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Une « marche des drapeaux » sous tension à Jérusalem

Cécile Lemoine
16 juin 2021
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Une « marche des drapeaux » sous tension à Jérusalem
La "marche des drapeaux", organisée par des groupes ultranationalistes, s'arrête devant la porte de Damas, entrée du quartier musulman, le 15 juin 2021 ©Cécile Lemoine/TSM

Plus d'un milliers de nationalistes israéliens d'extrême droite ont défilé, mardi 15 juin, à Jérusalem-Est. Sous bonne garde policière, et sous les yeux des habitants Palestiniens, ils ont cherché à affirmer la souveraineté de l’État hébreu sur la Ville sainte. Reportage.


Une vague bleue et blanche déferle sur l’esplanade de la porte de Damas. Drapeaux à la main, plusieurs centaines de nationalistes israéliens s’attrapent par les épaules pour entamer des danses de joie devant l’entrée du quartier musulman. Leurs chants à la gloire d’Israël résonnent dans l’espace en forme d’amphithéâtre. Une jeunesse juive israélienne survoltée vocifère des insultes face aux journalistes : “Mort aux Arabes”, “Que votre maison brûle”. Violences verbales et tensions corporelles sont partout palpables. 

 

Plus d’un millier de manifestants, essentiellement des jeunes colons, ont fait le trajet depuis les quatre coins du pays. Des chiffres bien éloignés des 10 000 habituellement recensés lors des marches aux drapeaux organisées pour la “Journée de Jérusalem”. Les Israéliens y commémorent la conquête de la partie Est de la ville sainte en 1967. Elle est vécue comme une provocation par les Palestiniens qui n’y voient que le symbole de l’annexion de la ville.

Reut et ses amies sont venues spécialement d’une colonie de Cisjordanie pour participer à la marche. Née aux Etats-Unis, la jeune fille ne cache pas son enthousiasme : “C’était important pour nous d’être là aujourd’hui, surtout après les événements de ces dernières semaines. On se bat pour ce qui nous appartient, ce pays qui nous a été donné par la Bible (!). On ne peut pas être des lâches. Si on ne se bat pas, personne ne le fera pour nous”, lance-t-elle avant de s’échapper, attirée par les notes puissantes d’un nouveau chant.

Bombe à retardement politique

Annulée et reportée deux fois pour des raisons sécuritaires, la marche de ce mardi 15 juin a donc rassemblé certains des plus fervents défenseurs de la nation israélienne, et ce sous haute surveillance, à la fois policière et médiatique. La tension est palpable. Si le défilé dégénère, la trêve en cours entre le Hamas et Israël pourrait être rompue. L’organisation islamiste a menacé de reprendre les tirs de roquette

C’est donc un test pour le tout nouveau gouvernement mené depuis dimanche 14 juin par le très à droite Naftali Bennett, qui hérite de cette bombe à retardement politique orchestrée par l’ex-Premier ministre, Benjamin Netanyahou. Il sait que son successeur sera pris entre la volonté d’éviter toute provocation et son soutien traditionnel aux courants ultra-nationalistes. 

Lire aussi >> Qui sont les ultra-nationalistes juifs qui entrent au Parlement israélien ?

Tout a été calculé pour éviter les contacts entre marcheurs juifs et résidants palestiniens. Le parcours du défilé a été modifié pour contourner le quartier musulman dont les boutiques ont dû fermer par mesure de précaution. Surtout, la police a fait place nette. Quelques heures avant la marche, elle a violemment délogé les Palestiniens restés massés autour de la porte de Damas et les a repoussés quelques rues plus loin, à l’aide de son canon à eau putride. Certains ont riposté en lançant des pierres sur la police montée. Ces échauffourées ont causé une trentaine de blessés selon le Croissant Rouge et une vingtaine d’arrestations. Des députés arabes israéliens venus sur place ont dénoncé  une « provocation » et estimé que seul le drapeau palestinien était légitime à la Porte de Damas. 

« C’est chez nous ici »

“Comme tous les ans, ils viennent nous provoquer avec leurs drapeaux et leurs insultes”, s’insurge Eyad, hiérosolomytain pure souche venu aider un ami à tenir sa boutique de produits électroniques. “C’est chez nous ici. Nous n’avons pas peur, contrairement à eux”, lâche le quarantenaire aux yeux d’un bleu profond en désignant les barrières qui séparent physiquement les Palestiniens de la manifestation.

 

Les marcheurs restés bloqués à l’extérieur de l’esplanade de la porte de Damas brandissent leurs drapeaux au nez des rares Palestiniens restés dans les parages. Ceux-ci ne répliquent pas. Le cortège finit par avancer vers la porte de Jaffa puis le Mur Occidental.

En marge de la manifestation, des ballons explosifs ont été lâchés depuis la bande de Gaza, allumant quelques feux épars le long de la frontière avec Israël. L’Etat hébreu a répondu dans la nuit avec des frappes ciblées. 

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