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Bethsaïde, le village biblique de Pierre, mis au jour par le feu

Rédaction
3 septembre 2025
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La neuvième saison des fouilles archéologiques sur le site de la ville natale de l’apôtre Pierre a livré son lot de surprises. A la veille du début des excavations, c’est un incendie qui a permis d’en savoir plus sur Bethsaïde.


À la fin juillet, un violent incendie a ravagé la réserve de Beteiha, consumant la végétation tout autour du site qu’el-Araj. Depuis 2016, le professeur Mordechai Aviam (Kinneret College) et le professeur R. Steven Notley (Pillar College, NJ) le fouillent le tenant pour être le lieu de la ville de Bethsaïde, mentionnée dans le Nouveau Testament.

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Le feu a détruit une partie du matériel archéologique entreposé alors qu’une nouvelle saison de fouilles devait commencer le lendemain. Mais il a offert un avantage inattendu : le sol, désormais dégagé, a révélé à l’œil nu de nombreuses structures auparavant dissimulées par les broussailles.


« Le feu, bien que tragique, nous a permis de voir l’étendue réelle du site, bien plus vaste que nous le pensions », a expliqué Mordechai Aviam au Times of Israel. Les archéologues ont ainsi identifié les vestiges de maisons privées mais aussi des éléments d’architecture monumentale : tambours de colonnes, chapiteaux corinthiens et doriques, fragments de corniches. Pour Aviam, ces indices confirment que Bethsaïde ne pouvait être qu’une ville importante, telle que la décrit l’historien Flavius Josèphe.

Sous la basilique byzantine, la Bethsaïde romaine

Depuis neuf saisons, l’équipe met au jour les strates qui se superposent : une église byzantine du Ve siècle, un monastère, puis des réaménagements croisés par les Croisés qui transformèrent le lieu en sucrerie au Moyen Âge. Mais l’objectif majeur de la campagne 2025 restait d’atteindre les couches romaines, contemporaines de Jésus.

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Dans le secteur de la basilique, les équipes ont percé le sol de mosaïque et sont descendues jusqu’à des murs et sols romains. On y a découvert des fragments de fresques, de tuiles de chauffage (tubuli) et de marbre, signes d’un complexe thermal. Steven Notley note : « Nos tessons de céramique et plusieurs monnaies indiquent que nous sommes bien dans le Ier siècle. »
Ces indices renvoient au grand bain romain déjà mis au jour en 2019 et que l’équipe espère relier à une synagogue antique. Comme l’a expliqué l’archéologue Achia Kohn-Tavor dans une vidéo de clôture : « Les murs romains, très soignés, pourraient appartenir au complexe thermal. Cela renforcerait l’identification du site à Julias, la cité fondée par Hérode Philippe. »

Des signes de vie juive au Ier siècle

Parmi les trouvailles marquantes figurent des fragments de jarres en pierre calcaire, typiques des pratiques de purification juives à l’époque du Second Temple. « C’est exactement ce que décrit l’évangile de Jean lors des noces de Cana », souligne Notley dans son rapport du 6 août. Ces récipients, insensibles aux impuretés rituelles, sont considérés par les spécialistes comme un marqueur de présence juive.
On a également trouvé un poids de pêche en plomb, des clochettes, des amulettes et des monnaies romaines. Tous ces éléments esquissent le portrait d’un village de pêcheurs juifs du Ier siècle, en parfaite cohérence avec le récit des évangiles.

L’incendie a ravagé la réserve, mais la basilique byzantine est restée intacte. Notley s’étonne : « Le feu s’est arrêté à 45 centimètres de la bâche qui recouvrait l’abside. Le sol herbeux continuait pourtant sous la bâche. Inexplicablement, les flammes se sont arrêtées là. » Pour les chercheurs, cette préservation presque miraculeuse permet de poursuivre sans dommage les travaux dans l’édifice et autour de l’inscription grecque découverte en 2022 qui invoque « le chef des Apôtres et gardien des clés du ciel », c’est-à-dire saint Pierre.

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Les prospections de surface, facilitées par l’incendie, ont montré l’ampleur du site : colonnes, murs et blocs taillés dessinent déjà le contour d’un village plus vaste qu’attendu. « Chaque monticule visible pourrait correspondre à une maison antique », note Aviam dans Arkeonews.
L’équipe internationale, soutenue notamment par le Musée (japonais) de la Bible et enrichie de volontaires venus du monde entier, reprendra les fouilles en octobre pour poursuivre l’exploration des niveaux romains.

Un lieu biblique qui ressurgit

Petit à petit, el-Araj s’impose comme la Bethsaïde des évangiles : un village juif actif à l’époque de Jésus, agrandi par Hérode Philippe en ville appelée Julias, abandonné ensuite avant d’être redécouvert et christianisé par les Byzantins.
« Nous n’avons pas la preuve que cette maison était celle de Pierre, reconnaît Aviam dans le Times of Israel. Mais les chrétiens byzantins en étaient convaincus, comme à Capharnaüm. Et c’est bien ce souvenir qui a façonné la mémoire chrétienne du lieu. »

Ainsi, entre cendres et pierres, Bethsaïde se révèle à nouveau, et les flammes d’un incendie ont paradoxalement ravivé la trace de l’un des villages les plus chers à l’histoire chrétienne.


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