Le père Madros n’a pas aimé le document signé aux Émirats
Le père Madros du patriarcat latin excellent connaisseur de l’islam ne le porte pas dans son cœur. Terre Sainte Magazine a voulu le rencontrer pour entendre ce qu’il avait pensé de la rencontre du pape avec l’imam de l’Université al-Azhar. Discussion animée des deux côtés du verre à moitié plein et à moitié vide.
Que le souverain pontife, le successeur de Pierre, le vicaire du Christ puisse mettre les pieds dans la péninsule arabique, c’est le couronnement de la charité chrétienne qui anime le pape envers tous les pays. En soi cette ouverture des émirs de la péninsule arabique est une grâce à exploiter.”
C’est le père Peter Madros qui parle. Le père Madros est prêtre du patriarcat latin de Jérusalem. Docteur en théologie biblique, polyglotte (il parle et écrit 11 langues vivantes et en connaît 5 mortes), le père Peter est connu dans certains milieux pour ne pas aimer l’islam. Mais alors pas du tout. A la différence de ceux en occident qui ne nourrissent pas un amour fou pour cette religion, le père Madros a pour lui de connaître le Coran par cœur, dans le texte, l’arabe, sa langue maternelle. Il connaît non seulement le Coran, mais aussi ses commentaires autorisés et les hadiths, les faits et paroles de Mahomet. Il connaît aussi la loi islamique. En entretien, il passe de l’un à l’autre avec une aisance déconcertante.
En dépit des premiers mots qu’il prononce, le père Madros n’a pas particulièrement aimé la rencontre aux Émirats Arabes Unis. “Ce qui m’a mis en boule, c’est le texte du document signé par le pape et l’imam. Il entend parler de fraternité universelle. Or, il est écrit dans le Coran : seuls les croyants (les musulmans) sont frères et sœurs. La fraternité est limitée.” Pour le père Peter, si l’imam al-Tayeb a signé ce texte, il prend des risques vis-à-vis de l’orthodoxie musulmane. Pourtant, lui-même le père Madros convient avoir des amis musulmans, alors les amitiés sont-elles possibles ou pas ? Pour le père Madros oui, mais dans la relation interpersonnelle uniquement. L’autre chose qui chagrine le père Madros, c’est que le nom de Dieu, en arabe Allah, soit le seul à apparaître. Il n’y a pas mention de Jésus. Au pape le père Madros reproche de ne pas parler du Dieu de Jésus-Christ. Certes, mais si le nom de Jésus avait été mentionné alors celui de Mahomet aussi, avec le qualificatif dont l’islam ne le départit jamais “le prophète”. Mais le pape peut-il signer un texte qui affirmerait que Mahomet est prophète ? Le père Madros encaisse l’argument, mais il n’en démord pas, il n’y a, selon lui, pas de message chrétien dans le texte. Les deux religions seraient mises sur un plan d’égalité. Le catholicisme n’est présenté que comme une alternative. D’après le père Peter c’est l’islam qui bénéficierait seul de ce texte se faisant passer pour une religion “de paix, de charité, de tolérance”. Ce qu’il n’est évidemment pas comme le montrent les développements géopolitiques de la région.
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Mais le document qui devrait être diffusé, n’invite-t-il pas quand même à ouvrir une porte à l’altérité, à celui qui n’est pas musulman ? “On peut toujours voir le bien, qu’il y soit ou qu’il n’y soit pas”. “Il y a 124 passages du Coran bienveillants à l’endroit des juifs, des chrétiens voire des mécréants, mais ils ont tous été abrogés par le seul “verset du sabre”. Si un exégète ne vous donne pas ce “détail”, il vous ment.” Le père Madros continue d’argumenter en disant que si un musulman ne vous le dit pas alors c’est qu’il ne connaît pas l’islam. Mais combien de musulmans connaissent l’islam comme le père Peter ? De son propre aveu “très peu, s’ils le connaissaient, très nombreux le quitteraient car ils auraient peur pour eux-mêmes”. Justement est-ce que les musulmans les premiers ne voient pas Daesh comme un monstre ? “Certainement oui. Et d’ailleurs des millions de musulmans, dans leur for interne, voyant que cette violence a trouvé son origine dans les textes, ne croient plus mais font mine sous la pression sociale. D’autres estiment que les radicaux musulmans sont des criminels, mais ils se refusent à croire que ce qu’ils font puisse venir de l’islam. C’est pourtant le cas.”
Alors, n’y a-t-il rien de bon dans la rencontre aux Émirats ? “Ah mais oui il y a du bon : la rencontre dans la péninsule arabique est déjà un miracle, avec ou sans al-Tayeb. C’est Jésus Christ vivant, c’est Jésus qui a été accueilli en la personne du pape qui portait sa croix pectorale, qui a pu célébrer la messe en pays islamique. C’est l’événement du siècle. Jésus s’est fait accepter et quand lui se fait accepter, il nous élève et élèvera ces musulmans”.♦
Dernière mise à jour: 13/03/2024 12:53