Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Du défi de développer le site du baptême pour les Jordaniens

Christophe Lafontaine
28 octobre 2019
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable
Le site du baptême côté jordanien al-Maghtas a accueilli cinq fois moins de visiteurs en 2018 que son voisin de la rive occidentale du fleuve, Qasr el-Yahud © Freedom's Falcon/Wikimedia Commons

« Pourquoi un énorme trésor économique national tel que le site du baptême n'est pas suffisamment exploité pour réaliser son énorme potentiel ? », déplore un expert du développement économique en Jordanie.


« Comparé au côté occidental du Jourdain, qui a accueilli près de 750 000 visiteurs en 2018, le site jordanien (ndlr : « Béthanie au-delà du Jourdain » (Al-Maghtas)), reconnu par le Vatican et les confessions chrétiennes, n’a reçu que 143 011 visiteurs en 2018. ». C’est-à-dire cinq fois moins. C’est le constat que pose, dans les colonnes du Jordan Times en date du 26 octobre 2019, Fares Braizat, président de NAMA Strategic Intelligence Solutions, une plateforme d’experts spécialisée dans des études et projets stratégiques de développement socio-économique dans tous les secteurs (privés et publics) du marché jordanien.

Al-Maghtas (« Béthanie au-delà du Jourdain ») est le site présumé du baptême de Jésus par saint Jean-Baptiste, sur la rive orientale du Jourdain, en Jordanie. Sur la rive ouest du fleuve, le lieu du baptême est Qasr el-Yahud, et a rouvert en 2011 après des années de fermeture en raison du conflit israélo-palestinien. Le site jordanien, ainsi que celui de Qasr el-Yahud, ont été désignés par le Vatican comme les deux lieux les plus probables du baptême de Jésus.

Al-Maghtas est le cinquième site de Jordanie classé au patrimoine mondial de l’Unesco, depuis le 5 juillet 2015.

Le site abrite deux zones archéologiques principales : Tell al-Kharrar, également connue sous le nom de Jabal Mar Elias (la colline d’Elie), et la zone des différentes églises Saint-Jean-Baptiste, près du Jourdain. Le site a été visité en l’an 2000 par saint Jean-Paul II qui a été le premier pape à s’y rendre, puis par Benoît XVI en 2009 et récemment par le pape François, en 2014. Il comprend des vestiges d’origines romaine et byzantine, dont pas moins de neuf églises et chapelles, un monastère, des grottes ayant servis de refuges à des ermites, et des piscines baptismales. Le site de baptême est géré par la commission du site de baptême, un conseil d’administration indépendant nommé par le roi Abdallah II.

Alors « pourquoi, s’interroge le président de NAMA Strategic Intelligence Solutions, un énorme trésor économique national, tel que le site du baptême, n’est pas suffisamment utilisé pour réaliser son énorme potentiel économique ? Cela doit être important pour la plupart des 2,5 milliards de chrétiens vivant dans le monde ! ». De fait, le site du baptême ne dispose pas des meilleures infrastructures…

Créer des emplois et réduire les maux socio-économiques du pays

« Le moment est venu d’exploiter le potentiel inexploité » du site du baptême, lance Fares Braizat, qui en appelle aux décideurs publics jordaniens de façon à ce qu’ils entreprennent « une action rapide » visant à faire passer le site de baptême de son état actuel « insatisfaisant et économiquement semi-actif », à un site de pèlerinage chrétien « économiquement dynamique », aux côtés de sites comme Machéronte (où saint Jean-Baptiste fut emprisonné et exécuté), le Mont Nébo (d’où Moïse observa le Pays de Canaan), Um el-Jimal au nord du pays  (et ses 14 églises et sa cathédrale byzantines) ou encore la quinzaine d’églises byzantines et leurs mosaïques à Um Al Rasas, au sud-est de Madaba, inscrites également au Patrimoine Mondial de l’Unesco 2004.

En réalité, l’idée sous-jacente de l’expert en économie d’investir dans le développement du site du baptême répond au désir d’en faire un « véritable nid d’emplois » pour les Jordaniens (le taux de chômage officiel du pays est de 19%) et ainsi de les dissuader d’émigrer. Car près d’un tiers des adultes jordaniens envisage d’émigrer, un chiffre qui a doublé depuis 2011, avance Fares Braizat dans sa tribune du Jordan Times. Et ce, alors que la moitié des jeunes mise aussi sur cette perspective du départ, après que le pays a pourtant investi dans leur formation, déplore également le président de NAMA Strategic Intelligence Solutions.

Pour lui, investir dans le site du baptême servirait « l’intérêt national du pays en réduisant le sentiment de marginalisation économique, qui atténuera à son tour la frustration socio-politique provoquée par la perte de confiance en la capacité du gouvernement de permettre à l’économie de créer des emplois ».

Sur le même sujet
Le numéro en cours

La Newsletter

Abonnez-vous à la newsletter hebdomadaire

Cliquez ici
Les plus lus