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Les soixante-dix anges des nations

Frédéric Manns, ofm
29 septembre 2016
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Les soixante-dix anges des nations
Là où les tesselles sont tombées, on va combler en redessinant les lacunes © Photos Piacenti S.p.a www.piacenti.org.

La découverte du septième ange de la Nativité nous donne l’occasion, à la suite des Pères de l’Église, d’approfondir le rôle et la mission des anges dans la théologie.


Les exégètes ont noté depuis longtemps que la manifestation des anges remplit surtout deux moments de la vie du Christ : le début et la fin, la Nativité et la Résurrection-Ascension. C’est le premier moment que nous voudrions examiner brièvement. La tradition biblique, se basant sur le livre de Daniel 10,13 et sur Ben Sira 17,17, reconnaît que chaque nation a son ange gardien. Puisque le livre de la Genèse mentionne soixante-dix peuples au chapitre 10, la croyance populaire réduisait le nombre des anges des nations à soixante-dix. Leur tâche n’était pas facile.

Avant la naissance du Christ, les démons avaient un pouvoir toujours plus étendu sur les peuples païens. Origène dans ses Homélies sur l’Évangile de Luc, rédigées à Césarée Maritime, s’exprime ainsi : “Avant la venue du Christ les bons anges pouvaient peu de choses pour l’utilité de ceux qui leur étaient confiés. Quand l’ange des Égyptiens aidait les Égyptiens, c’est à peine si un prosélyte croyait en Dieu” (Hom 12).

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Eusèbe de Césarée, de son côté, se plaint : “Comme dans un tel flot de vices les anges, antérieurement préposés aux peuples ne pouvaient rien pour les secourir et se souciaient seulement du reste de la création, présidant aux parties du cosmos et suivant comme d’ordinaire la volonté de Dieu créateur de l’Univers sans pouvoir retenir la chute des hommes, à cause du choix fait librement par ceux-ci du péché, un mal prolongé et sans remède possédait les habitants de la terre. Les peuples étaient aiguillonnés par les mauvais démons et tombaient dans un abîme effrayant de vices” (Dem Ev 4,10).

Mystère angélique de la Nativité

L’incarnation du Fils de Dieu se situe dans ce contexte difficile : “Le Sauveur lui-même vint vers les hommes en médecin, apportant secours à ses propres anges pour le Salut des hommes”, continue Eusèbe. Les anges des nations accueillirent avec allégresse la naissance du Sauveur.

“Désormais ce n’est plus seulement l’Israël juste qui voit Dieu, mais toutes les nations de la terre qui étaient auparavant le lot de nombreux anges et qui se vautraient dans de multiples impiétés que le Sauveur range sous sa propre puissance et à qui il annonce la connaissance et l’amour de son Père. Lorsqu’à sa venue il fut vu par ses propres anges qui auparavant présidaient aux nations, ceux-ci reconnurent aussitôt leur Seigneur venant à leur secours et vinrent à lui, joyeux, pour le servir. Comme dit l’Écriture : Il y avait une multitude de la milice céleste qui glorifiait Dieu”, ajoute Eusèbe (Dem Ev 4,10).

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Le mystère angélique de la Nativité c’était d’abord celui des anges des nations qui entouraient l’enfant Dieu. Ils étaient venus au secours des peuples païens qui leur étaient confiés et auprès de qui ils dépensaient en vain leur labeur. Leur joie était d’autant plus grande que la Révélation du Christ dépassait infiniment leur attente. Ils aspiraient à voir les peuples confiés à leurs soins délivrés du joug des idoles. Mais ils ne concevaient pas qu’ils pussent être appelés à devenir des Fils de Dieu (Chrysostome, Hom in Eph 3). C’est aux pasteurs que l’ange vint annoncer la naissance du vrai Pasteur (Origène, Hom in Luc 12).

Plus que des messagers

Le mystère de Noël n’est pas seulement celui des anges gardiens des nations, c’est aussi celui des milices célestes qui descendent du ciel avec le Verbe qui s’incarne. Les anges des hiérarchies supérieures (Chérubins, Séraphins et Trônes) qui descendent avec le Verbe puisqu’ils l’entourent de leur perpétuelle adoration ne sont pas seulement ses messagers auprès des hommes, mais aussi auprès des anges inférieurs chargés du gouvernement des éléments terrestres. En effet, chaque élément du cosmos (le vent, le gel, la neige) était sous la protection d’un ange (Pseudo-Denys, Hier Cel 9,2). La dimension cosmique du mystère de l’incarnation trouve ici son expression parfaite.

Les anges du ciel apparaissent comme les ministres et les serviteurs du Christ dans l’accomplissement de son œuvre. Grégoire de Naziance les appelle “les initiés de l’incarnation”. C’est à eux que le mystère caché en Dieu de toute éternité a été révélé pour la première fois pour qu’ils en soient les messagers.

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“Gabriel apprit à Zacharie qu’il aurait un fils. Le même Gabriel enseigna à Marie qu’en elle s’accomplirait le mystère de l’incarnation. Un autre ange instruisit Joseph de l’accomplissement des promesses faites à David. Un autre encore apprit la bonne nouvelle aux bergers en même temps que l’ensemble de l’armée céleste transmettait aux habitants de la terre le cantique de la glorification”, écrit le Pseudo-Denys (Hier Cel 4,4).

Toujours présents

Le ministère des anges auprès de l’humanité du Verbe se poursuit de sa naissance jusqu’à son agonie. Les anges restent les ministres subordonnés de celui qui est l’unique médiateur. Certains Pères de l’Église souligneront avec Saint Paul la cessation de la médiation des anges après la venue du Christ. L’économie ancienne transmise par le ministère des anges cessa avec le Christ qui est lui-même l’ange du Nouveau Testament.

Deux lignes théologiques se croisent donc à propos de la Nativité de Jésus : la ligne ascendante des anges gardiens des nations qui se réjouissent de la naissance du Sauveur et la ligne descendante des anges du ciel, les messagers de Dieu. Israël et les nations sont appelés à ne former qu’un seul peuple d’enfants de Dieu.

Vivant au contact du milieu juif et dans un monde païen, les Pères de l’Église ont porté leur attention moins sur la nature des anges que sur leur mission dans l’humanité aux différents moments de l’histoire du Salut.

Les esprits rationalistes continueront à ramener les anges à des personnifications de réalités psychologiques, tandis que le spiritisme et la théosophie se développent d’un autre côté dans un monde incertain et inquiet. Il n’en reste pas moins que la théologie continue à accorder aux anges une large place dans ses réflexions. La découverte du septième ange dans la basilique de Bethléem est donc providentielle. 

Dernière mise à jour: 21/01/2024 19:58

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