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Une rare inscription se référant au Livre des Juges dévoilée

Christophe Lafontaine
12 juillet 2021
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Une rare inscription se référant au Livre des Juges dévoilée
L'inscription Jerubbaal, écrite à l'encre sur un récipient en poterie. © Dafna Gazit, Autorité des Antiquités d'Israël.

Une inscription de l'époque des Juges et se rapportant au Livre des Juges, a été découverte en Israël. C'est la première fois que le nom de Jerubbaal est trouvé en dehors de la Bible dans un contexte archéologique.


« Les inscriptions de la période des Juges sont extrêmement rares et presque sans équivalent dans l’archéologie israélienne ». C’est ce qu’a souligné aujourd’hui dans un communiqué l’Université hébraïque de Jérusalem et l’Autorité des antiquités d’Israël (AAI) après les résultats de fouilles menées à Khirbat er-Ra’i, près de Qiryat Gat dans la région de la Shephelah dans le district sud du pays, en collaboration avec l’Université Macquarie de Sydney (Australie).

Les archéologues ont de fait découvert une inscription rare datant d’environ 1 100 avant J.-C, période antérieure à la formation de la monarchie biblique, et coïncidant donc avec la période historique des Juges (vers -1 150 ; -1 130).

L’inscription porte le nom de « Jerubbaal » (Yeroubbaal) en écriture primitive alphabétique. Les archéologues ont déchiffré les lettres yod, resh, bet, ayin, lamed, ainsi que des morceaux d’autres lettres indiquant que l’inscription originale était sans doute plus longue. Dans leur communiqué, ils ont souligné que le nom de « Jerubbaal » n’apparaissait dans la Bible que dans le Livre des Juges. Ce Livre raconte la période de l’histoire des Hébreux entre la conquête du Pays de Canaan, rapportée dans le Livre de Josué, et l’apparition de la royauté.

Vue aérienne de la zone de fouilles où l’inscription a été trouvée. © Dafna Gazit, Autorité des Antiquités d’Israël.

Les cinq lettres de l’ostracon ont été écrites à l’encre sur un récipient en poterie qui a été trouvé à l’intérieur d’un silo de stockage creusé dans le sol, recouvert de pierres. L’archéologue Yossef Garfinkel, de l’université hébraïque de Jérusalem, a déclaré au Times of Israel que la composition de l’encre n’avait pas encore été spécifiquement testée, mais il a supposé qu’elle était composée de cendres noires et d’oxyde de fer. Ce qui était typique de l’époque.

Selon les chercheurs, le récipient pouvait contenir environ un litre et aurait pu contenir un liquide précieux comme de l’huile, du parfum ou des médicaments. « Apparemment, comme aujourd’hui, le propriétaire du récipient y inscrivait son nom pour affirmer sa propriété », explique le communiqué.

Jerubbaal alias Gédéon ?

Les professeurs Garfinkel et Sa‘ar Ganor (AAI) expliquent que le nom « Jerubbaal » (« Que Baal se défende ! ») est connu de la tradition biblique dans le Livre des Juges (chapitres 6 à 8) comme un « nom alternatif » donné par son père Yoas, au Juge Gédéon, de la tribu de Manassé. Ainsi l’artéfact serait le premier lien tangible d’un nom issu des narrations bibliques du Livre des Juges à se trouver sur un artefact correspondant à la période historique des Juges. Mais les archéologues disent toutefois rester prudents.

Les Juges, dans un temps où la monarchie n’avait pas encore été établie en Israël, étaient des chefs militaires qui rendaient justice à leurs peuples et dirigeaient les alliances entre les tribus. Ils sont les héros de nombreuses batailles avec les Cananéens, les Madianites et les Philistins.

Gédéon est mentionné comme combattant l’idolâtrie en brisant l’autel de Baal et en abattant le poteau sacré voué à la déesse Ashéra qui était dressé à côté. Ashera était traditionnellement symbolisée par un poteau sacré, symbole de la fécondité.

Dans la tradition biblique, on se souvient aussi que Gédéon fut appelé par l’Ange de Dieu à combattre les Madianites, venus du Sud et de l’Est, qui ravageaient et pillaient sans cesse les cultures et les récoltes des régions habitées par les Israélites. Après moult tergiversations, Gédéon a formé seulement une petite armée de 300 soldats et mis en déroute les Madianites de nuit près de Ma’ayan Harod dans la vallée de Jezreël, près du Mont Guilboa, dans le nord d’Israël.

Pour les Professeurs Garfinkel et Ganor, compte tenu de la distance géographique entre la Shephelah où a été retrouvé l’ostracon et la vallée de Jezréel où aurait eu lieu la victoire de Gédéon, « l’inscription peut faire référence à un autre Jerubbaal »…

Une meilleure compréhension de la transmission de l’alphabet

Pour Yossef Garfinkel, finalement là n’est pas l’important mais plus la découverte d’un « chaînon manquant » de l’alphabet lors de la transition entre la période cananéenne et la période israélite. L’alphabet a été développé par les Cananéens sous l’influence égyptienne aux alentours de 1 800 av. J.-C., pendant l’âge du bronze moyen. De l’âge du bronze tardif (1 550 – 1 150 avant J.-C.), seules quelques inscriptions de ce type sont connues en Israël, la plupart provenant de Tel Lachish.

Lire aussi >> A-t-on comblé le trou de l’histoire de l’alphabet ?

La ville cananéenne de Lachish fut probablement le centre où la tradition de l’écriture de l’alphabet fut maintenue et préservée. Mais Lachish a été détruite vers 1 150 avant J.-C. Et jusqu’à présent, les archéologues ignoraient le lieu où la tradition de l’écriture alphabétique avait pu être préservée et transmise après la chute de Lachish. Or, « l’inscription nouvellement découverte montre un site dans la région et de l’époque des Juges – c’est-à-dire pendant la transition entre les Cananéens et les Israélites – où l’écriture a été préservée à Khirbat er-Ra’i – à environ 4 km de Lachish », se réjouissent les archéologues et qui ont entre les mains un élément d’importance qui les poussera ainsi poursuivre, élargir et approfondir leurs recherches archéologiques et mieux comprendre la chaîne de transmission de l’alphabet.

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