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Jésus en pèlerinage à Jérusalem

Frédéric Manns ofm
22 septembre 2021
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Jésus en pèlerinage à Jérusalem
Les fouilles menées tout au long du mur sud de l’esplanade ont permis de découvrir quelle vie se déployait aux abords immédiats du Temple. © Yonatan Sindel/Flash90
[ épisode 4/5] Jésus en pèlerinage à Jérusalem

À l’occasion de son centenaire, Terre Sainte Magazine a demandé au frère Frédéric Manns un article retraçant la figure de Jésus telle que l’archéologie nous la fait découvrir tout au long du siècle écoulé. Il en résulte un long article que nous publierons en épisodes suivant une ancienne tradition de la revue La Terre Sainte.

Comme tout juif pratiquant, Jésus montait à Jérusalem pour les fêtes de pèlerinages, si on se fie à l’Évangile de Jean. En Judée, dont la principale communauté était celle de Jérusalem, deux grands courants constituaient le mouvement chrétien primitif. Le premier courant animé par Jacques le frère de Jésus est encore proche du mouvement des Hébreux, mentionné en Ac 6, 1. Les hellénistes d’Étienne, juifs d’expression grecque, rayonneront bientôt en Syrie et en Asie Mineure. Une double culture était donc attestée dans la ville.

Du Temple de Jérusalem, qui était le but du pèlerinage, il ne reste que les contours extérieurs. Les fouilles menées par Amihaï Mazar au sud de l’esplanade ont permis de mieux connaître la disposition des lieux après la construction hérodienne. À l’angle sud-ouest le départ de l’arche – dite de Robinson du nom de l’archéologue qui la découvrit – est encore visible. Cette arche enjambait une rue pavée qui longeait le mur occidental et descendait vers Siloé. Elle supportait un large escalier qui permettait aux pèlerins d’entrer et sortir sur l’esplanade du Temple. Cette voie pavée qui passait sous l’arche de Robinson est dégagée sous les habitations du quartier arabe jusqu’à la forteresse Antonia qui est mieux localisée depuis les fouilles récentes. Le visiteur du tunnel hasmonéen peut admirer la voie romaine en même temps qu’il contemple les pierres hérodiennes énormes qui constituent le mur occidental de soutènement de l’esplanade du Temple. Le long du mur sud courait une autre voie à escalier menant aux deux doubles portes “de Hulda”. Le départ de la première porte double se voit toujours sous le mur extérieur de la mosquée El-Aqsa. Quant à la porte elle-même elle est encore bien conservée sous la mosquée elle-même.

Des employés de l’Autorité israélienne des Antiquités descendent l’escalier de la rue hérodienne découvert dans le parc national de la Cité de David. Également appelée “la voie des pèlerins”, la rue se trouve sous la rue Wadi Hilweh dans le village palestinien de Silwan, et relie la piscine de Siloé au mont du Temple. © Hadas Parush/Flash90

On accédait à ces portes par un escalier monumental qui partait d’une place en contrebas. Une série impressionnante de bains rituels juifs a été découverte tout autour des murs de Jérusalem. La pureté rituelle était exigée de la part des pèlerins. “Qui peut monter sur la montagne du Seigneur ?” se demandait le psalmiste. Certains en ont conclu un peu rapidement qu’existait un quartier essénien près du Cénacle. La porte des Esséniens mentionnée par Flavius Josèphe ne fait rien d’autre qu’indiquer la direction vers le désert de Juda, où les esséniens demeuraient. Les autres portes de Jérusalem ont la même fonction. L’homme qui porte de l’eau, que les disciples doivent suivre -Mc 14, 13- n’est pas un essénien, mais un porteur d’eau qui exerçait un métier bien connu. C’est dire que le dernier repas de Jésus n’a pas besoin d’un contexte essénien.

Siloé

Pour la fête automnale des Tentes les pèlerins descendaient à la piscine de Siloé pour y puiser de l’eau qu’ils ramenaient en procession au Temple. Cette piscine est mieux connue depuis les fouilles de 2004 ainsi que la voie à degrés qui, de là, remontait vers le Temple. Elle est mentionnée dans l’Évangile de Jean au chapitre 9 qui fait récit de la guérison de l’aveugle-né.

Une série impressionnante de bains rituels juifs a été découverte tout autour des murs de Jérusalem. La pureté rituelle était exigée de la part des pèlerins. “Qui peut monter sur la montagne du Seigneur ?” se demandait le psalmiste.

Au cours de travaux de voirie, la pelle mécanique d’un bulldozer révéla un segment d’un escalier de cinq degrés, en pierres de taille. Ronny Reich déterra la piscine du Ier siècle. La date de sa construction fut connue rapidement, car dans le mortier qui reliait les pierres entre elles des monnaies frappées au temps d’Alexandre Jannée (103 à 76 av. J.-C.) établirent clairement sa datation.

