Vers 10h20 ce matin, un obus de char israélien a touché l’église catholique de la Sainte-Famille dans la ville de Gaza. Cette paroisse, la seule de rite latin dans l’enclave, sert depuis octobre 2023 de refuge à plusieurs dizaines de civils – tous chrétiens – déplacés par la guerre. L’attaque a causé la mort de trois personnes et blessé plusieurs autres, dont le curé, le père Gabriel Romanelli.

Selon la Caritas de Jérusalem, l’obus a explosé près de la croix située sur le toit de l’église. Les éclats se sont dispersés dans cour où se trouvaient des réfugiés, malgré les consignes de confinement données la veille. Deux personnes se trouvaient sous une tente de soutien psychosocial gérée par la Caritas. Fumayya Ayyad, 84 ans, a succombé à ses blessures quelques heures plus tard. L’autre victime, Saad Salameh, 60 ans, concierge de la paroisse, a également été mortellement blessé dans l’explosion. Tous deux ont été transportés d’urgence à l’hôpital Al-Mamadani, où les soins ont été entravés par le manque de matériel médical et de poches de sang. Leurs funérailles ont été célébrées cette après-midi à 16 heures dans l’église grecque-orthodoxe de Saint-Porphyre.
Trois jeunes gens qui se trouvaient à l’entrée de l’église ont été grièvement blessés. D’autres ont reçu des soins pour des blessures plus légères. Le père Gabriel Romanelli, curé de la paroisse, a lui aussi été touché. Après de soins à la jambe droite, il a regagné la paroisse.
Depuis une semaine, le père Romanelli demandait avec insistance aux familles réfugiées dans les bâtiments paroissiaux de ne pas sortir, en raison des combats intensifs et des tirs d’artillerie dans les environs. « Si le père Gabriel ne nous avait pas avertis de rester à l’intérieur, nous aurions pu perdre 50 à 60 personnes aujourd’hui. Cela aurait été un massacre », a témoigné un membre de l’équipe locale de Caritas.

Cette attaque intervient dans un contexte d’intensification des opérations terrestres israéliennes dans le centre de la bande de Gaza. Ces derniers jours, des chars israéliens s’étaient déployés à proximité immédiate de l’église.
Réactions et condamnations
Dans un communiqué publié peu après l’attaque, Caritas Jérusalem a dénoncé une grave violation du droit international humanitaire. « Frapper ou mettre en danger des civils réfugiés constitue une atteinte directe à la dignité humaine », peut-on y lire. L’organisation appelle à la protection immédiate des lieux de culte et des structures humanitaires.
Le Patriarcat latin de Jérusalem a d’abord exprimé sa consternation et promettait de donner des détails supplémentaires dès que possible. C’est lui qui a fait l’annonce officielle, dans un premier temps, de deux décès.
Le pape Léon XIV a fait savoir qu’il était « profondément attristé » par cette attaque. Dans un message transmis ce jeudi après-midi, le Saint-Père a assuré le père Romanelli et la communauté de sa « proximité spirituelle ». Il a confié les défunts à la miséricorde divine et renouvelé son appel à « un cessez-le-feu immédiat », exhortant au dialogue, à la réconciliation et à une paix durable.
Dans une réaction inhabituelle, le ministère israélien des Affaires étrangères a exprimé sa « profonde tristesse » pour les pertes civiles et les dégâts infligés à l’église. Il affirme qu’Israël ne cible jamais les églises ou les sites religieux, et qu’une enquête est en cours.
Pourtant, selon un rapport publié en juin par la Commission d’enquête indépendante des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés, Israël aurait détruit plus de la moitié des sites religieux et culturels de la bande de Gaza depuis le début du conflit, ainsi que plus de 90 % des établissements scolaires et universitaires.
Une communauté sous le feu
La paroisse de la Sainte Famille, gérée par le patriarcat latin de Jérusalem, accueille depuis le début de la guerre des dizaines de familles déplacées et dont les lieux d’habitation ont été détruits. Grâce à l’action du diocèse, les bâtiments de la paroisse – dont une école, un dispensaire, des logements – avaient jusqu’ici échappé à des frappes directes.

« Nous sommes tous en état de choc », a confié un employé local de Caritas. « La paroisse, ce n’était pas seulement une église : c’était un abri, un dernier espoir pour ceux qui n’ont plus rien. »
A Gaza en octobre 2023, une frappe israélienne avait fait s’écrouler des locaux de la paroisse grecque-orthodoxe Saint-Porphyre, faisant dix-sept morts. En décembre de la même année, deux femmes, Nahida et Samar Antone, avaient trouvé la mort visées par un tireur d’élite israélien, tandis qu’elles traversaient la cours de la paroisse latine.
D’après le père Gabriel, depuis octobre 2023, 54 des réfugiés à la paroisse ont trouvé la mort, la plupart à défaut de recevoir les soins appropriés à leur état de santé.
Communiqué du patriarcat latin
A 17h10 ce jeudi, un troisième communiqué du patriarcat latin donne un nouveau bilan : « À l’heure actuelle, trois personnes ont perdu la vie des suites de leurs blessures et dix autres ont été blessées, dont une dans un état critique et deux dans un état grave. »
La troisième victime déplorée est Najwa Abu Daoud, 69 ans.
Il poursuit par une déclaration plus politique : « Le Patriarcat latin condamne avec la plus grande fermeté cette tragédie et le ciblage d’innocents ainsi que d’un lieu sacré. Toutefois, cette tragédie n’est ni plus grande ni plus terrible que beaucoup d’autres qui ont frappé Gaza. De nombreux autres civils innocents ont également été blessés, déplacés ou tués. La mort, la souffrance et la destruction sont partout.
Il est temps que les responsables politiques élèvent la voix et fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre fin à cette tragédie, humainement et moralement injustifiable.
Cette guerre atroce doit cesser complètement, pour que puisse commencer le long travail de restauration de la dignité humaine.”
Le communiqué du patriarcat poursuit en remerciant « Tous ceux qui témoignent leur compassion et leur solidarité envers le Patriarcat et l’Église. » Le président français, Emmanuel Macron, s’est entretenu avec le patriarche latin, le cardinal Pizzaballa ainsi que Giorgia Meloni, présidente du Conseil des ministres italiens.

Mardi, un ordre de déplacement avait été envoyé à la population du secteur dans lequel se trouve la paroisse. Mais depuis le début de la guerre, le curé et les paroissiens ont décidé de ne pas les suivre. Ils préfèrent rester ensemble, solidaires, avec un toit sur la tête et le réconfort spirituel offert par leur église, que d’être ballotés d’un endroit à un autre au bon plaisir de l’armée qui restreint toujours plus les espaces où la survie est possible.
Dernière mise à jour: 17/07/2025 19:07