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A Anjara, « Notre-Dame-du-Mont fait rayonner la communauté chrétienne de Jordanie »

Rédaction
29 août 2022
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Père Youssef Atta IVE, curé de la paroisse d'Anjara, au nord de la Jordanie, 16 juin 2022 ©MAB/CTS

Le père Youssef Atta IVE est, depuis 10 ans, le curé de la petite paroisse d'Anjara, dans le nord de la Jordanie, ainsi que le directeur de l'école latine et de la maison d'enfants de la même ville. Il revient sur l'action et la place de l'Eglise catholique dans la région.


Terre Sainte Magazine a dédié son numéro 681 aux chrétiens de Jordanie. Lors de ses cinq jours de reportage, la rédaction a rencontré les prêtres de 4 paroisses du nord de la Jordanie, ainsi que le nouvel évêque. Des discussions riches qui permettent de comprendre le contexte global dans lequel vivent ces chrétiens à la réalité si différente de ceux d’Israël et de la Palestine. L’entretien qui suit est extrait de l’interview réalisée avec le père Youssef Atta, curé de la paroisse d’Anjara issu de la communauté du Verbe Incarné.

À quoi ressemble la paroisse latine d’Anjara ?

C’est l’une des toutes premières fondées par la patriarcat latin en Jordanie. Les registres font remonter les débuts de la paroisse latine à 1860. Au début, les prêtres montaient d’Amman pour venir faire la messe dans les maisons des gens. Vers 1890, ils ont construit une petite église. Anjara n’était pas très peuplée à l’époque, mais il y avait beaucoup de chrétiens. En 1922, le patriarcat a fait l’acquisition d’un terrain où ils ont construit une église. En 1960, ils ont construit une autre église, plus grande, ainsi que le sanctuaire de la grotte. La communauté locale était très forte : en 1960, toute la ville était chrétienne. Les chiffres ont baissé progressivement. Aujourd’hui, la ville compte 150 familles chrétiennes sur 25 000 habitants.

Où sont partis les autres ?

Beaucoup ont émigré vers les Etats-Unis. Vraiment beaucoup. C’est quasiment une autre paroisse. D’autres sont descendus dans le Golfe, vers les Émirats Arabes Unis, le Qatar… Il y en a qui sont à Amman, plutôt dans les beaux quartiers. On essaye de faire en sorte que ceux qui sont encore là continuent à rester. C’est un défi qui dépasse l’Eglise. Les gens veulent du travail. Nous, comme Église, on peut donner 3-4 jobs, mais on ne peut pas aider tout le monde. On aide les étudiants, mais ceux qui sont diplômés partent, soit vers les pays du Golfe, soit à Amman. À la paroisse, il y a l’église, le sanctuaire, mais aussi une école. La première et la seule pendant longtemps dans le village, qui en compte aujourd’hui 5.

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Quand je suis arrivé, en 2012, il y avait encore une majorité d’enfants chrétiens dans le village. Maintenant ils ne sont plus que 40% sur les 190 élèves que nous avons. Il y a eu un changement de mentalité. Les gens préfèrent mettre leurs enfants dans les écoles musulmanes. 

Vous vous occupez également d’une “maison d’enfants”. De quoi s’agit-il exactement ?

Cette maison est l’une des premières du genre en Jordanie. Il y en avait une autre, mais seulement pour les filles jusqu’à l’âge de 18 ans. En 2006, les sœurs ont accueilli 6 frères. Ça a été le début de la maison, qui a grandi progressivement. On reçoit des filles et des garçons victimes de violence, d’abus, ou dont les parents ne sont pas capables de les prendre en charge. On les aide jusqu’à 25 ans, et même après s’ils ont besoin.

Grâce à Dieu, nous avons beaucoup d’espace ici pour les accueillir. Aujourd’hui ils sont entre 25 et 30. On reçoit parfois des bébés. On est une grande famille. On partage le même argent, la même cuisine, la même école. Quand on va acheter des vêtements, on y va ensemble. Si on va goûter dehors, on y va ensemble. Si on va à la mer, on y va ensemble. C’est normal. Ces enfants ont commencé leur vie avec des problèmes dans leur famille. On essaye de leur donner une bonne formation, une bonne santé et les faire grandir dans la vie chrétienne. Ils viennent tous de familles chrétiennes. Le gouvernement n’autorise pas que des religieux s’occupent d’enfants musulmans, ils voient ça comme du prosélytisme. 

Quelle place occupe le sanctuaire Notre-Dame-du-Mont en Jordanie ?

Le pèlerinage vers le sanctuaire a commencé dans les années 1980. Il y a toujours une dévotion particulière à la Vierge dans le village, où Marie et Jésus se seraient arrêtés alors qu’ils marchaient vers les villes de la Décapole. En 2000, quand le pape Jean-Paul II est venu en Jordanie, ils ont choisi 5 endroits, dont Anjara. En 2016, ils ont choisi Anjara pour y poser la porte de la Miséricorde, qui célébrait le jubilé.

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Et puis est arrivé ce fameux miracle, en 2010 : des larmes de sang ont coulé des yeux de la Vierge. Ça a fait passer le sanctuaire dans une autre dimension. Ces dernières années, on a travaillé avec le gouvernement et le sanctuaire a été reconnu par le ministère du tourisme comme un lieu de pèlerinage, ce qui a ajouté à sa réputation. Ce sanctuaire est important pour le rayonnement de la communauté chrétienne de Jordanie, pas seulement pour Anjara.

Comme prêtre de cette paroisse, qu’est-ce qui fait votre bonheur ?

Je suis heureux quand je vois l’église pleine. Avant j’étais maître des novices en Egypte, puis responsable d’une maison d’enfant. L’Egypte est très pauvre, très belle. En comparaison, la Jordanie n’est pas pauvre. L’Eglise y fait un travail impressionnant. Ce sont les gens qui sont difficiles. Ils ont toujours besoin de quelque chose, ils n’arrivent pas à vivre dans l’humilité. 

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