Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

« Pars Abbas » : colère des Palestiniens après la mort d’un opposant politique

Cécile Lemoine
25 juin 2021
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable
« Pars Abbas » : colère des Palestiniens après la mort d’un opposant politique
Des Palestiniens participent à une manifestation Ramallah à la suite de la mort du militant palestinien Nizar Banat, décédé peu de temps après avoir été arrêté par l'Autorité palestinienne, le 24 juin 2021 ©Flash90

Les manifestations se multiplient après la mort du militant palestinien Nizar Banatn, à la suite d’une arrestation musclée menée par les forces de sécurité palestiniennes. Il parlait haut et fort de la corruption de son gouvernement


« Le peuple veut la chute du régime », « Pars, pars Abbas ! » grondent les milliers fidèles réunis sur l’esplanade des mosquées en ce vendredi 25 juin, jour de prière pour les musulmans et jour de deuil à Hébron, où un impressionnant cortège funéraire paye ses derniers hommages à Nizar Banat, un des principaux opposants au régime palestinien.

L’activiste est décédé jeudi à l’aube, durant la détention qui a suivi son arrestation musclée par une vingtaine d’agents de sécurité palestiniens. Il a été roué de coups et « frappé à la tête avec des bâtons et des bouts de fer », relate la famille au site d’actualités palestinien Quds. L’annonce de sa mort a provoqué une vague de colère dans les Territoires palestiniens. L’après-midi du jeudi a vu des centaines de personnes clamer les mêmes slogans devant le centre administratif de l’Autorité Palestinienne à Ramallah, avant que les gaz lacrymogènes et les grenades des forces palestiniennes ne les dispersent.

Critique de la corruption des dirigeants palestiniens

Nizar Banat, militant de 43 ans ancien membre du Fatah (le parti nationaliste fondé par Yasser Arafat), était connu pour les vidéos critiques qu’il postait sur Facebook et dans lesquelles il dénonçait la corruption généralisée des dirigeants de l’Autorité palestinienne (AP). Celle de son président, Mahmoud Abbas, en tête. Il était également candidat sur une liste parlementaire indépendante dans le cadre des élections palestiniennes, annulées au mois d’avril.

Lire aussi >> L’arlésienne amère des élections palestiniennes

Si l’autopsie a montré que les causes de sa mort n’étaient pas naturelles, les motifs de son arrestation et les circonstances de son décès restent encore inconnus. Sa famille dénonce un « assassinat » et en fait un martyr, un « chahid ». L’activiste avait déjà fait l’objet de plusieurs détentions pour des « campagnes de diffamation en ligne » contre les institutions du gouvernement. Des actes qui représentent des « crimes en ligne » selon une loi controversée votée par l’AP en 2018. Les groupes de défense des droits de l’Homme affirment que l’AP abuse de cette législation, l’utilisant de manière inconsidérée pour appréhender ses opposants politiques.

Attaques contre la liberté d’expression et d’opinion

Ces arrestations se sont multipliées depuis l’interruption du processus électoral, le premier en 15 ans, qui devait conduire à l’élection d’un nouveau parlement (22 mai) et d’un nouveau président (31 juillet). Le chef de l’Autorité palestinienne a déclaré avoir pris cette décision en réponse au refus d’Israël d’ouvrir des bureaux de vote à Jérusalem-Est. Ses contempteurs, dont Nizar Banat ont accusé Mahmoud Abbas de redouter une défaite et de priver le peuple palestinien d’un renouveau politique largement souhaité. Plus de 93% de la population en âge de voter s’était inscrite sur les listes électorales.

La mort du militant intervient dans une privation de plus en plus visible des libertés d’expression et d’opinion de la part d’un gouvernement affaibli par la montée en popularité du Hamas après les échanges de tirs de roquettes début juin. Selon le groupe juridique palestinien « Avocats pour la Justice », au moins 23 Palestiniens ont été appréhendés par l’Autorité palestinienne entre mai 2020 et mai 2021 pour « raisons politiques ». Vingt autres ont été arrêtés pour avoir utilisé « leur droit à la liberté d’expression », a ajouté le groupe de défense des droits de l’Homme. Tous portaient un discours critique à l’encontre du gouvernement en place. Le Premier ministre palestinien Mohammad Shtayyeh a ordonné la formation d’un comité pour enquêter sur la mort de Banat.