 000, il y a 15 ans. Entre la natalité et l’émigration, le chiffre doit avoir diminué, l’Irak et l’Iran ayant traditionnellement accueilli les plus grandes communautés arméniennes catholiques ; c’est de là aussi qu’elles ont le plus émigrés du fait des bouleversements politiques.
Combien sont-ils à Jérusalem ? Mgr Minassian ne se prête à aucune estimation. On parle d’une cinquantaine de familles. « Dans tous les cas de figure, je ne vois pas d’intérêt à gonfler les chiffres. J’irais jusqu’à dire, concernant l’Église arménienne, que je préfère mettre mon énergie dans le rapprochement avec l’Église arménienne apostolique que de perdre mon temps en statistiques. Apostoliques et catholiques nous sommes arméniens : une même nation, une même Église. Comme je l’ai déjà dit il n’y a pas de divisions théologiques dans l’Eglise arménienne. Les Apostoliques croient à tout ce que nous croyons. Certes, il y a bien des différences, sur le purgatoire par exemple. Cela ne veut pas dire que je veuille devenir apostolique pas plus que je ne désire voir les apostoliques devenir catholiques d’autant que ni eux ni nous ne sommes des occidentaux. Nous sommes des orientaux, et ensemble il nous faut marcher vers l’Église universelle. Il faut arrêter de nous affronter sur des questions pour savoir qui a la primauté sur qui, Rome, la Cilicie, Jérusalem ?
Chemin d’unité
Ce sont des divisions humaines, inutiles qui ne doivent pas avoir droit de cité dans l’Église du Christ. Nous nous perdons dans notre mission qui est l’annonce de l’évangile. »
Le fait est que les relations entre arméniens en Terre Sainte ont l’air plutôt bonnes. On voit des personnes participer aux offices des deux communautés, en partie en fonction des fêtes.
Mgr Minassian regarde vers le ciel si on évoque avec lui la question des mariages mixtes et le risque de voir la communauté catholique de disparaître totalement au Moyen Orient. « Je vous l’ai dit : l’essentiel n’est pas là. L’essentiel c’est la fraternité et l’unité entre nous au-delà des divergences. Aux apostoliques j’ai dit : ‘Tous vos enfants sont les miens’ et ils m’ont dit que mes enfants étaient les leurs. » Signe de la vitalité de la communauté catholique : les vocations.
« J’en ai trois et je suis béni. L’un a été ordonné à Amman en juin, et les autres seront ordonnés dans le courant des deux prochaines années.
Ce sont les premières vocations depuis des années, mais je ne blâme pas les fidèles je me blâme moi, je blâme le clergé car si nous nous occupons des vocations, nous les aurons, si nous les cherchons nous les trouverons. Nous attendons les vocations ! C’est une erreur ! Surtout pour nous, les petites Églises, pour les latins, le patriarcat, la Custodie, ce sont des grandes institutions et cela attire peut-être davantage, il y a du prestige, il y a de meilleures conditions à la vie religieuse et sacerdotale elle-même. A nous de mettre en place une pastorale de la vocation qui soit vraiment une proposition à vivre de l’Évangile. »
A noter que sous la pression de l’Église latine, l’Église arménienne avait cessé en 1911, d’ordonner prêtres des hommes mariés, mais elle a renoué avec cette antique tradition des Églises orientales, y compris catholiques, dans les années 90. Ils sont actuellement une dizaine.
La question qui se pose est celle de la conservation de l’identité arménienne dans une population qui depuis des siècles vit au Moyen Orient et dont malgré tout le nombre décroît du fait de l’émigration.
« Cela tient à la nature même du caractère arménien. Nous sommes attachés à notre langue, plus que l’arabe c’est notre langue maternelle. Même immergés dans un monde arabe l’immense majorité des Arméniens le parlent.
La langue arménienne
Mais il est vrai que le lien tend à se perdre en Amérique ou en Europe où les distances nous séparent. Cela devient compliqué d’apprendre. Je veux dire, certes l’arménien se parle encore en diaspora mais il s’agit de le posséder non seulement à l’oral mais d’être capable de le lire et de l’écrire pour réellement continuer de le transmettre.
Les spécialités arméniennes ce ne sont pas le keftas ou le kebab, la spécificité arménienne repose sur sa langue, son histoire et sa liturgie. Sinon depuis longtemps nous aurions perdu notre identité. »
Comment parler d’histoire arménienne sans parler du génocide. Sur le dais de l’autel de l’église arménienne catholique on voit écrit 24 avril 1915.
« La plaie du génocide n’est pas cicatrisée. Je suis la première génération après le génocide, je n’ai pas eu de grands parents, psychologiquement, j’ai un manque. Certes, comme chrétien je pardonne mais je ne peux pas oublier le manque que je ressens, les histoires qui nous ont été racontées par les survivants. »
D’autres chrétiens sont en train de disparaître en Orient, aujourd’hui. Pour Mgr Minassian « C’est une réalité épuisante. Je ne peux pas contester que l’avenir des chrétiens d’Orient est en train de se jouer mais dans quelle mesure ne sommes-nous pas, nous gens d’Église, coupables ? Ne manquons-nous pas de vision sur notre vocation et mission à être chrétiens ici ?
