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Les origines apostoliques de l’Eglise syriaque

Françoise Briquel-Chatonnet
31 janvier 2010
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La tradition des Églises syriaques fait remonter la christianisation d’Édesse à l’époque même de Jésus, d’après un récit conservé en syriaque (la Doctrine d’Addaï) dans un texte datant du Ve siècle, mais qui avait déjà été repris en grec par l’évêque Eusèbe de Césarée dans son Histoire ecclésiastique au tout début du IVe siècle à partir d’une source syriaque plus ancienne.

Le texte relate comment des émissaires du roi d’Édesse Abgar Oukama (Abgar V, dit « le Noir » ou « le Basané »), auraient rencontré Jésus en Palestine, constaté les miracles qu’il accomplissait et les difficultés qu’il rencontrait de la part des juifs. Malade, Abgar écrit une lettre à Jésus pour lui demander de venir le guérir et lui proposer de partager avec lui son royaume. Les envoyés d’Abgar arrivent auprès de Jésus à la veille de sa passion et celui-ci décline l’invitation. Il renvoie cependant une lettre à Abgar lui promettant, après être ressuscité, de lui envoyer un disciple pour le guérir et le convertir. Avec la lettre, l’ambassade rapporte un portrait du Christ que, selon des versions byzantines postérieures, devant l’impossibilité de l’artiste à le représenter, Jésus aurait fait lui-même en appliquant le linge sur son visage. […]

Après l’Ascension, Thomas envoie à Édesse Thaddée (appelé Addaï en syriaque), un des soixante-douze (Lc 10, 1), qui convertit le roi et son entourage, ainsi qu’une bonne partie de la population, et fonde l’Église d’Édesse. […]

À la fin du IVe siècle, la pèlerine Egérie, venue d’Occident pour visiter les lieux saints, passe quelques jours à Édesse et elle mentionne dans le récit de son voyage ces lettres de Jésus.

La légende est belle même si elle n’apparaît guère fondée sur le plan historique. Elle fournit quand même une indication intéressante sur le premier milieu de diffusion du christianisme à Édesse : Addaï à son arrivée dans la cité descend chez Tobie, fils de Tobit, un juif de Palestine, et des juifs sont présents parmi ses auditeurs et ceux qui se convertissent. Il est probable que c’est grâce aux liens que la communauté juive d’Édesse entretenait avec celle de Palestine et celle d’Adiabène, à l’Est du Tigre, que le christianisme a trouvé dans la cité ses premiers relais. Et on a des traces historiques de ce premier christianisme édessénien : une chronique tardive a conservé un passage recopié des archives de la ville d’Édesse pour l’an 200 concernant une terrible inondation ayant détruit la ville cette année-là. Parmi les édifices détruits, le texte mentionne l’« église des chrétiens ». Cela signifie que, dès cette période bien antérieure à la paix de l’Église instaurée par Constantin dans l’empire romain, les chrétiens disposaient officiellement à Édesse d’un lieu de culte, même s’il est probable qu’ils n’en représentaient encore qu’une fraction de la population et que les rois n’y avaient pas adhéré : jusqu’à la fin du royaume d’Édesse (milieu du IIIe siècle), les inscriptions sur pierre comme sur mosaïques montrent la pérennité des cultes traditionnels.

Extrait d’une conférence intitulée Les Églises syriaques : histoire et situation présente, disponible en ligne sur le site internet www.cerclesyriaque.fr

 

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