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La statue supposée d’une déesse cananéenne exhumée à Gaza

Christophe Lafontaine
28 avril 2022
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La statue supposée d’une déesse cananéenne exhumée à Gaza
La statue présumée d'Anat devrait être désormais exposée dans l'un des rares musées de la bande de Gaza © Hani Abu Rezek

Les autorités archéologiques de la bande de Gaza ont annoncé le 25 avril la découverte d’une statue antique qui remonterait à 4 500 ans. Elle représenterait le visage d'Anat, une déesse cananéenne de premier plan.


Il n’est pas tombé sur la tête mais sur une tête. Un paysan palestinien de Gaza, labourant sa terre à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, a découvert par hasard, dans la boue, la tête d’une rare statuette en calcaire de 22 cm de haut, qui daterait de 2 500 avant J.-C., c’est-à-dire du début de l’âge du bronze, la période dite cananéenne.

Seule la tête de la statue a été retrouvée. Elle devait probablement avoir à l’origine un corps qui faisait un peu moins d’un mètre de haut. La figurine présente un visage plutôt féminin et allongé, et porte à la place des cheveux une couronne de serpent. La tiare reptilienne était considérée à l’époque comme un symbole de force et d’invincibilité.

Un attribut associé, à Anat, l’une des déesses les plus connues de la civilisation cananéenne, dont la religion polythéiste était pratiquée dans le Levant méridional et central. Le 25 avril sur sa page Facebook, le ministère du Tourisme et des Antiquités de Gaza a déclaré que ses conclusions montraient qu’il s’agissait d’une représentation de la divinité Anat.

Une statue qui documente l’histoire de Gaza

Dans la religion cananéenne, Anat est la fille du dieu Dagan, et la sœur de Baal, le dieu de l’Orage et la divinité principale des peuples du Proche-Orient. Il y a 4 500 ans, la déesse Anat était célébrée en Egypte et dans la région occidentale du Proche-Orient en tant que déesse de l’amour, de la beauté et de la guerre. « Elle était appelée la vierge, la victorieuse et l’heureuse au pays de Canaan et en Egypte », indiquait un écriteau placé devant l’artéfact, lors de sa présentation officielle à la presse le 26 avril par le ministère du Tourisme et des Antiquités de Gaza.

La déesse a été adoptée comme divinité favorite par le roi égyptien Ramsès II (règne 1279-1213 av. J.-C.) au point qu’il donna son nom à sa fille. Plus tard, la représentation d’Athéna, la déesse grecque de la guerre et de la justice fréquemment représentée entourée de serpents, peut avoir été conditionnée par l’image d’Anat. À la fin du XIXe siècle, une inscription bilingue en grec et en phénicien a été retrouvée à Chypre dans laquelle le nom « Anat » dans le texte phénicien est traduit par « Athéna » dans le texte grec.

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Pour le ministère du Tourisme et des Antiquités de Gaza, la découverte de la statuette documente l’histoire de Gaza et ses origines cananéennes. Selon le ministère, elle rappelle aussi que la région de Gaza, peuplée depuis de milliers d’années, se trouvait sur une route commerciale de première importance qui fut un carrefour de communications majeur sur la côte méditerranéenne, pour les civilisations antiques successives en Egypte, au Levant et en Mésopotamie.

Pour autant, Aren Meir, archéologue de l’université israélienne Bar Ilan en Israël et spécialiste des cultures de l’âge du bronze et du fer de l’ancien Levant, a déclaré au Jerusalem Post que le visage de la statue ne ressemblait à aucun autre qu’il avait vu auparavant. Ce qui, pour lui, rendait difficile la vérification de ses origines ou de son âge malgré les déclarations du ministère du Tourisme et des Antiquités de Gaza l’identifiant comme cananéenne.

Une découverte protégée, ce qui n’a pas toujours été le cas

La découverte de la statuette est la dernière en date après un début d’année riche en actualités archéologiques dans l’enclave palestinienne. Fin janvier, les ouvriers d’un chantier de construction dans le nord de Gaza ont découvert 31 tombes de l’époque romaine. Le Hamas, mouvement islamiste au pouvoir à Gaza, avait également rouvert quelques jours plus tôt une église byzantine datant du Ve siècle, après des années de restauration.

Le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 15 ans, a souvent été accusé de ne pas respecter les découvertes archéologiques et même de détruire des ruines cananéennes au profit de projets de développement immobilier pour accueillir les 2,3 millions de personnes qui vivent dans l’enclave de seulement 40 km de long sur environ 6 à 8 km de large en moyenne.

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En 2017, le Hamas avait détruit de grandes parties d’une rare colonie cananéenne, Tell al-Sakan, découverte en 1998 pour faire place à un lotissement. Un site pourtant « unique », selon l’archéologue palestinien Moain Sadeq : « peut-être la seule cité cananéenne fortifiée du sud de la Palestine », occupée sans discontinuer de 3 200 à 2 000 av. J.-C.

Pour l’heure, la statue supposée d’Anat devrait être exposée, a fait savoir la BBC, à Qasr al-Basha, en français le « Musée national du Palais du Pacha », un bâtiment historique d’époques mamelouk et ottomane qui est l’un des rares musées de Gaza. Bien que ces les découvertes antiques puissent potentiellement attirer les visiteurs étrangers, Gaza étant sous le double blocus d’Israël et de l’Egypte, le flux de personnes entrant et sortant de l’enclave est strictement restreint. Il n’y a pratiquement pas d’industrie touristique hormis avec les locaux et quelques touristes extérieurs avec autorisation exceptionnelle.

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