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Qui sont les ultra-nationalistes juifs qui vont entrer au Parlement israélien ?

Cécile Lemoine
25 mars 2021
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Qui sont les ultra-nationalistes juifs qui vont entrer au Parlement israélien ?
Bezalel Smotrich chef du parti Sionisme religieux (à droite) et Itamar Ben Gvir du parti Otzma Yehudit, le soir des élections, le 23 mars 2021. ©Sraya Diamant / Flash90

Créditée de 6 ou 7 sièges, la coalition Sionisme Religieux apporte deux leaders aux idées controversées à la Knesset : Itamar Ben Gvir et Avi Maoz.


Vingt-six ans après avoir été interdit au Parlement, les héritiers du seul parti considéré comme terroriste par Israël et les États-Unis vont faire leur entrée à la Knesset, par le truchement d’une coalition regroupant les leaders d’une droite particulièrement dure : le parti Sioniste religieux.

Les premiers résultats créditent la coalition emmenée par Bezalel Smotrich, de 6 ou 7 sièges. Une surprise quand les observateurs politiques ne lui donnait que 4 ou 5 sièges. « Béni soit Dieu, ces résultats sont le fruit d’une concertation entre tous ceux qui décident de mettre la Torah en premier », a déclaré Bezalel Smotrich, aux côtés de deux autres formations politiques qui forment la coalition : les suprémacistes d’Otzma Yehudit (Force juive) représentés par le sulfureux Itamar Ben Gvir, et le parti ouvertement homophobe d’Avi Maoz, Noam, dont l’entrée à la Knesset est inédite.

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En Israël, le scrutin à la proportionnelle favorise l’émergence de petites factions et le dispersement des voix. Fragilisé par plusieurs procès pour corruption, Benyamin Netanyahou a poussé les petites structures d’extrême droite à s’allier afin qu’elles puissent atteindre ensemble le seuil des 3,25 % des votes exprimés, nécessaire pour siéger à la Knesset.

Une manœuvre politique qui lui permet de récolter des voix et d’assurer son avenir, même s’il participe à la naissance d’une coalition ultra-conservatrice et ultra-religieuse. « Leur percée est conforme à l’influence qu’ont leurs idées en Israël, explique Philippe Velilla, auteur de Les Juifs et la droite (Pascal, 2010) à Terre Sainte Magazine. Et c’est plutôt inquiétant.»

Expulsion des Palestiniens

Itamar Ben Gvir est l’héritier idéologique du rabbin Meir Kahane, un ancien député dont le parti Kach, considéré comme raciste et terroriste, a été interdit. Visage rond et lunettes fines, Ben Gvir soutient « l’émigration des non-juifs d’Israël et l’expulsion des Palestiniens et des Arabes israéliens qui refusent de déclarer leur loyauté à Israël », liste le quotidien The Times of Israel.

Après des années passées devant les tribunaux en raison de son militantisme d’extrême droite, Ben Gvir a décidé qu’il préférait pratiquer le droit plutôt que de l’enfreindre. Il met désormais ses compétences d’avocat au service de jeunes ultra-nationalistes accusés de mener des attaques haineuses contre les Palestiniens, ou de soldats de Tsahal ayant eu recours à un usage excessif de la force.

Dans l’opposition, son entrée au Parlement suscite une levée de boucliers. « Tenter de faire entrer Ben Gvir à la Knesset est une honte », a estimé le centriste Yaïr Lapid. « Si Netanyahu gagne, il formera un gouvernement avec Smotrich et Ben Gvir ». Ce sera « un gouvernement extrémiste, homophobe, chauvin et anti-démocratique », a mis en garde le principal concurrent du premier ministre sortant.

Homophobie

Autre leader controversé de l’ultra-droite, Avi Maoz devrait franchir pour la première fois les portes de la Knesset. Ouvertement homophobe, son parti « Noam » a fait irruption sur la scène politique en 2019 avec une campagne intitulée « Israël choisit d’être normal ». Le parti affirme que la communauté LGBT a « imposé son agenda » au reste de la société israélienne, qui croit en une structure familiale « normale ».

Avi Maoz, président du parti Noam ©Noam Party

Au-delà de la question LGBT, Maoz a fait campagne pour « renforcer le caractère juif de l’État d’Israël » en ayant une observance nationale plus stricte du Shabbat, en renforçant le monopole du rabbinat orthodoxe sur la vie religieuse, en injectant la loi religieuse dans une société plus large et en promouvant les « valeurs familiales », relate Haaretz, quotidien plutôt classé à gauche.

Le parti Sionisme religieux a bénéficié d’un soutien inattendu, celui des communautés Haredim, qui votent habituellement vers les partis ultra-orthodoxes. « Un glissement s’opère vers le nationalisme dans ces communautés hostiles aux Arabes, et c’est particulièrement vrai pour les plus jeunes chez qui le vote sioniste devient de plus en plus politique », observe Philippe Velilla. Si le phénomène de la droitisation de la politique est ancien en Israël, il prend désormais une toute autre ampleur. « Une nouvelle normalité ? « , s’interroge, circonspect le Times of Israël.

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