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Coup de frein à la nationalisation du mont des Oliviers

Christophe Lafontaine
22 février 2022
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Coup de frein à la nationalisation du mont des Oliviers
Vue de l'église orthodoxe russe de Sainte Marie-Madeleine (en arrière-plan avec ses bulbes dorés)et de l'église catholique de toutes les nations, situées sur le mont des Oliviers, près du jardin de Gethsémani à Jérusalem, par un jour de neige. © Nati Shohat/FLASH90

Suite au courroux des Eglises à Jérusalem, l'Autorité israélienne pour les Parcs a déclaré le 21 février ne pas vouloir - pour le moment - englober les sites chrétiens, notamment, du mont des Oliviers dans un parc national.


La vive protestation des Eglises a été entendue. Car finalement, un jour après que le Times of Israel s’en est fait l’écho, l’Autorité israélienne pour la Nature et les Parcs a déclaré le 21 février geler le projet d’extension du parc des murs de Jérusalem, qui visait à incorporer dans le parc national en question, une grande partie des terrains du mont des Oliviers, sur lequel se trouvent des propriétés et des lieux saints chrétiens, ainsi que des terrains appartenant à des propriétaires palestiniens privés.

Ce plan, officiellement présenté comme une volonté de renforcer et améliorer la préservation de l’un des paysages culturels et patrimoniaux les plus importants au monde – celui des abords de la vieille ville de Jérusalem dans sa partie orientale et méridionale -, devait être approuvé le 2 mars par le comité de planification urbaine de Jérusalem. Des parties supplémentaires de la vallée du Cédron et de la vallée de Ben Hinnom (la Géhenne) étaient également concernées.

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Dans une lettre envoyée le 18 février à la ministre israélienne de la protection de l’environnement, dont le bureau est en charge de l’Autorité des parcs, les chefs des Eglises grecque-orthodoxe, franciscaine (pour l’Eglise catholique) et arménienne avaient crié haro sur un tel projet et demandé, vivement et sans détour, son retrait pur et simple. Le courrier avait été envoyé, pour information et pour appel à un soutien de la part de la communauté internationale, à huit consuls généraux en place à Jérusalem, dont celui de la France, ainsi qu’au délégué apostolique à Jérusalem, le représentant du Saint-Siège dans la ville sainte.

Un plan gelé mais en attente de dialogue…

En guise de réponse, dans son communiqué officiel publié lundi, l’INPA a finalement déclaré ne pas avoir « l’intention, à l’heure actuelle, de faire avancer ce projet dans les conseils de planification ». L’institution israélienne a par ailleurs rajouté que « le projet ne sera pas mis en discussion sans un dialogue et un échange avec toutes les parties prenantes concernées, y compris les organisations religieuses locales, sur la meilleure voie à suivre pour préserver ce site unique ».

En bleu, les limites actuelles du Parc National des remparts de Jérusalem. En rouge, le projet d’extension du parc, qui incluerait une partie du mont des Oliviers. (Times of Israel)

Et comme pour vouloir rassurer les Eglises qui s’inquiétaient d’une mainmise sur leurs propriétés, sur les droits qui en découlent, et qui voyaient un risque d’être limitées dans la gestion, l’entretien et le développement de leurs sanctuaires et couvents dans la zone, l’INPA a assuré que « selon la loi israélienne, la classification d’un terrain en tant que parc national ne modifi[ait] pas son statut de propriété, car tous les terrains privés situés dans un parc national restent en possession de leur propriétaire ».

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Les chefs des principales Eglises avaientde fait exprimé dans leur lettre de la semaine dernière qu’un tel projet porterait gravement atteinte à leurs droits sur les sites concernés et avaient dénoncé « une mesure brutale » ressentie comme « une attaque directe et préméditée contre les chrétiens de Terre Sainte, contre les Eglises et leurs vieux droits internationalement garantis dans la Ville Sainte ». Ajoutant que« sous prétexte de protéger les espaces verts, le plan sembl[ait] servir un programme idéologique qui [niait] le statut et les droits des chrétiens à Jérusalem ».

La méfiance des Eglises sur les liens de l’Autorité du parc

En faisant référence à différentes menaces de ce genre subies ces dernières années, les Eglises soutiennent en effet que « diverses entités cherchent à minimiser, pour ne pas dire à éliminer, toute caractéristique non juive de la ville sainte en tentant de modifier le statu quo sur cette montagne sacrée ». Et d’après elles, « bien que le plan [a été] officiellement présenté par l’INPA, il semble qu’il ait été proposé et qu’il [ait été] orchestré, avancé et promu par des entités dont le seul but apparent est de confisquer et de nationaliser l’un des sites les plus sacrés pour le christianisme et d’en modifier la nature ».

Ciblant les groupes nationalistes qui s’efforcent d’accroître la présence de colons juifs dans les zones de Jérusalem-Est et notamment dans les zones chrétiennes de la vieille ville de Jérusalem. Le plan de l’INPA étant ainsi vu comme un prolongement de ces stratégies visant à accroître l’importance religieuse et nationale juive du mont des Oliviers.

Si leur lettre ne l’indiquait pas directement, les prélats chrétiens semblent avoir voulu dénoncer, a fait remarquer le journal Haaretz, les liens étroits qu’entretient l’INPA avec la Fondation radicale de droite de la Cité de David, Elad. Il s’agit d’une organisation contestée pour sa proximité avec les colons,qui travaille à étendre la présence juive à Jérusalem-Est, en marginalisant les résidents palestiniens. Elle exerce, en particulier, un contrôle important sur la partie principale du parc : la Cité de David à Silwan, quartier palestinien dans la partie orientale de la ville sainte.

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Outre la Cité de David, l’actuel parc national des murs de Jérusalem s’étend actuellement sur 110 hectareset englobe de vastes zonesdans la vallée de Hinnom et compte également les terrains jouxtant les remparts de la vieille ville. Et d’après le plan, le parc aurait été augmenté d’une petite trentaine d’hectares supplémentaires.

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