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Georges Safar: L’appel du large et des pèlerins

Marie-Armelle Beaulieu
15 septembre 2025
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Son site préféré : le maktesh Ramon, dans le désert du Négev. "J’adore guider dans le désert, il y a moins à guider, mais la démarche spirituelle liée au désert est très forte" ©DR

Georges Safar est connu sous le nom de Jo. Quand il a commencé à guider, il avait 23 ans, un des plus jeunes guides licenciés à l’époque. Né à Lille, Jo n’en est pas moins chez lui à Jérusalem. C’est là que son père Hana Safar exerçait comme médecin, là qu’il a été baptisé, comme son père dans le rite syriaque catholique, sous les yeux attendris de sa mère française. Il a bien grandi.


Il a découvert le métier de guide grâce à un ami de la famille, un guide de l’ancienne époque « chemise blanche, pantalon blanc, chapeau. Il conduisait les groupes d’un endroit à un autre plus qu’il ne guidait comme nous le faisons aujourd’hui. »

Jo dit qu’il était encore en activité quand lui-même a commencé en 1999. « C’est le prêtre qui faisait tout, mais la bascule s’est faite dans les années 2000. » Si on lui avait fait miroiter « une vie facile où l’on passait d’hôtel en hôtel », c’est finalement le « guidage nouveau » appris à l’école des guides qui a attiré Georges et continue d’entretenir la flamme.

PRÉSENTATION

Nom : Safar
Prénom : Georges dit Jo
Âge : 49 ans
Numéro de licence : 6391
Naissance : Lille
Résidence : Haïfa

Ce qui lui plaît, aujourd’hui encore, c’est « être à l’extérieur, le contact avec les gens et m’efforcer de transmettre quelque chose. De semaine en semaine, de groupe en groupe, je vois les pèlerins ouvrir ces mêmes grands yeux. » Il ne cache pas ce sourire de contentement et pavlovien qui trahit le manque. Pourtant il n’hésite pas à le dire: « Ce métier est une torture. Il y a un prix à payer pour l’exercer : on passe son temps loin de sa fa-mille, on manque quantité de fêtes et autres occasions. Il faut aimer ce métier pour le faire. »

Jo est très demandé : « Je pourrais travailler du 1er janvier au 31 décembre… Du moins hors Covid, hors temps de guerre… Mais j’ai mis des limites. Je ne travaille pas en janvier. Et il y a une baisse de l’activité en été. » Avec quatre enfants à élever, Georges doit prendre soin de sa famille. « Mon épouse aussi travaille dans le tourisme. Nous avons créé ensemble, juste avant la guerre, notre propre agence. L’année 2025 était pleine. »

L’envie des autres

On sent que le coup est rude. Quand les événements du 7-Octobre sont survenus « tout le monde pensait que ça allait être une histoire de trois semaines. Un mois à tout casser. Finalement les mois s’égrènent et on ne voit pas quand il y aura une reprise. C’est à en perdre espoir. J’ai découvert la force du soutien entre confrères. Avec quelques guides de la région de Haïfa, nous nous sommes épaulés, souvent retrouvés autour d’un café ou d’une marche en bord de mer. Ces instants de fraternité ont été essentiels pour ne pas sombrer dans l’isolement ou le découragement. Mais vivre dans l’incertitude, devoir calculer chaque achat, renoncer à offrir une glace en bord de mer à ses enfants tout cela pese lourd. »

Malgré les conséquences économiques, ce qui manque le plus n’est pas l’argent : « C’est le contact humain, bien sûr! Être guide, c’est être en relation constante avec des personnes venues du monde entier. Chaque semaine, c’est une cinquantaine de regards, de questions, de pas qui avancent sur les traces de l’Évangile. C’est transmettre, éclairer, faire vivre une expérience de foi et de « En février 2025, j’ai eu la chance de guider mon premier groupe depuis octobre 2023. Pour être honnête, j’ai eu l’impression… de partir en vancances! C’est dire combien le terrain me manque. »

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Depuis il y a eu la guerre de 12 jours avec l’Iran. Une nouvelle expérience pour Jo et les siens. La ville de Haïfa a souvent été ciblée et parfois touchée avec des dégâts beaucoup plus importants que lorsque les missiles arrivaient du Liban à l’automne 2024. « J’ai démonté la fenêtre de l’abri. Malgré les volets blindés, les déflagrations pouvaient donner le sentiment qu’elle allait exploser. » Cet épisode-là est terminé et l’espoir renaît pour Jo.

« L’agence se prépare à accueillir à nouveau des groupes en Terre Sainte, selon la grâce des mois à venir. Et même si j’avais prévu de me concentrer davantage sur la gestion, je sais que je continuerai à guider ponctuellement, notamment avec les prêtres amis, les responsables de groupes proches. Parce que ce métier, ce n’est pas seulement une profession. C’est un appel. »

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