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En Syrie, une messe célébrée dans un ex-fief de Daech

Christophe Lafontaine
7 février 2018
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En Syrie, une messe célébrée dans un ex-fief de Daech
Une église à Deir Ezzor (Syrie) en 1990, désormais détruite © Syrie en ligne / Wikimedia Commons

Dans l’est de la Syrie, à Deir Ezzor, ville délivrée des djihadistes, une messe de rite syro-orthodoxe a été célébrée le 3 février 2018.  Une première en cinq ans. Un signe encourageant pour les chrétiens locaux.


Entre Palmyre et la frontière irakienne, au-delà des rives de l’Euphrate, l’église Notre-Dame de Deir Ezzor est en ruine. C’est pourtant là que le patriarche d’Antioche des syro-orthodoxes a choisi de célébrer, samedi dernier, une liturgie eucharistique solennelle du rite antiochien. Selon l’Agence catholique d’information Fides, cela n’était pas arrivé depuis cinq ans. Soit quasiment depuis les débuts du conflit qui déchire la Syrie. Pour le patriarche Ignace Ephrem II Karim, rapporte l’AFP, ce fut « un sentiment indescriptible pour nous de prier dans une église presque détruite, qui est une consolation pour nos cœurs et un message d’espoir pour les habitants de la ville afin qu’ils reviennent et participent à sa reconstruction. »

De fait, la ville syrienne de Deir Ezzor, à 450 km à l’est de Damas, en Mésopotamie, a subi de très violents combats. D’abord partiellement conquise par les rebelles en 2012, la ville passa en 2014 sous le contrôle du groupe Etat islamiste. Ce n’est qu’en novembre dernier, que l’armée syrienne la regagnée. L’AFP décrit la majeure partie de la ville d’aujourd’hui comme «  impraticable » ne comptant plus les «  immeubles détruits », l’ « électricité intermittente » et l’« absence d’eau potable. »

C’est dans ce cadre que l’office syriaque orthodoxe de samedi s’est déroulé modestement au milieu de murs criblés de balles, sous des vitraux éventrés et des câbles endommagés suspendus dans le vide. Sur le sol, des restes de roquettes… Un spectacle qui raconte bien la désolation de six années de guerre mais qui n’aura cependant pas empêché samedi une  petite assemblée d’une vingtaine de chrétiens à participer à cette messe à l’émotion toute particulière. Preuve que la communauté chrétienne locale commence lentement à revenir dans la ville dévastée, a indiqué l’Agence Fides. L’Agence France Presse rapporte quant à elle que des religieux musulmans se sont joints à la célébration de l’office pour manifester leur soutien.

Le Patriarche d’Antioche syriaque orthodoxe Ignace Ephrem II Karim, qui – pour mémoire – a échappé à un attentat au nord de la Syrie en juin 2016, a célébré la liturgie derrière un petit autel de fortune : une petite table recouverte d’un tissu blanc. Dans son homélie – indiquent les sources officielles du Patriarcat consultées par l’Agence Fides – « le Patriarche syro orthodoxe a rendu grâce au Seigneur pour le lent retour à la normalité entrepris par la ville syrienne tout en exprimant sa tristesse pour la dévastation provoquée par le conflit, qui a touché également églises et mosquées. »

 « Nous les chrétiens, nous resterons »

Avant le Printemps arabe qui souffla début 2011 sur la Syrie, il y avait environ 3 000 chrétiens (la majorité des chrétiens a fui les combats) à Deir Ezzor sur plus de 280 000 habitants. Selon les chiffres de L’Œuvre d’Orient, les chrétiens représentent ± 8 % de la population en Syrie soit 2 000 000 chrétiens, de différents rites.  La communauté syriaque orthodoxe est la deuxième communauté chrétienne de Syrie, après les grecs-orthodoxes d’Antioche.

A Deir Ezzor, la ville et les églises ont beaucoup souffert du conflit. En avril 2013, l’église catholique des Franciscains a été rasée par les combats de la guerre civile. En septembre 2014, Daech a détruit l’église arménienne de la ville, mémorial du génocide arménien de 1915, dans laquelle se trouvaient les restes de victimes.

Parmi les fidèles présents samedi à la messe, John Malkoun, a expliqué au micro de la chaîne de télévision israélienne i24news que « nous les chrétiens, nous resterons car notre terre est ici. Nos racines sont ici. Quoi que fassent les terroristes, nous n’abandonnerons pas notre pays la Syrie. »

Devant la même caméra, l’archevêque de la communauté Maurice Amesih a tenu à adresser un message aux terroristes : « nous préservons la terre de nos aïeux et nous y resterons. Nous envoyons cette image au monde entier, aux terroristes qui sont venus nous détruire. Ils n’ont détruit que la pierre mais ils n’ont pas détruit les idées de l’humanité. »

Le Patriarche syro-orthodoxe, qui soutient le régime de Bachar-el-Assad, contre les djihadistes, comme tous les autres chefs des communautés chrétiennes de Syrie, a été accueilli dans la ville par le gouverneur, Mohammad Ibrahim Samra, et a confirmé, selon l’organe d’information des Œuvres pontificales missionnaires du Vatican, l’engagement de l’Eglise dans l’œuvre de reconstruction et de secours au profit des populations martyrisées par le conflit. C’est à ce titre qu’il a inauguré la clinique Saint-Ephrem, « premier pôle sanitaire instituée sur la base d’une initiative conjointe du comité pour les initiatives d’assistance du Patriarcat et de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) », explique l’agence Fides.

S’il a d’autre part voulu témoigner par sa visite que la Syrie sortait actuellement des années de violences et de terreur, il n’en demeure pas moins que le conflit  est « encore en cours », comme le relaie l’agence de presse catholique. Dernier exemple en date, des tirs de mortier, provenant de groupes armés qui contrôlent encore les faubourgs orientaux de Damas, ont frappé le 5 février le centre de la ville et en particulier la zone du Patriarcat syro-orthodoxe, dans le quartier de Bab Touma, faisant au moins deux morts et trois blessés.

En janvier, rappelle Fides, « les quartiers de la vieille ville de Damas, où sont concentrés les églises et sièges des Patriarcats, ont été atteints à plusieurs reprises par des roquettes et des tirs de mortier provenant de la Ghouta, tirs qui avaient fait 9 morts le 22 janvier, en grande partie des élèves qui sortaient de l’école, et plus de vingt blessés

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