À l’heure où nous écrivons ces lignes, il a atteint un niveau jamais égalé en seize ans. Imaginez : des berges, jusqu’il y a peu desséchées et craquelées par le soleil oriental, disparaissent aujourd’hui sous l’eau. On dit même que le bassin est sur le point de déborder. Alors, faut-il parler d’un nouveau miracle au lac de Tibériade ?
Situé dans la région de la Galilée (Nord d’Israël), le lac de Tibériade est un réservoir d’eau national de 160 km². Symbole religieux pour les chrétiens, lieu de pèlerinage pour les juifs, l’évolution de son niveau déchaîne en tout cas les passions dans le pays et est plus discutée que la météo ou le cours du dollar.
Une ressource stratégique majeure
Disons-le d’emblée, le niveau du lac représente un indicateur incontournable de la sécheresse en Israël. Mais il est plus que cela : Kinneret (nom qu’affectionnent particulièrement les juifs) est aussi et avant tout une ressource stratégique majeure du pays, qui approvisionne en eau douce les habitants de la région et permet l’irrigation de nombreuses cultures agricoles. Un bien vital, dont Israël a pourtant trop abusé ces dernières années. À tel point que le bassin a atteint, en 2017 et 2018, le niveau historiquement bas de -214 m. Son assèchement – apparemment inexorable – était ainsi devenu une vraie source de préoccupation pour les autorités israéliennes.
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Pourquoi le lac s’assèche-t-il ? D’abord en raison de son pompage massif pour l’agriculture, et en particulier la culture de bananes. À quelques kilomètres des plages d’Ein Gev, au pied des collines de Galilée, d’immenses filets cachent des plantations de ce fruit très rentable, car récoltable tout au long de l’année. Or, “quand [l’État] a commencé à planter les bananiers, il n’y avait pas de problème d’eau” dans la région, raconte Meir Barkan, le directeur du tourisme du village de vacances d’Ein Gev. Avant que la gestion de l’eau du lac ne soit considérée comme un problème à part entière en 2001, les autorités israéliennes pompaient 400 millions m3 d’eau par an. Le réservoir est peu à peu descendu à son niveau le plus bas, 214,87 m sous le niveau de la mer, niveau baptisé “ligne noire” dans le pays.
La salinité augmente, les poissons ont du mal à survivre et la végétation est directement affectée
À ce pompage massif s’ajoutent cinq années de sécheresse, qui ont frappé la Terre Sainte entre 2014 et 2018, et épuisé les réserves en eau dans le nord de la région. Les perturbations climatiques ont bouleversé l’équilibre de la faune et de la flore locales : “La salinité augmente, les poissons ont du mal à survivre et la végétation est directement affectée”, explique Amir Givati, hydrologue à l’Autorité israélienne de l’eau.
Remontée en flèche
Miracle pour certains, bénédiction divine pour d’autres, la Terre Sainte vient pourtant de connaître deux hivers extrêmement pluvieux. En 2019 et en 2020, des pluies record ont permis au niveau du lac de remonter lentement, mais sûrement. Début janvier 2020, elles ont été si abondantes que le niveau de l’eau a même monté de 3,12 m… puis a continué d’augmenter les semaines suivantes, à mesure que les neiges du plateau du Golan ont fondu et se sont déversées dans le lac.
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Par ailleurs, l’eau du lac n’a pas été pompée lors de la semaine de Pessah (Pâque juive), du 8 au 16 avril 2020. Elle n’est en effet pas considérée comme casher, puisque le Kinneret peut contenir des produits de blé levés. Mi-avril, et pour la première fois depuis 2004, la mer de Galilée est ainsi remontée à -209 m. Si ces pluies ne suffisent pas à remplacer les cinq ans de sécheresse qu’a subi le pays, elles suscitent cependant un profond soulagement parmi la population. Ce que confirme le chroniqueur Moshe Gilad, fin mai, au journal Haaretz : “Sur la rive est, dans l’aire de stationnement près du kibboutz d’Ein Gev, l’eau atteint aujourd’hui la rambarde métallique du lac. Je ne l’aurais jamais vue aussi haute”.
Dernière mise à jour: 08/03/2024 11:25