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Après le plus gros incendie d’Israël, Latroun et Emmaüs-Nicopolis évaluent les dégâts

Cécile Lemoine
2 mai 2025
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Le jardin de la communauté des Béatitudes, à Emmaüs-Nicopolis, a été durement touché par les flammes ©Cécile Lemoine

Une partie des vignes, oliviers et arbres fruitiers des monastères de Latroun et Emmaüs-Nicopolis ont brûlé dans l'impressionnant incendie qui a sévi dans les collines de Jérusalem le 30 avril. Déjà, la solidarité s’organise.


Des volutes de fumée s’échappent toujours d’un tas de cendres au milieu d’une rangée d’oliviers. Frère Daniel arrête son petit tracteur sur le chemin de terre bordé d’arbres calcinés. Lève les yeux. Deux canadairs survolent la zone à basse altitude. Ce vendredi 2 mai, deux jours après l’impressionnant incendie qui s’est déclaré dans les forêts situées à 20 kilomètres de Jérusalem, les feux sont enfin maîtrisés, mais les pompiers veillent. 

Lire aussi >> Feu de forêt près de Jérusalem: Latroun perd une partie de son vignoble

Depuis son tracteur, frère Daniel évalue les dégâts : “Sur les 200 hectares d’oliviers, près de 50 hectares ont brûlé. Certains arbres avaient plus de 100 ans, détaille ce moine cistercien du monastère de Latroun. Installée depuis 1890, la communauté est connue pour son vin et son huile d’olive : “Ça brise le cœur. Les oliviers ne poussent pas vite.” L’engin longe les vignes. Certaines rangées ont tourné au roux. “Environ 20% du vignoble est endommagé. On verra à quoi ressemblera la récolte… Il n’a pas assez plu cet hiver, et il fait déjà trop chaud.” 

Frère Daniel, du monastère trappiste de Latroun, évalue les dégâts des oliveraies et du vignoble ©Cécile Lemoine

Au total, le feu a englouti près de 13 000 hectares de forêts de pins, selon la police. L’espèce, plantée pour donner des allures de forêt européenne aux collines de Jérusalem, est hautement inflammable.

Au total, le feu a englouti près de 2500 hectares de forêts de pins, selon le Fonds National Juif. L’espèce, plantée pour donner des allures de forêt européenne aux collines de Jérusalem, est hautement inflammable.

L’incendie du 30 avril, déjà présenté comme le plus grand de l’histoire d’Israël, reste toutefois moins grave que celui qui a touché les montagnes du Carmel, dans le nord du pays en 2010. À l’époque, 44 personnes étaient mortes et 5 000 hectares de terres avaient brûlé.

Volontaires israéliens

La police enquête encore sur l’origine de l’incendie. C’est la piste de la négligence qui est désormais privilégiée : cigarette, barbecue mal éteint… Le “khamsin”, ce vent chaud et violent en provenance d’Egypte, a tout accéléré. Face aux flammes galopantes, 11 villages ont été évacués le 30 avril, soit près de 6000 personnes, dont les 20 moines de Latroun, mais aussi les neuf religieux et religieuses de la communauté des Béatitudes, qui gèrent le site d’Emmaüs-Nicopolis.

Là, les flammes ont fait plus de dégâts : l’atelier, deux bungalows et une grande partie des arbres fruitiers ont brûlé. “Deux frères sont revenus mercredi dans la nuit pour éteindre les foyers toujours actifs jusqu’à 4 heures du matin”, raconte sœur Rebecca, encore choquée. L’un des bungalows est le sien. Elle a tout perdu. Coup dur pour la communauté, qui peine déjà à joindre les deux bouts, faute de pèlerins et de touristes.

Portées par le vent, les flammes sont venus lécher les murs du balcon situé au premier étage de la maison des Béatitudes ©Cécile Lemoine

La communauté estime à plusieurs milliers d’euros les réparations nécessaires. Le réseau d’eau et d’électricité a été endommagé.

Dans le jardin, des volontaires israéliens de la ville voisine de Modiin sont venus prêter main forte pour le déblaiement. D’autres ont apporté de la nourriture. « On a dû mal à réaliser, souffle sœur Rebecca. Toute cette aide nous porte, mais la redescente va être dure… »

“C’est dans les crises que la solidarité israélienne s’exprime le mieux”, sourit Chaïm, un soixantenaire plutôt de gauche : “Ça n’aurait pas dû arriver. C’est la provence israélienne ici : on connaît les risques, mais aucun homme politique ne s’empare du sujet climatique pour mettre en place les bons processus.”

« La vie continue »

Le budget de l’Autorité des incendies et des secours a de fait été raboté pour 2025, et plusieurs rapports ont noté l’impréparation de l’Etat israélien face à ce genre d’urgence. Sensibles au réchauffement climatique et conscients du risque élevé d’incendies dans la région, les communauté de Latroun et d’Emmaüs-Nicopolis avaient récemment installé des points d’eau incendie tous les 50 mètres sur leur terrain. 

Pas de fatalisme. Juste l’envie d’aller de l’avant. Le premier réflexe de frère Thomas, de la communauté des Béatitudes, fut de fleurir la statue de la Vierge Marie. “Un peu de couleur au milieu de toute cette mort”, sourit le religieux.

“La vie continue”, abonde frère Daniel au pied du monastère de Latroun, intact, mais entièrement… rose. L’eau “retardante” aspergée par les canadairs va être un défi à faire disparaître. Quarante scouts de la ville voisine de Ramleh vont venir aider samedi.

“Nous n’oublions pas ces gens, qui, tout près de nous, vivent depuis plus d’un an dans une situation bien plus difficile”, poursuit le cistercien. Gaza n’est qu’à une cinquantaine de kilomètres.

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  • Pour l’Abbaye de Latroun, vous pouvez faire un don via l’Œuvre d’Orient directement sur le site du monastère : cliquez ici.

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