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Jésus et les rives du lac de Galilée

Frédéric Manns ofm
4 mai 2021
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Jésus et les rives du lac de Galilée
Dans le site de Capharnaüm les ruines du village sont à l’air libre ; et la “maison de Pierre” est protégée par une substructure qui permet la conservation et le recueillement. © Thierry de Saint Victor

À l’occasion de son centenaire, Terre Sainte Magazine a demandé au frère Frédéric Manns un article retraçant la figure de Jésus telle que l’archéologie nous la fait découvrir tout au long du siècle écoulé. Il en résulte un long article que nous publierons en épisodes suivant une ancienne tradition de la revue La Terre Sainte.


Episode 2/5 de la série Le Jésus de l’histoire au regard de l’archéologie

Jésus est chez lui chez Pierre

Un autre point central de Galilée défini comme la ville de Jésus par les Évangiles est Capharnaüm. Ce village de pêcheurs se situe sur la rive nord-ouest du lac de Tibériade. C’est là que Jésus choisit ses premiers disciples et qu’il établit son premier “quartier général” qui se trouve être la maison de Pierre.

En entrant dans la propriété des franciscains on découvre en face de la synagogue une église moderne, soutenue par huit piliers : le Mémorial de Saint-Pierre, consacré en 1990 et édifié sur la maison de Pierre découverte par les archéologues Virgilio Corbo et Stanislao Loffreda.

C’est la maison reconnue comme celle de Pierre. Les fouilles en ont apporté la preuve et ce plafond transparent la rend totalement visible. © Thierry de Saint Victor

Dans l’église moderne, au-delà d’un garde-fou, à travers un sol vitré, les pèlerins aperçoivent les ruines d’une église byzantine octogonale, bâtie il y a 1500 ans. Les fouilles exécutées sous cette structure en 1968, ont permis de vérifier qu’elle avait été bâtie sur les ruines d’une maison datant du premier siècle. C’était la preuve que, en un bref laps de temps, cette maison avait été transformée en un lieu important pour la communauté. Un nouvel exemple de domus ecclesia apparaissait ainsi. Au IVe siècle, à l’époque où le christianisme devint la religion officielle de l’Empire romain, la demeure fut transformée en une maison de culte soigneusement décorée. Depuis, elle est connue comme “la maison de Pierre” visitée jadis par la pèlerine Égérie.

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Les Évangiles localisent en cet endroit la guérison du paralytique qu’on amena à Jésus et de la belle-mère de Pierre La nouvelle se répandit aussitôt et, le soir, une foule de malades se rassemblait devant la porte – Mc 1, 32-33. Le seuil de la porte en pierre de basalte noir a été dégagé par les fouilles. De plus, Flavius Josèphe informe ses lecteurs de la présence d’un hôpital dans la ville située sur la Via maris comme le confirme une pierre milliaire. Par ailleurs quatorze assiettes en verre trouvées sur le site attestent le fait qu’existaient dans la ville des ateliers de souffleurs de verre. Les lecteurs du magazine La Terre Sainte ont été informés depuis de nombreuses années des fouilles de Capharnaüm.

 

Une barque pour la pêche

Autre découverte en Galilée. Le kibboutz Ginosar en 1986, fut le témoin d’une découverte fortuite. Le niveau du lac avait beaucoup baissé à cause d’une longue période de sécheresse. Deux membres du kibboutz avaient observé une forme qui ressemblait aux contours d’une barque. Les archéologues qui ont repéré des vases datant de l’époque romaine dans le bateau près de la coque ont pu confirmer l’âge du bateau grâce au test au carbone 14 : il était contemporain de Jésus. Aujourd’hui le bateau est exposé dans le musée du kibboutz. Large d’environ 2 m pour 8 m de long, il pouvait embarquer treize personnes. Ce squelette de planches confirme les affirmations des Évangiles qui mentionnent les pêcheurs du lac.