Un large bassin trapézoïdal de 60x50m fut construit vers le premier siècle av. J.-C. dont seule une partie a été dégagée. Le reste s’étend sous un jardin appartenant à l’Église grecque-orthodoxe. L’accès au bassin se fait par trois séries de cinq marches en pierre, séparées par de larges plateformes. Au moins trois des côtés de la piscine étaient dotés de marches. Les plateformes facilitaient probablement l’usage de l’eau à des fins rituelles pour les pèlerins. Sous les pierres du bassin, les traces d’un bassin plus ancien datant de l’époque hasmonéenne sont visibles.

La hauteur de l’eau, qui provenait du canal d’Ézéchias et donc de la source de Gihon, variait constamment. Elle pouvait atteindre, à des moments différents, le pied de l’un ou l’autre des escaliers. Parfois elle se limitait au grand bassin de la piscine. Son abandon après l’an 70 fut définitif. “Les Romains chassèrent les brigands de la ville basse et brûlèrent tout jusqu’à la fontaine de Siloé”, écrit Flavius Josèphe, dans la Guerre des Juifs, 6.

La maison de Katros date de la période romaine. On peut y voir des traces de l’incendie de la ville en 70 ap. J.-C. Sous des monceaux de cendres, les archéologues ont exhumé des objets qui ornaient cette villa ainsi que des ossements humains. Le nom de Katros provient de l’inscription gravée sur l’une des pierres découvertes pendant les fouilles. © Michael Foucault in Exile

Quant à la piscine probatique à cinq portiques mentionnée au chapitre 5 de l’Évangile de Jean, elle est conservée dans le domaine national français de Sainte-Anne. Elle est bien connue depuis que Conrad Schick l’a fouillée au début du XXe siècle. Vers l’an 200 av. J.-C. le grand prêtre Simon II, fils d’Onias, fit barrer la vallée orientée nord-sud pour obtenir une réserve d’eau pour le Temple qui exigeait chaque jour de grandes quantités d’eau. Le grand prêtre fit construire deux bassins réservoirs, l’un au nord, l’autre au sud séparés par une digue médiane de 6,5m de large, ce qui transforma la piscine en un édifice à cinq portiques. À l’époque d’Hadrien un culte guérisseur tenta de paganiser l’endroit où Jésus avait guéri un paralytique un jour de sabbat. Un nouveau musée des Pères Blancs présentera bientôt aux pèlerins tous les objets trouvés dans ces fouilles.

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De la ville hérodienne de Jérusalem nous connaissons, grâce aux fouilles de l’archéologue Avi Yonah, tout un quartier dénommé “le musée Wohl” ainsi qu’une maison brûlée de l’an 70. Des demeures appartenant à l’aristocratie juive du Ier siècle, très préoccupée par la pureté rituelle, et décorées de mosaïques géométriques, ont été mises au jour. Particulièrement intéressante est la découverte d’un petit palais bâti autour d’une cour intérieure avec une salle de réception ornée de stucs, des chambres d’hôtes avec des fresques plusieurs fois retouchées. Quant à la maison brûlée qui pouvait avoir appartenu à la famille Katros, témoin le nom gravé sur une pierre découverte, elle pourrait avoir été l’atelier où l’on préparait l’encens pour le Temple selon l’hypothèse de l’archéologue Dan Bahat.

La piscine de Siloé est celle où les pèlerins venaient se purifier avant de monter vers le Temple. Sur la photo on voit bien les escaliers tandis que le bassin de la piscine demeure pour l’essentiel sous le champ que voici, propriété grecque-orthodoxe. © MAB/CTS

La cité de David, l’Ophel, est l’objet de fouilles systématiques depuis les années 2000. L’emplacement de la source de Gihon, où les rois d’Israël étaient sacrés, est localisé au pied de l’Ophel. C’est à l’Ophel que Eilat Mazar a identifié une structure qu’elle pense être le palais de David. Cependant cette identification est contestée. Son oncle A. Mazar, professeur d’archéologie à l’Université hébraïque, penche plutôt pour une forteresse jébusite antérieure à l’époque royale. Israël Finkelstein estime lui, que ces vestiges appartiennent à d’autres édifices de la cité de David, reconstruits à des époques postérieures. Toujours sur l’Ophel, le sanctuaire de Saint Pierre in Gallicante, conserve au nord de l’église moderne une voie romaine à degrés exhumée sur 70m. Cet escalier reliait le Tyropéon à la ville haute et peut-être même à la maison du grand prêtre. Un sanctuaire byzantin rappelait le reniement de Pierre. De nouvelles mosaïques datant de la période d’Eudoxie (400-460) ont été trouvées récemment.

Près de la porte de Jaffa la citadelle, appelée traditionnellement “Tour de David”, offre des restes de tours romaines construites par Hérode le Grand pour protéger son palais. La description qu’en donne Flavius Josèphe permet de se faire une idée de la magnificence de cette demeure. Récemment des archéologues ont voulu identifier ce palais royal, dont une grande salle a été découverte, avec le prétoire de Pilate où Jésus fut condamné. Nous savons par Flavius que le palais était la résidence des procurateurs romains. Du procurateur Ponce Pilate qui portait le titre de préfet de Judée une inscription provenant des fouilles de Césarée maritime est connue.

Dernière mise à jour: 22/04/2024 09:40

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