Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Fouilles à Ashkelon : sauce romaine au menu

Christophe Lafontaine
18 décembre 2019
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable

Des fouilles près d'Ashkelon (Israël) ont révélé des aménagements de l’époque romaine dédiés à la production d’une sauce fameuse, proche du nuoc-mâm vietnamien ! Des restes d’une église byzantine ont également été retrouvés.


Les us et les goûts romains se sont répandus dans tout l’empire, il y a 2000 ans. Et n’ont pas concerné seulement la mode, l’architecture, mais sont allés jusqu’au fond des assiettes. C’est ce que vient confirmer une récente découverte réalisée et annoncée via communiqué par l’Autorité des Antiquités d’Israël (AAI), au sud d’Ashkelon, ville sur la côte méditerranéenne en Israël.

Les chercheurs y ont en effet retrouvé d’anciennes cuves du Ier siècle ap. J.-C. destinées à la production d’une antique sauce de poisson, appelée « garum ». Les Romains, riches comme pauvres, en raffolaient. L’historien romain, Pline l’Ancien, la mentionne régulièrement dans son « Histoire naturelle ». Et la sauce a fait des émules en Terre Sainte, puisqu’elle y a été produite et consommée.

Aussi populaire que notre ketchup moderne mis un peu à toutes les sauces, le garum – visqueux et très salé – était utilisé pour la plupart des plats dans le régime méditerranéen, aux périodes romaines comme byzantines. Il était principalement composé de chair ou de viscères de poisson (parfois de crustacés), ayant fermenté longtemps dans beaucoup de sel, afin d’éviter toute putréfaction. Le goût du garum s’approchant ainsi de celui du nuoc-mâm vietnamien !Parfois, du vin, de l’huile ou du poivre pouvaient être ajoutés.

Une découverte rare en Méditerranée orientale

« Des sources anciennes font même référence à la production de garum juif », a déclaré dans le communiqué de l’AAI, le Dr. Erickson-Gini. Le Times of israel explique qu’alors la sauce était connue sous le nom « garum castimonarium » qui était garantie à base de poisson casher et sans crustacés.

Bien qu’il s’agisse d’un aliment de base de l’Empire romain, les archéologues ont retrouvé peu de fabriques dédiées à la production de garum romain. Les sites connus se trouvent principalement en Italie et en Espagne.

En ce sens, les cuves de fermentation d’Ashkelon sont ainsi parmi les rares découvertes en la matière. Qui plus est en Méditerranée orientale, malgré la longue présence des Romains dans la région. Dor serait le seul autre endroit identifié en Israël qui pourrait avoir produit du garum, a déclaré le Dr Erickson-Gini dans les colonnes du Times of Israel.

Usage local et fortes odeurs

Le journal rapporte aussi que « d’après les fouilles effectuées jusqu’à présent, le site d’Ashkelon n’était pas une usine importante et était peut-être largement destiné à un usage local ».

Dans le communiqué de l’AAI, le Dr Tali Erickson-Ginia fait savoir que des sources anciennes, décrivant la préparation de garum « rapportent que les fortes odeurs qui accompagnaient sa production exigeaient qu’elle soit éloignée des zones résidentielles ». Pour preuve, pour ne pas incommoder les habitants, l’élaboration du condiment odorant avait lieu à deux kilomètres de l’ancienne ville d’Ashkelon. De fait, les boyaux de poissons séchés au soleil puis macérant des jours et des jours, rendaient l’atmosphère pestilentielle !

Reconversion du site à l’époque byzantine

Le site romain a ensuite été abandonné. Mais la zone étant favorable à la viticulture, une communauté monastique byzantine s’y établit au Vème siècle ap. J.-C. Trois pressoirs construits à côté d’une église décorée avec soin en sont le dernier témoignage. A noter que peu d’éléments de l’église sont arrivés jusqu’à notre époque. Des fragments architecturaux trouvés sur place montrent toutefois qu’elle était décorée de nombreux marbres sculptés et mosaïques.

A proximité, les archéologues ont mis au jour un grand complexe de fours utilisé pour produire des jarres à vin. Apparemment destinées à l’exportation. Principal revenu du monastère, selon le communiqué de l’AAI.

Le site « a de nouveau été abandonné quelque temps après la conquête islamique de la région au VIème siècle ap. J.C. et les familles nomades arrivées plus tard, résidant probablement dans des tentes, ont démantelé les structures et vendu les différentes pièces pour fournir du matériau de construction ailleurs » explique le Dr. Tali Erickson-Gini.

Pour les curieux, l’AAI ouvrira gratuitement le site aux visiteurs, le 22 décembre.

Sur le même sujet