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Le graffiti d’un célèbre Suisse du XVe siècle découvert au Cénacle

Christophe Lafontaine
20 octobre 2022
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Le graffiti d’un célèbre Suisse du XVe siècle découvert au Cénacle
Les chercheurs de l'Autorité des antiquités d'Israël, Shai Halevi et Michael Cherchin, documentent les inscriptions des pèlerins sur les murs du Cénacle ©Joshua Faudem

Les autorités israéliennes ont annoncé le 20 octobre le déchiffrement de la signature d’un aristocrate suisse, héros politique et militaire qui se rendit en 1466 à Jérusalem et y laissa la trace émouvante de sa dévotion.


Un nom illustre: Adrian von Bubenberg. Et un blason aux armes de sa famille. Ces deux éléments ont été marqués au fusain, il y a plus de 500 ans, sur un mur de l’ancien cloître franciscain sur le site du Cénacle, lieu du dernier repas de Jésus partagé avec ses disciples, au sommet du Mont Sion à Jérusalem. Et ces graffitis dessinés au trait noir ont récemment ressurgi du passé, a fait savoir l’Autorité des Antiquités d’Israël dans un communiqué publié aujourd’hui dans le cadre d’une conférence conjointe menée hier à Jérusalem par l’Autorité des antiquités d’Israël, l’Université hébraïque et de l’Université de Tel-Aviv, sur les « Nouvelles études archéologiques à Jérusalem et dans les environs ».

La pratique de laisser son nom n’était pas mal vue, au contraire. Elle marquait, dans ou sur la pierre, le témoignage d’une dévotion certaine, après un long voyage depuis l’Europe, notamment.

L’inscription charbonnée a pu être déchiffrée au moyen « de méthodes technologiques avancées développées par l’Autorité des antiquités d’Israël pour la recherche des manuscrits du désert de Judée », a fait savoir le communiqué de l’AAI. « Ces technologies, utilisant la photographie multispectrale, différentes longueurs d’ondes invisibles à l’œil humain, mettent au jour des inscriptions qui se sont estompées et effacées au fil des ans ».

Lien entre Jérusalem et la Suisse médiévale

Le témoignage épigraphique récemment dévoilé a, malgré sa facilité à se gommer, traversé les siècles et il se révèle particulièrement intéressant dans la mesure où il n’a pas été laissé par n’importe quel pèlerin. Le nom fait directement référence à un noble et preux chevalier bernois, héros de la bataille de Morat en 1476 et de ce fait vainqueur de l’armée de Charles le Téméraire, Duc de Bourgogne, qui menaçait l’indépendance de la Suisse.

: En haut, la signature, et en bas l’emblème familial d’Adrian von Bubenberg à l’intérieur du Cénacle sur le Mont Sion ©ShaiHalevy, Autorité des antiquités d’Israël

Adrian Ier von Bubenberg (1424–1479), qui fut maire de Berne et qui est enterré dans la collégiale de la ville pour ses services rendus à la Suisse, avait réalisé – selon des sources écrites – un pèlerinage en 1466 dans la ville sainte où il a d’ailleurs été fait chevalier de l’Ordre équestre du Saint-Sépulcre. A l’époque, pour entrer dans l’ordre, il fallait se rendre à Jérusalem.

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Mais parce que son fils, Adrian II von Bubenberg (1458-1501) s’est également rendu en Terre Sainte en 1480 et a aussi été adoubé chevalier du Saint-Sépulcre, les archéologues ne peuvent pas déterminer formellement de qui émane la signature, si elle est du père ou si elle est du fils. Quoi qu’il en soit « la découverte (…) fournit une preuve directe du lien entre la Suisse médiévale et Jérusalem », souligne le communiqué de l’AAI.

40 autres inscriptions révélées et un dossier spécial Terre Sainte Magazine

A l’époque mamelouke, entre 1333 et 1552, le complexe du Cénacle appartenait aux franciscains. « Le bâtiment a servi de monastère et d’auberge pour les pèlerins occidentaux, qui ont laissé leur empreinte sur les murs », précisent Michael Chernin et Shai Halevi de l’Autorité des antiquités d’Israël, qui dirigent un projet de déchiffrement d’inscriptions laissées sur les lieux par des pèlerins chrétiens et musulmans. Au cours de ces derniers mois, les chercheurs ont révélé plus de 40 inscriptions dans différentes langues, dont sept sont datées, aux côtés d’emblèmes familiaux de chevaliers du Moyen-Age.

L’actualité transmise par l’Autorité des Antiquités israéliennes tombe à point nommé car Terre Sainte Magazine consacrera dans son numéro de novembre-décembre 2022 un dossier sur l’épigraphie intitulé : « Ces historiens qui font parler les pierres ». Il est encore temps de s’abonner pour le recevoir : ça se passe par ici !

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