Il faudra aborder ces points lors du synode comme celui par exemple de l’Église latine qui étant la plus riche d’entre nous a la capacité à pourvoir aux logements, à financer des écoles, à donner du travail, à apporter une assistance sociale ou médicale. Et ce sont de vrais besoins pour tous les fidèles. Mais certains orientaux deviennent, de nos jours encore, latins pour s’assurer de ces aides. Et nous devrons absolument trouver une solution de sortie ensemble de ce cercle vicieux. Entre un besoin que nous souhaitons tous apporter à nos fidèles, et une inégalité des forces à le faire qui, de facto, n’aide pas à demeurer ici comme chrétien oriental, avec la richesse des Églises d’Orient. Par ailleurs, toutes ces aides ne résoudront pas le problème. Je ne doute pas du réel élan de charité des Latins, reste que notre charité doit s’exercer d’une autre manière. Soyons clairs : si les Latins cessent de donner, certains fidèles (un tout petit nombre espérons-le) iront soit vers les Églises évangéliques – très généreuses aussi – soit vers l’islam. Il faut repenser notre mission chrétienne et totalement inverser la question. Et cela passera par nos jeunes. En leur donnant une nouvelle et vraie éducation chrétienne.
Au Liban, dans certaines écoles, le programme invite chaque année les enfants à aller dans un village trouver une personne délaissée de tous. Et toute la classe étudie les moyens possibles pour lui venir en aide. Ce sont nos élèves qui seront les chefs de famille de demain, les chrétiens orientaux de demain. Si aujourd’hui ils apprennent la valeur de l’argent, la façon de le distribuer, la façon de mettre en place des moyens de développements alors ils seront capables de s’ancrer ici et d’y demeurer et le rôle de l’Église ne sera plus de pourvoir à des besoins mais retournera à l’essentiel donner le goût du Christ et de son Évangile dans la diversité des rites.
Diaspora arménienne
La diaspora arménienne est un terme désignant les communautés arméniennes installées hors des territoires d’Arménie et du Haut-Karabagh. Sur une population arménienne mondiale estimée à 13 millions de personnes, seuls 3,3 millions résident en Arménie et à peine 130 000 dans le Haut-Karabagh. Seul un Arménien sur trois habite les terres de l’actuelle République d’Arménie, mais jusqu’en 1920, les Arméniens peuplaient un territoire à cheval entre l’Empire ottoman et la Transcaucasie, cinq à six fois plus vaste que la superficie de l’Arménie actuelle : il couvrait la zone orientale de l’Anatolie, la grande partie ouest du haut-plateau arménien (Turquie) et des terres désormais rattachées à l’Iran et à la Syrie.
Bien que la diaspora arménienne soit apparue en 1375 (lorsque le royaume arménien de Cilicie tomba sous la coupe des Mamelouks), elle prit réellement de l’ampleur après le génocide arménien (1915-1916). Malgré la mort de nombreux Arméniens, certains réussirent à s’enfuir et s’installèrent dans différentes villes de l’Europe de l’Est, des Balkans et du Moyen-Orient, notamment Moscou (Russie), Odessa (Ukraine), Sébastopol (Ukraine), Tbilissi (Géorgie), Athènes (Grèce), Beyrouth (Liban) et Alep (Syrie). Plusieurs milliers d’Arméniens s’installèrent en Europe de l’Ouest (principalement en France, Allemagne, Italie et Pays-Bas) et aux Amériques (du Nord comme du Sud) à partir de 1890. On trouve également des communautés arméniennes en Inde, en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Afrique sub-saharienne (Soudan, Afrique du Sud, Éthiopie), et en Asie (Singapour, Myanmar, Hong Kong (Chine), Japon, Philippines).
Arméniens à Jérusalem
Quelque 2 000 Arméniens vivent dans le quartier arménien de la vieille ville de Jérusalem et son célèbre monastère, qui occupent un sixième de la vieille ville.
Le premier exemple connu d’Arméniens venus près de Jérusalem date de -95, sous le règne de Tigrane II, roi d’Arménie qui conquit des territoires allant de l’Arménie à Jérusalem. C’est à cette période que les échanges ont commencé. Des communautés juives s’installent dans ce pays lointain, pendant que des Arméniens découvrent les terres environnant Jérusalem. En 70, après la destruction de Jérusalem, les Romains font venir commerçants, artisans, militaires et administrateurs arméniens. C’est aussi à ce moment précis que les apôtres Jude et Barthélemy arrivent en Arménie pour y prêcher. Par la suite, le christianisme se propage à travers le royaume arménien. En 301, durant le règne de Tiridate IV, l’Arménie devient le premier état chrétien. Durant cette période, des pèlerins émigrent déjà vers Jérusalem et en 313, l’édit de Constantin tolère le christianisme dans l’Empire romain, ce qui facilite l’établissement à Jérusalem des chrétiens arméniens.
La langue arménienne
L’arménien est une langue indo-européenne et a environ 2500 ans. Au début du Ve siècle (après J.-C.), l’Arménie – alors sous domination perse – se voit interdire l’usage de l’écriture grecque. Or tous les livres de théologie étaient rédigés dans cette langue ; et très probablement les cultes étaient-ils célébrés en grec et/ou en syriaque. Le clergé devait étudier ces langues de manière approfondie, et peut-être traduisaient-il les lectures sur le vif en arménien. Un alphabet fut inventé par le moine Mesrop Machtots. La langue arménienne fut alors employée partout, remplaçant le grec et le syriaque. Cette langue arménienne classique s’appelle le grabar ou krapar. Actuellement c’est la langue liturgique ; l’arménien moderne s’écrit avec les mêmes caractères, qui se prononcent de la même manière. Le krapar et l’arménien sont quand même moins éloignés que le latin de l’Église Catholique Romaine ne l’est du français.
En savoir plus sur les Arméniens
Krikor Beledian, Les Arméniens, collection « les fils d’Abraham » édition Brepols 1994
Jean-Pierre Valognes, Vie et mort des chrétiens d’Orient : Des origines à nos jours, Fayard 1995
Mgr Garabed Amadouni, L’Eglise Arménienne et la Catholicité, Stampa, Venise 1978.
Dernière mise à jour: 21/11/2023 10:03