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Le« New York » du pays de Canaan remis à la lumière

Christophe Lafontaine
7 octobre 2019
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A En Esur (Israël) a été découverte l’une des cités les plus peuplées et plus anciennes (âge du bronze) du sud du Levant. Ruelles planifiées, temple, cimetière, en font l’un des premiers exemples de mégalopole régionale.


«C’est le New York de l’âge de bronze ancien de notre région ; une ville planifiée et cosmopolite où vivaient des milliers d’habitants». C’est ce qu’ont déclaré au nom de l’Autorité des antiquités israéliennes (AAI) dans un communiqué publié hier, les trois directeurs des fouilles en cours depuis deux ans et demi à En Esur (Ein Asawir), à l’époque situé dans le pays de Canaan. Le site se trouve actuellement près de la ville de Harish dans le nord d’Israël à mi-chemin entre Tel-Aviv et Haïfa. La majeure partie du site exploré remonte à 5 000 ans – la ville s’étendait alors sur plus de 650 dounams (soit environ 65 ha). Certaines parties remontent à 7 000 ans, c’est-à-dire au début de la période chalcolithique. A l’époque le site s’étendait sur 400 dounams (40 ha) et n’était pas à proprement parler une ville mais plutôt un grand village agricole.

Le site met en lumière une période qui voit, souligne le communiqué de l’AAI, « la population rurale [céder] la place à une société complexe vivant principalement en milieu urbain. Ce sont les premières étapes dans le pays de la culture cananéenne consolidant son identité dans les sites urbains nouvellement établis ; d’où l’immense importance de la cité antique mise à jour ».

Comme souvent en Terre Sainte, des projets d’urbanisme ou d’infrastructures routières sont à l’origine dedécouvertes archéologiques. Comme l’a précisé l’AAI qui a mené les fouilles d’En Esur, initiées (et financées) par Netivei Israël – la société nationale des infrastructures de transport dans le pays -les vestiges retrouvés devraient être épargnés d’un projet de construction d’échangeur à En Esur. La compagnie de travaux publics a en effet décidé de revoir ses plans pour préserver le témoignage archéologique de cette grande ville préhistorique, abandonnéeau troisième millénaire avant J.-C, a précisé l’AFP, pour des raisons inconnues.

L’une des premières grandes cités urbaines connues dans la région

A son apogée au début de l’âge du bronze (qui a duré d’environ 3 200 à 1 200 avant J.-C.), le site cananéen d’En Esur comptait jusqu’à 6 000 habitants, une très grande population pour l’époque. Ce qui en un mot revient à dire qu’il s’agissait d’une véritable « mégalopole » selon les archéologues.

Dina shalem, l’un des trois directeurs des fouilles, souligne même dans une vidéo de l’AAI, que cette ville fut l’une des premières grandes cités urbaines connues dans la région.« En Esur était plus petite que les villes nées à la même époque en Mésopotamie et en Egypte au début de l’âge du bronze, nous apprend Haaretz, mais elle était apparemment d’une taille unique à cette époque pour le Levant Sud ». Région qui comprend l’Israël moderne et les Territoires palestiniens, le Liban, la Jordanie et le sud de la Syrie.

Les avantages naturels qui ont favorisé l’expansion de ce site sont vraiment clairs, énonce dans la vidéo de l’AAI, Yitzhak Paz, un autre directeur des fouilles. Proche de la méditerranée, la ville était alimentée par des sources d’eau voisines (notamment deux qui étaient plutôt abondantes). La zone jouissait également d’une terre fertile. De plus, la ville était située à proximité d’un carrefour important de routes commerciales. Et « bien que les habitants d’En Esur n’aient pas encore mis au point de système d’écriture, souligne Haaretz, ils entretenaient des relations commerciales très étroites avec d’autres régions, comme en témoigne la présence de poteries venues de la vallée du Jourdain et de l’Egypte », explique Yitzhak Paz, cité dans les colonnes du quotidien israélien. A noter que « les fouilles ont révélé des millions de fragments de poterie, d’outils en silex et de vases en pierre de basalte », indique le communiqué. L’AFP parle de quatre millions. De nombreuses figurines d’animaux ont également été découvertes ainsi qu’une tête de massue ronde et ocre qui aurait pu servir d’arme, fait savoir l’agence de presse française.

Un temple dédié à des rituels religieux

La ville était entourée d’un mur de fortification de deux mètres d’épaisseur parsemé de tours, avec des zones résidentielles et des espaces publiques, un réseau planifié de rues et des ruelles. Ces voies étaient « couvertes de pierres et de plâtre afin de minimiser les inondations pendant la saison des pluies », détaille Haaretz qui rajoute que la ville abritait des silos pour stocker la nourriture. En outre, un cimetière composé de grottes funéraires était situé à l’extérieur de la ville.

L’une des constructions – a priori publique – est apparue au fil des recherches comme ayant été « très probablement » un temple ou un sanctuaire, explique Itai Elad, le troisième directeur des fouilles, dans la vidéo de l’AAI. Dans les ruines de l’édifice ont été retrouvés, énonce-t-il, des figurines en forme humaine et un sceau cylindrique qui représente une scène de culte avec un homme les mains levées et à côté de lui la figure d’un animal. Tous ces éléments seraient la preuve d’une religion organiséeet donc d’une société sans doute hiérarchisée.

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