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A Irbid en Jordanie, « une paroisse de réfugiés palestiniens chrétiens »

Rédaction
29 août 2022
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A Irbid en Jordanie, « une paroisse de réfugiés palestiniens chrétiens »
Sleman Shobash dans l'église latine d'Irbid en Jordanie, 15 juin 2021 ©MAB/CTS

Le père Sleman Shobash est, depuis 7 ans, le curé catholique latin d'Irbid, à une dizaine de kilomètres de la frontière syrienne. Il revient sur les particularités de sa paroisse, composée de réfugiés palestiniens, et aux premières loges de l'arrivée des réfugiés syriens.


Terre Sainte Magazine a dédié son numéro 681 aux chrétiens de Jordanie. Lors de ses cinq jours de reportage, la rédaction a rencontré les prêtres de 4 paroisses du nord de la Jordanie, ainsi que le nouvel évêque. Des discussions riches qui permettent de comprendre le contexte global dans lequel vivent ces chrétiens à la réalité si différente de ceux d’Israël et de la Palestine. L’entretien qui suit est extrait de l’interview réalisée avec le père Sleman Shobash, curé de la paroisse d’Irbid, à une dizaine de kilomètres de la frontière syrienne.

Terre Sainte Magazine: À quoi ressemble la paroisse latine d’Irbid ?

Père Sleman Shobash : Irbid est la 2ème plus grande ville du pays après Amman, avec près de 1 million d’habitants. La paroisse latine, la plus au nord du pays, rassemble environ 145 familles. Elle a été fondée en 1948, dans la foulée de l’arrivée de réfugiés palestiniens chrétiens chassés de Tibériade ou de Nazareth pendant la Nakba. Aujourd’hui la population de Jordanie compte un peu plus de 60% de Palestiniens. 

Est-ce que vous sentez une différence entre cette paroisse, où les gens sont d’origine palestinienne, et les autres paroisses jordaniennes ?

Bien sûr. À Fuheis par exemple, la paroisse est composée de grandes familles issues de tribus jordaniennes. Il y a plus de liens. À Irbid, après la messe, les gens passent peut-être 10 minutes à discuter et puis chacun rentre chez soi. Dans d’autres paroisses, les gens passent 1 heure ensemble, au moins. Et s’il manque quelqu’un, on l’appellera, ou on prendra de ses nouvelles. Ce n’est pas ça vraiment ici. Mais le point positif c’est que je n’ai pas à gérer les problèmes entre les familles (rires).

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Il n’y a pas de compétition, contrairement à Fuheis où les gens sont sans arrêt en train de comparer leur position dans la paroisse à celles des autres. C’est une autre mentalité. Je dois beaucoup visiter les familles aussi. Par ailleurs, le patriarcat latin n’a pas d’école à Irbid. Celle qui est à côté de l’église est tenue par les sœurs du Rosaire. Elle est très chère. Les familles chrétiennes qui ne peuvent pas l’offrir à leurs enfants les emmènent à l’école de Husn. Les sœurs du Rosaire gèrent aussi un hôpital à Irbid. 

Les chrétiens sont-ils bien intégrés dans la vie d’Irbid ?

Difficile de répondre. Comme les familles ne sont pas originaires de Jordanie, elles se sentent toujours un peu comme une minorité ici. Avant que j’arrive, aucun des prêtres ou des paroissiens n’osaient faire sonner la cloche de l’église. Ils avaient peur que cela provoque les musulmans. Moi je la fais sonner pour l’Angélus. Le sheikh de la mosquée d’à côté s’en est plaint au gouvernement. Finalement, j’ai obtenu raison.

Comment s’est passé l’accueil des réfugiés ?

La frontière syrienne n’est qu’à une dizaine de kilomètres d’Irbid, donc beaucoup de réfugiés syriens sont arrivés par là. Le gouvernement Jordanien les a très vite empêché de rejoindre Amman. Un camp de réfugiés a été aménagé à Mafraq, à côté d’Irbid et financé par les Nations Unis. Quand les choses ont commencé à devenir hors de contrôle, le patriarche de Jérusalem de l’époque, Mgr Fouad Twal, a demandé au roi de Jordanie la permission pour les chrétiens syriens de pouvoir rejoindre d’autres villes du pays. Le roi a accepté, mais à la condition qu’ils soient accueillis dans nos paroisses.

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C’est pourquoi nous avons ouvert nos communautés. Ça a mis les finances des gens sous pression. L’Église n’était pas en mesure de venir en aide à toutes ces familles. Au début, les gens ont commencé par tout partager : la nourriture, les lits… Les réfugiés n’avaient pas le droit de travailler. Aujourd’hui, il reste 20 ou 30 familles syriennes à Irbid.

Comme prêtre de cette paroisse, qu’est ce qui fait votre bonheur ?

Nous avons nos moments difficiles. Vivre seul est dur parfois. Mais ce qui me rend heureux, c’est ma relation à Dieu et aux autres. Je suis malheureux quand je ne me sens pas utile pour ma paroisse et mes paroissiens. Je pense qu’en tant que curé, mon rôle est d’amener Jésus dans les maisons. Je dois aller vers eux, et pas seulement attendre d’eux qu’ils viennent à l’église. C’est un gros défi. Les deux années de corona ont été difficiles en cela. 

Ressentez-vous une défiance vis-à-vis des prêtres ou de l’Eglise, ici à Irbid ?

Non. Les gens sont très liés à l’Eglise. Ils demandent surtout des projets, pour aider la communauté locale à rester dans la ville. À Irbid, comme dans beaucoup de villes du nord et du sud de la Jordanie, il y a peu d’opportunités de travail. Que des petites boutiques. Donc quand les jeunes sortent de l’Université, ils partent vers Amman. Irbid comptent 6 des grandes universités du pays, ça attire des gens de toute la région, mais tous finissent par repartir.

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