Dans les grottes de saint Jérôme à Bethléem
Lorsqu’on se rend à Bethléem c’est pour rencontrer le Christ naissant, prier la Sainte Famille, commencer à comprendre l’Écriture dans son accomplissement et admirer une superbe basilique.
Après une attente parfois longue on descend dans la crypte de la Nativité où Marie mit au monde son fils Jésus. On ne se rend pas toujours compte que cette grotte, sur laquelle fut élevée la basilique constantinienne, fait partie d’un réseau de plusieurs grottes et anciennes citernes qui, si elles présentent quelques ajouts de maçonneries, sont bien taillées dans le roc et de la plus haute antiquité. Il faut d’ailleurs remonter du lieu de l’adoration, sortir de la basilique, entrer dans l’église latine Sainte-Catherine, pour emprunter un autre escalier qui mène aux grottes du côté opposé à la première.
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Antiquité
Le territoire de Bethléem est occupé depuis le IIIe millénaire av. J.-C. et les autochtones ont toujours utilisé et aménagé ces abris naturels pour en faire des magasins et des demeures. Le plus célèbre de ces résidents a choisi de se trouver au plus près du lieu de la naissance et en même temps sous la basilique dans tout l’éclat de ses mosaïques neuves et de ses riches décors. Saint Jérôme s’installe à Bethléem en 384.
La basilique, elle, a été consacrée le 31 mai 339, les travaux d’élévation respectant ce qui n’était alors pas un sous-sol, en faisant même un écrin qui permettait en un même lieu vénération et célébration. Témoins le Pèlerin de Bordeaux sur place en 333 qui a vu le chantier de la basilique commencé en 325 ; elle devait être déjà imposante huit ans plus tard : “À Bethléem une basilique a été faite sur ordre de Constantin” et la voyageuse espagnole Égérie en 387 : “Dans l’église qui est à Bethléem se trouve une table où sainte Marie mangea avec les trois rois qui cherchaient le Christ Fils de Dieu. Il y a 64 colonnes dans l’église.”
En visite
Bien qu’aucun texte évangélique ne mentionne explicitement une grotte, la piété populaire s’est très tôt fixée sur “la grotte où il est né et, dans cette grotte, la crèche où il fut emmailloté. Et ce que l’on montre ainsi est très connu dans ces parages, au point que même les étrangers à notre foi savent que Jésus est né dans cette grotte”, écrivait Origène vers 215.
La première grotte visitée, celle de la Nativité, est toute en longueur. Draperies de lourds tissus et lampes masquent le rocher naturel mais la forme est bien celle d’origine : juste à droite de l’escalier que l’on a descendu brille l’étoile d’argent qui indique le lieu de l’enfantement. Jérôme déplorait déjà cette magnificence : “Combien précieuse pour moi l’étoile qu’on a enlevée ! L’argent et l’or sont bons pour les païens, une crèche d’argile valait mieux pour la foi chrétienne !”
En arrière, dans un renfoncement un peu en contrebas, l’autel des mages est le lieu de célébrations quotidiennes.
Il n’y a bien sûr aucune attestation archéologique de la présence des mages en ce lieu précis, mais comme dans tout site de haute vénération on a accumulé les personnages et les événements pour enrichir le sens de ce qui s’est déroulé. On lira ici le chapitre 2 de l’Évangile de Matthieu, seul à évoquer l’Épiphanie, les mages venus d’Orient et leurs présents et la phrase la plus sobre : “Entrant dans le logis ils virent l’enfant avec Marie sa mère” Mt 2, 11.
Au fond de la grotte une ancienne citerne nommé le puits de la Sainte Famille, et une porte qui interdit la communication avec les grottes qui sont cependant dans l’enfilade.
Au pied de l’escalier d’accès à partir de Sainte-Catherine s’ouvre la crypte de saint Joseph. C’est cette salle qui commande toutes les autres. À gauche une anfractuosité en forme de couloir est dédiée aux saints Innocents, tous ces enfants mâles de moins de 2 ans qu’Hérode voulut faire périr pour s’assurer de la mort de celui qu’on avait osé nommer devant lui “le roi des juifs” Mt 2, 2.
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En face de la salle d’entrée on gagne par quelques marches l’autel des saints Innocents. Se dirigeant vers la droite on pénètre dans une autre salle qui a servi de tombeau à Paula et sa fille, au disciple et successeur de Jérôme : Eusèbe de Crémone et enfin à Jérôme lui-même. Sur la tombe de Paula, morte en 406, est gravée cette épitaphe “Paule qui, d’illustre naissance préféra aux splendeurs de Rome la beauté du Christ et les champs de Bethléem”. La dernière pièce qui se trouve presque contre l’escalier d’accès est réputée être le bureau de l’illustre traducteur ; c’est là qu’il aurait travaillé plus d’un tiers de siècle, étudiant les manuscrits grecs et hébreux, mais aussi les coutumes juives et tous les éléments topographiques pour fournir à la chrétienté la Vulgate (le nom signifie répandue) qui sera en usage jusqu’au Concile Vatican II et, dans le monde catholique, la seule traduction autorisée.
Il est possible que le cercueil de Jérôme ait été transporté au Moyen Âge à Rome, mais c’est bien ici que l’on évoque sa présence, son travail, le grand œuvre de sa vie. Un témoin laconique, le pèlerin de Plaisance qui voyagea en Terre Sainte au milieu du VIe siècle : “Bethléem est un endroit des plus splendides, les serviteurs de Dieu y sont nombreux. Il y a la grotte où est né le Seigneur, où est la crèche elle-même ornée d’or et d’argent ; jour et nuit y brûlent des lampes. L’entrée de la grotte est tout à fait étroite. Le prêtre Jérôme a creusé le rocher à l’entrée même de la grotte et s’est fait un tombeau où il a été déposé”.
Venez, adorons le Seigneur
Chacune de ces petites pièces taillées dans le rocher a un autel et offre la possibilité, même à des groupes nombreux, de célébrer la messe. L’usage en Terre Sainte rend possible de prendre les textes liturgiques propres à un site n’importe quel jour de l’année ; ici évidemment les textes de la Nativité. Mais on peut aussi tout simplement méditer avec le Prologue de l’Évangile de Jean : “Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire” Jn 1, 14. Ou encore l’épître de saint Paul aux Philippiens : “Lui qui était de condition divine ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, mais il s’anéantit, prenant condition d’esclave et devenant semblable aux hommes” Ph 2, 6-7.
“Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire” Jn 1, 14.
Au centre du cloître conventuel franciscain qui date de 1347, aux belles colonnes romanes, se dresse une statue de saint Jérôme, Confesseur [personnage reconnu témoin de la foi], Père de l’Église [titre donné à des penseurs, exégètes, écrivains de langue grecque ou latine] et Docteur [titre officiel conféré par le magistère à des théologiens ou théologiennes dont les écrits et les enseignements sont reconnus de bonne doctrine et conformes à la foi de l’Église]. Il est bien sûr le patron des traducteurs !
Dernière mise à jour: 11/03/2024 09:42