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Selon le nonce à Damas, il reste 2% de chrétiens en Syrie

Christophe Lafontaine
29 janvier 2019
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Selon le nonce à Damas, il reste 2% de chrétiens en Syrie
Chrétiens syriens dans une église à Damas en 2017 © Moa'ab / Wikimedia Commons

Près de huit ans après le début de la guerre civile en Syrie, le pourcentage de chrétiens est passé de 6% à 2% dans le pays. Ils représentaient 25% de la population au terme du second conflit mondial.


En Hongrie lors d’un événement organisé à l’Université catholique Péter Pázmány (PPKE) à Budapest, le nonce apostolique à Damas s’est fortement ému, le 21 janvier 2019, de l’exode des chrétiens de Syrie, a rapporté hier l’agence de presse Fides. Le cardinal Mario Zenari a notamment rappelé qu’à l’issue de la Seconde Guerre Mondiale, les chrétiens représentaient encore le quart de la population en Syrie. Ils n’étaient, selon lui, déjà plus que 5 à 6 % avant la guerre civile qui a déchiré le pays depuis le printemps 2011. Leur proportion serait actuellement tombée à environ 2%, précise le site de l’ambassade de Hongrie près le Saint-Siège.

Pour le diplomate du Saint-Siège, les causes seraient bien entendu le conflit actuel, qui a contraint des dizaines de milliers de familles à quitter le pays mais aussi le faible taux de natalité des familles chrétiennes. Il a par ailleurs souligné que la présence chrétienne au Proche-Orient courait le risque de disparaitre non pas tant à cause de la destruction des églises, que parce que les hommes émigrent à l’étranger, diminuant le nombre de garçons chrétiens en âge de se marier. Ipso facto les familles mixtes (comprenant un conjoint chrétien et un conjoint musulman), se développant, elles suivront la religion musulmane.

Selon le portail hongrois d’information catholique, le cardinal Zenari a également présenté au public une série de photos décrivant la souffrance du peuple syrien : maisons détruites, enfants et adultes blessés, réfugiés sur les routes du désert. Le diplomate du Saint-Siège a insisté aussi sur la fracture du tissu social. Une situation qui, traduite en chiffres, révèle un très lourd bilan : 500 000 morts, 1,5 million de blessés, 35% des habitations endommagées et 54% des hôpitaux dans le même état. Une école sur trois détruite ou inutilisable. 70% des syriens vivent aujourd’hui dans une pauvreté extrême.

Agitant devant son auditoire sa calotte rouge de cardinal, le nonce à Damas a rapporté cette couleur à celle du sang. Celui des petits Peter, Mohammed, Rita, Fatima. C’est-à-dire le sang de nombreux enfants, chrétiens et musulmans. Tous innocents. N’oubliant pas de citer les nombreux prêtres morts, et les deux métropolites orthodoxes ainsi que les trois prêtres kidnappés, dont on a aujourd’hui aucune nouvelle.

Soigner les corps, les esprits et la cohésion sociale

Le colloque auquel participait le cardinal Zenari était organisé en collaboration avec le Secrétariat pour l’Aide aux chrétiens persécutés et le programme Hungary Helps du gouvernement hongrois. Etaient présents plusieurs membres de la Conférence épiscopale hongroise et Mgr Michael August Blume, nonce apostolique en Hongrie, ainsi que Tristan Azbej, Secrétaire d’Etat pour l’Aide aux chrétiens persécutés, et Balázs Orbán, Secrétaire d’Etat à la Présidence du Conseil hongrois.

A la tribune, Tristan Azbej a affirmé qu’«il exist[ait] différentes réponses de par le monde face au grave défi de notre époque : la crise économique, humanitaire et celle des migrations et nous estimons que les solutions choisies par les gouvernements occidentaux ne sont pas satisfaisantes. Ils ont choisi de soutenir les migrations, en invitant les personnes à quitter leur pays alors que la Hongrie affirme, au contraire, qu’il est primordial pour toute personne de pouvoir demeurer dans sa propre patrie. »  En résumé, indique l’ambassade de Hongrie près le Saint-Siège sur son site : « la position du gouvernement hongrois est en réalité la suivante : au lieu d’importer les problèmes en Europe, il faut apporter de l’aide là où elle est nécessaire ». Le Conseil de l’Europe a plusieurs fois dénoncé les mauvais traitements des migrants qui sont renvoyés manu militari de la Hongrie vers la Serbie. Aussi n’est-ce un secret pour personne, le Premier Ministre hongrois, Viktor Orbán est partisan d’un axe « anti-migrants » qu’il souhaite instaurer avec les autorités de l’Italie et la Pologne.

La Hongrie, soutenant cinq écoles en Syrie, finance désormais, avec une contribution de 1,5 million d’euros le programme « Open Hospitals » (Hôpitaux ouverts) qui vise à financer les soins médicaux d’environ 4 500 patients d’ici un an. Le cardinal Zenari, au lendemain de son intervention au PPKE s’est vu remettre directement des mains du Premier Ministre hongrois, Viktor Orbán, le document officiel concernant la contribution hongroise.

Le cardinal Zenari a salué le fait que les hôpitaux soignent non seulement le corps et l’esprit, mais renforcent également considérablement la cohésion sociale. Les patients musulmans étant particulièrement reconnaissants de voir, a-t-il dit, que les chrétiens les aident.

Le secrétaire général de la Fondation AVSI (fondée en 1972), Giampaolo Silvestri, qui accompagnait le cardinal Zenari à Budapest, a présenté le travail de la Fondation qui gère le programme « Open Hospitals » et a souhaité remercier le gouvernement hongrois d’avoir été le premier à verser des fonds publics à ce programme humanitaire, dans l’espoir que d’autres pays emboîteront le pas.

Le programme « Open Hospitals » pour la Syrie a été enclenché après que le cardinal Zenari a vu la moitié du système de santé syrien détruit et que la capacité des trois hôpitaux catholiques du pays était très faible : l’hôpital italien à Damas, l’hôpital français de Damas et l’hôpital Saint-Louis d’Alep fondé par la Congrégation pour les Sœurs de Saint-Joseph. Des hôpitaux qui ont chacun une histoire de plus de cent ans dans le pays.

 

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