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Une technique suisse pour des enfants palestiniens

Propos recueillis par Marie-Armelle Beaulieu
30 mars 2018
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Une technique suisse pour  des enfants palestiniens
Atelier chez les sœurs du Rosaire à Bethléem, un des lieux, avec le Centre culturel Ghirass où l’équipe locale intervient le plus fréquemment. Pour les enfants une technique libérante.

A la mi-journée, la cité où est né “le petit Jésus” fourmille d’enfants. Dans le paysage éducatif de la ville, une association suisse “Les Amis des Enfants de Bethléem” s’engage auprès d’eux. Son but ? Voir grandir des enfants heureux, capables d’assumer les handicaps variés que la vie a mis sur leur chemin. Jacqueline Mardelle et Jean-Bernard Livio ont répondu aux questions de Terre Sainte Magazine.


Quelle est votre présence actuellement à Bethléem ?

Riche d’une expérience de plus de dix ans dans la crèche de la Sainte-Famille que nous soutenions avec l’argent de nos donateurs, notre équipe locale devenue indépendante intervient désormais depuis une année dans différents lieux. Notre activité est surtout basée sur les principes de la psychomotricité, autrement dit aider les enfants, y compris les tout-petits, à prendre conscience de leur corps, en favorisant le développement du mouvement et de la perception par des jeux sensoriels ou symboliques, par la musique, le rêve…
Ces techniques ne sont pas connues en Palestine, où manque cruellement une formation pour les accompagnatrices dans les jardins d’enfants ou les classes maternelles.
A voir le résultat, les directrices des différents établissements nous demandent de proposer cette formation à quelques assistantes maternelles, celles qu’elles sentent le plus intéressées à se spécialiser. En effet, nous sommes émerveillés de voir la réaction du personnel et de la direction (qui assiste régulièrement aux interventions de notre équipe) devant l’intérêt des enfants à cette approche psychomotricienne : les enfants s’animent, rient, pleurent, se libèrent du poids des interdits que la situation, voire parfois l’entourage familial et les traditions locales, leur imposent. Cela permet aux institutions concernées d’être plus attentives à l’enfant dans tout son désir de vie.

En quoi leur apportez-vous du nouveau ?

Il n’existe pas en Palestine d’éducateurs formés à l’approche psychomotricienne de la petite enfance. Or nous avons l’avantage en Suisse d’être pionniers dans ce domaine. Nous avons donc proposé aux milieux officiels scolaires et universitaires de partager notre expérience. Grâce à l’Université de Genève (la Haute École de Travail Social et sa directrice de la section psychomotricité), nous avons dans un premier temps bénéficié de l’intervention de professionnelles venues partager leur savoir sur le terrain. Désormais l’Université Al-Quds de Jérusalem, et maintenant celle de Bethléem, sont demandeurs. Nous répondons par l’accompagnement et la formation de stagiaires en cours d’emploi, ainsi que par des séminaires d’été dans nos locaux. C’est merveilleux de voir comment l’enfant parvient par ces techniques à évoluer, et progressivement à se libérer du poids de l’enfermement tant culturel que politique subi par son entourage.

Lire aussi >> Mes premiers pas en tant que médecin parmi les enfants de Bethléem

Mais vos statuts affirment que vous êtes une association a-confessionnelle et a-politique ?

En effet, nous tenons à cette formulation pour coller plus précisément à la réalité locale. La population avec laquelle nous sommes en contact n’est pas d’abord musulmane ou chrétienne, elle se dit d’abord palestinienne. Même dans les institutions tenues par des religieuses catholiques la majorité des enfants sont musulmans. Ce qui est premier pour nous, c’est l’enfant ! Or cet enfant n’est né ni chrétien ni musulman, mais bébé ! Il est confronté dans son milieu familial et scolaire à une difficile réalité politique. Bethléem vit actuellement entourée de murs que les habitants ne peuvent franchir qu’avec beaucoup de peine et d’autorisations accordées au compte-gouttes. C’est aussi cela la réalité de ces enfants auxquels nous ne venons pas apporter une solution politique mais l’espérance qu’il y a un au-delà des murs ! D’autres associations se préoccupent de la situation politique ; c’est un choix délibéré de notre part de ne pas vouloir en rajouter. Cela n’empêche nullement que notre comité en Suisse et nos donateurs, sont eux, bien engagés dans leur foi à vouloir aider l’enfant de Bethléem.

Votre équipe locale vous suit-elle dans cet objectif ?

Nous avons la grande chance d’avoir à Bethléem un trio responsable, trois femmes Fatmeh, Lisa et Jiries, de religions différentes. Leur bonne collaboration est un exemple pour nous de ce qui se vit dans cette région de Palestine, où musulmans et chrétiens sont nombreux à travailler main dans la main.

Quels enfants touchez-vous ?

Les enfants ont entre 2 ans et 10-11 ans ; pour l’instant nous intervenons principalement dans des institutions accueillant des enfants en échec scolaire, des crèches pour enfants de milieux défavorisés, et dans une institution pour enfants qui ont des handicaps. Notre objectif reste cependant de privilégier le tout-petit, celui pour lequel précisément les éducatrices manquent de formation. Et quand elles-mêmes seront mamans, quel acquis pour leurs enfants, quel modèle pour leurs voisines !♦


Un livre de contes

Sensible à l’enracinement socio-culturel de la population, l’association, avec l’appui d’artistes suisses et palestiniens, a réalisé un livre de contes avec et pour des enfants de 6 à 11 ans, issus de 4 milieux différents : rural, urbain, camp de réfugié et bédouin. Il est édité aujourd’hui en français et en arabe.
“Une histoire de chez moi”.
Renseignements : www.amisdesenfants-bethleem.net

 

Dernière mise à jour: 05/02/2024 15:17

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