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Huqoq révèle les portraits de deux héroïnes bibliques

Christophe Lafontaine
19 juillet 2022
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Huqoq révèle les portraits de deux héroïnes bibliques
Le commandant israélite Barac représenté sur une mosaïque de la synagogue de Huqoq ©Jim Haberman



Des représentations des femmes bibliques Débora et Yaël, et du chef militaire israélite Barac, ont été retrouvées à Huqoq en Galilée sur des mosaïques du Ve siècle ap. J.-C. Elles relatent un épisode du Livre des Juges.


Huqoq n’en finit pas de révéler ses trésors de tesselles depuis 10 ans. Il y a 1 600 ans, ce site archéologique en Galilée abritait une synagogue à une dizaine de kilomètres au nord du lac de Tibériade.

Récemment, des archéologues américains de l’université de Caroline du Nord à Chapel Hill (UNC-Chapel Hill) ont annoncé dans un communiqué publié le 5 juillet, avoir découvert dans la partie sud-ouest de la synagogue. Elles seraient les toutes premières représentations connues des deux célèbres femmes bibliques, Débora et Yaël.

Les mosaïques dateraient aussi du Ve siècle ap. J.-C. Elles représentent un épisode du Livre des Juges (chapitre IV) quand les Israélites étaient opprimés pendant 20 ans par Jabin, le roi de Canaan. Elles relatent précisément le récit dans lequel sous la direction de la prophétesse Débora et du commandant militaire Barac, les forces israélites ont finalement pris le pas sur l’armée cananéenne, dirigée par le général Siséra. Après la bataille, le général vaincu, s’enfuit dans la tente de Yaël. Cette dernière lui planta alors un pieu dans sa tempe pour le tuer alors qu’il dormait.

Deux premières 

« C’est la première représentation de cet épisode et la première fois que nous voyons une représentation des héroïnes bibliques Débora et Yaël dans l’art juif ancien », a déclaré dans le communiqué de l’UNC-Chapel Hill Jodi Magness, rattachée à cette université et qui supervise les fouilles sur le site d’Huqoq depuis leur début en 2012.

UNC-Chapel Hill n’a pour le moment rendu public que des photos de la mosaïque montrant le chef Barac. « Nous ne publierons pas les images complètes tant que nous n’aurons pas l’occasion de les préparer correctement pour la publication » a déclaré à terresainte.net, Jodi Magness. « Il nous faudra au moins deux ans pour préparer et publier les nouvelles mosaïques », a-t-elle ajouté sans préciser l’état de conservation des images des deux femmes. « Mais, a-t-elle confirmé, je peux vous dire que nous avons leurs visages et que nous pouvons les identifier avec certitude ».

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La mosaïque divisée en trois registres horizontaux montre, dans sa première partie, Débora sous un palmier regarder Barac qui est muni d’un bouclier. Dans le registre central dont seule une partie est préservée, Siséra est représenté assis. Sur le troisième panneau, Siséra figure comme mort, étendu au sol, après avoir été tué par Yaël.

Renard mangeant des raisins représentés sur une mosaïque de la synagogue de Huqoq, ©Jim Haberman

A côté de ces mosaïques, l’équipe a aussi retrouvé une mosaïque représentant des vases contenant des petites pousses de vignes qui forment des médaillons entourant un lièvre, un renard, un léopard et un sanglier mangeant des grappes de raisin.

Dix ans de découvertes

Ces mosaïques sont les dernières d’une longue série de découvertes représentant des scènes bibliques en majorité. En 2019, les archéologues avaient trouvé des mosaïques inspirées d’épisodes du Livre de l’Exode et du Livre de Daniel. Cette dernière faisant référence à la fin des temps. En 2018, des mosaïques narrant le récit biblique des espions israélites envoyés par Moïse à Canaan avaient également été mises à la lumière. 

Un an plus tôt, c’est une mosaïque racontant l’histoire de Jonas et de la baleine qui avait été découverte. En 2016, il s’agissait des épisodes de l’arche de Noé et du passage de la mer Rouge. En 2012 et 2013, l’équipe avait mis au jour deux mosaïques représentant des épisodes de la vie de Samson, le héros biblique aux cheveux longs et à la force surhumaine. 

Depuis le début des fouilles, d’autres mosaïques aux thèmes profanes comme celui des saisons ou des putti (amours) arborent des inscriptions en hébreu ou encore des figures humaines. L’une des mosaïques mettrait en scène Alexandre le Grand rencontrant le Grand prêtre juif. 

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Des figures animales apparaissent également notamment un éléphant, ce qui est insolite car l’animal n’apparaît pas dans la Torah. Des références mythologiques comme la représentation du dieu du soleil Hélios représenté dans un quadrige entouré des signes du zodiaque ne sont pas en reste.

« Les mosaïques qui décorent le sol de la synagogue de Huqoq révolutionnent notre compréhension du judaïsme à cette époque », avait déclaré Jodi Magness dans un communiqué de presse émis en 2018. Jusqu’alors, on pensait que l’art juif de l’époque évitait les sujets figuratifs, et que le Ve siècle, période d’expansion pour le christianisme, avait nui à la richesse visuelle de l’art juif en Terre Sainte.

Ces fouilles d’une très grande richesse sont sous la codirection de l’Autorité des antiquités israéliennes et de l’université de Tel Aviv. Elles devraient se poursuivre à l’été 2023.

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