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Le défi de la numérisation du patrimoine photographique custodial

Marie-Armelle Beaulieu
30 mars 2016
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Le défi de la numérisation du patrimoine photographique custodial
Trésors. Il suffit d’ouvrir les boîtes où elles sont stockées pour avoir envie de découvrir toutes les photos. ©MAB/TSM

A côté des documents séculaires, les archives recèlent un trésor plus récent. Il s’agit de milliers de photos qui retracent elle aussi une histoire de la Custodie. Frère Sergey l’archiviste est en charge du projet de numérisation de ce patrimoine.


Fin 2013, la guerre faisait déjà rage en Syrie. À mesure que l’on entendait parler des destructions et des pillages, la Custodie réalisa qu’elle disposait de quelque 5000 clichés arrivés tout droit des couvents syriens. Ils sont le fruit de dizaines d’années de fouilles archéologiques menées par les franciscains présents sur place. Pour frère Sergey Loktionov, c’était l’occasion d’aller fouiller un peu plus avant dans les cartons, boîtes et enveloppes qui recélaient un trésor plus grand : le patrimoine photographique de la Custodie de Terre Sainte.

“En février 2014, la Custodie a officiellement promulgué un décret initiant un projet d’archivage et de digitalisation de tout le patrimoine photographique et vidéo se trouvant dans la Custodie. Nous avons d’abord débuté avec le fond que nous avions ici. Le fond principal est le fond des archives historiques. On y ajouta très vite le fond de la revue Terre Sainte, les archives photographiques de notre imprimerie, celles du secrétariat de la Custodie, celles du Statu Quo, celles des biens culturels, ou des offices liturgiques auxquels s’ajoutèrent les fonds privés des frères. »

« D’après mes calculs, poursuit frère Sergey, on parlerait de 200 000 photographies sur tout type de support. Aux archives, cette année, nous avons déjà travaillé sur 35 000 d’entre elles. J’entends par là que ces photos ont été individualisées et conditionnées pour leur archivage définitif. Il a fallu travailler les photos une par une pour identifier le lieu. La prochaine étape sera celle de la numérisation, pour en faire des fichiers informatiques, et cela prendra beaucoup de temps.”

Si les photos archéologiques de Syrie remontent aux années 1950 et suivantes, la Custodie possèdent des clichés bien plus anciens sur verre, ou certains tirages papier de la fin du XIXe siècle. “En 1896, en vue d’une exposition à Turin, la Custodie a photographié toute son activité, sanctuaires compris.”

Quand on parcourt les rayonnages consacrés aux photos, l’œil gourmand voudrait pouvoir les regarder toutes. Mais frère Sergey n’ouvre qu’avec parcimonie les précieuses boîtes. “Tant qu’elles ne sont pas toutes triées mais surtout protégées, leur consultation est limitée.

Travail d’expertise

“Nous avons été chanceux ces dix dernières années car de nombreux volontaires ont exprimé le désir de venir nous aider. Pas toujours de façon bénévole et gratuite… La Custodie dans la mesure du possible offre un logement, le couvert et de l’argent de poche. Mais ce volontariat est déjà une aide considérable. Ce dont je manque pour avancer c’est de temps, de volontaires et certainement de soutien financier.”

“Avant de numériser une photo, elle doit être mise à l’abri dans des papiers, classeurs, boîtes etc. répondant à des normes extrêmement strictes et garantissant la conservation à long terme (1).”

Si le travail de manutention des bénévoles est le bienvenu, il s’avère que leurs compétences sont parfois limitées. Car il faut décrire la photo et l’identifier. Cette identification demande de connaître suffisamment la Terre Sainte d’aujourd’hui pour identifier parfois des lieux qui ont complètement changé. “Pour un œil non averti, une grotte ressemble à une autre. Aussi faut-il distinguer celles de saint Joseph, saint Jérôme ou de la Nativité à Bethléem, de celle de l’Annonciation à Nazareth ou encore celle de saint Jean Baptiste à Ain Karem etc. !”

Nous avons parfois trouvé des surprises dans le travail des volontaires… Il faut des connaissances, de la rigueur et ne pas avoir peur de faire des recherches. Aujourd’hui sur Internet, on trouve pas mal de fonds photographiques anciens de Palestine qu’il faut parcourir et dont on peut s’aider. Mieux on connaît l’histoire de la Terre Sainte à la fin du XIXe au début du XXe, plus on peut non seulement décrire mais aussi dater au plus près certains clichés.”

Reste que le travail de numérisation lui sera incompressible et que ce défi va demander de la patience et des moyens qu’il faudra réunir.

(1) Sur la question de l’archivage de photos anciennes, voir l’article paru dans Terre Sainte Magazine de janvier février 2011, pages 36 sq, à propos du travail identique réalisé par les Dominicains de l’École Biblique qui ont déjà numérisé
25 000 photos anciennes.

Dernière mise à jour: 06/01/2024 19:20

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