Objet de toutes les attentions, cette barque du Ier siècle est celle de pêcheurs du lac contemporains de Jésus. © Itamar Grinberg /Israeli Ministry of Tourism

 

Une synagogue pour la prière

Une autre découverte importante a eu lieu à 2 km au sud de l’endroit où a été trouvé le bateau, sur le site de l’ancienne Magdala, ville natale de Marie-Madeleine, disciple de Jésus et première témoin de la Résurrection.

Les archéologues Corbo et Loffreda avaient commencé à fouiller une partie de la ville dans les années 1970, mais la moitié nord de la ville restait enfouie sous terre. C’est en 2004 que le père J. Solana, pour bâtir une maison de retraite pour les pèlerins de Galilée, avait acheté des terrains sur les rivages du lac, dont des parcelles non encore fouillées de Magdala. En 2009, avant le début des travaux, une mission d’archéologie préventive vint sur place, comme l’exige la loi israélienne des Antiquités. Les premières découvertes ont révélé les ruines d’une synagogue de l’époque de Jésus – une des plus anciennes mises au jour en Galilée, avec celle de Gamla.

La poursuite des fouilles a permis de découvrir une partie de la ville enfouie à moins de 30 cm sous la surface. Les ruines étaient si bien préservées que certains décidèrent de surnommer Magdala “la Pompéi d’Israël”.

La découverte était importante, car elle s’inscrivait en faux contre l’argument des sceptiques qui affirmaient que les premières synagogues de Galilée n’apparurent qu’après la mort de Jésus – une théorie incompatible avec les Évangiles qui affirment que Jésus prêchait et faisait des guérisons et des exorcismes dans les synagogues. Les fouilles ont dégagé des murs en pierre bordés de bancs et un sol recouvert en partie de mosaïques. Au centre de la salle d’étude une pierre sculptée représentant les principaux symboles du judaïsme a attiré l’attention des archéologues. La découverte de la pierre de Magdala, comme on l’appelle désormais, interroge les théories selon lesquelles les Galiléens ne se sentaient pas proches du temple de Jérusalem. Même s’ils ne participaient pas toujours aux trois pèlerinages annuels à Jérusalem, ils pouvaient, depuis leur synagogue, se joindre par la prière à ceux qui se rendaient au Temple. La datation du bâtiment est confirmée par une monnaie de l’an 29 de notre ère trouvée in situ.

Trouvée dans la synagogue de Magdala, cette pierre manifeste le lien que pouvaient entretenir les habitants de ce lointain village galiléen avec le temple de Jérusalem et ses liturgies. © MAB/CTS

La poursuite des fouilles a permis de découvrir une partie de la ville enfouie à moins de 30 cm sous la surface. Les ruines étaient si bien préservées que certains décidèrent de surnommer Magdala “la Pompéi d’Israël”. Après la découverte de Mona Lisa en tesselles à Sepphoris, tout est permis ! L’archéologue D. Avshalom-Gorni qui travaille sur le site, ainsi qu’une mission mexicaine, a découvert des vestiges de remises, de bains rituels et d’un atelier où, peut-être, on préparait et vendait la sauce de poisson, le garum, fameux condiment qui était exporté. De nombreuses monnaies de Tyr et de Sidon attestent le commerce florissant entre ces villes et la Galilée des nations. D’autres objets, tels des dés et de nombreuses poteries ont aussi été exhumés.

Dans la propriété des franciscains S. de Luca a découvert les restes d’un port romain doté d’une des plus longues digues du lac ainsi que des éléments de la Via maris, la route qui reliait l’Égypte à la Syrie. De plus, la présence de thermes et de vases en verre contenant des dépôts de parfum ancien ajoutèrent un élément nouveau, inconnu jusqu’à ce jour. D’autres découvertes secondaires furent faites, en particulier une pelle à encens, mahta en hébreu, qui servait à transporter les braises. Elle faisait partie des objets liturgiques du judaïsme. Son usage est prescrit dans la Tora parmi les règles concernant l’autel du Temple en Ex 27, 3.

Dernière mise à jour: 04/04/2024 11:20

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