
En 2023, le gouvernement avait annoncé une enveloppe de 8 millions d'euros pour restaurer ce site, situé en Cisjordanie occupée, et le préparer à accueillir des visiteurs israéliens. En y lançant fouilles et travaux le 12 mai, Israël agit contre le droit international.
Kippa sur la tête et pioche à la main, ils sont une petite dizaine à s’activer dans les broussailles qui entourent les restes de la porte de la cité antique de Samarie, dans l’actuelle ville palestinienne de Sébastia. Deux ans après l’approbation par le gouvernement d’un vaste visant à en faire un « site phare » pour les touristes israéliens, des fouilles controversées ont débuté, ce lundi 12 mai.
La controverse vient du caractère illégal de cette activité. Le droit international interdit en effet aux puissances occupantes de mener des fouilles archéologiques dans les territoires occupés.
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Située en Cisjordanie occupée, le village de Sébastia tire son nom de Sébaste, la ville romaine construite par Hérode le Grand en -25, sur les ruines de ce qui a été identifié comme Shomron, la capitale du royaume d’Israël aux IXe et VIIIe siècles avt J.-C. À l’époque byzantine, la ville est devenue le siège d’un évêché et la tradition chrétienne y fixant le lieu du tombeau de saint Jean-Baptiste.
« Prise de contrôle »
Si le village et ses voies d’accès sont situées en zone B (sous administration civile palestinienne et contrôle sécuritaire israélien, selon le découpage formulé dans les accords d’Oslo en 1993), le site archéologique a lui été placé en zone C (sous contrôle civil et sécuritaire israélien). Les dernières grandes fouilles remontent aux années 1930.

Peu entretenu et mal mis en valeur, le site est dans le viseur des colons israéliens depuis des années. En 2023, le gouvernement a annoncé une enveloppe de 8 millions d’euros pour le restaurer et y entreprendre des travaux : nouvelle route d’accès, centre d’accueil pour les visiteurs… Objectif annoncé : « renforcer le lien entre le peuple juif, son patrimoine et sa terre », a déclaré le ministre du Patrimoine, Amichai Eliyahu dans un communiqué publié à l’occasion du début des fouilles, le 12 mai.
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« C’est une prise de contrôle, fustige l’ONG israélienne Emek Shaveh dans un post Facebook. En créant une nouvelle route d’accès, l’intention est de couper le site archéologique du village et de le transformer en une colonie touristique pour amener des Israéliens dans la région. »
Spécialiste dans la défense et la protection des sites antiques, l’organisation dénonce l’utilisation politique des sites archéologiques : « Le rôle d’une puissance conquérante est de préserver temporairement l’archéologie et le patrimoine pour la population conquise. L’exploitation de Sebastia dans une vision d’annexion et d’expulsion en fait une zone de guerre. »
« Toucher la Bible du doigt »
De grandes étoiles de David ont été taguées sur les pierre des ruines de l’ancienne porte, où débutent les fouilles ce 12 mai. Supervisées par Uzi Greenfeld, du département d’archéologie de l’administration civile, elles devraient s’étendre vers l’emplacement de l’ancien palais des rois d’Israël.

« C’est un jour historique : en creusant dans l’ancienne Samarie, on touche la Bible du bout des doigts », s’est félicité Yossi Dagan, un colon à la tête du Conseil régional de Samarie, dans le communiqué : « Contre la barbarie de l’Autorité palestinienne, nous sauvons les lieux sacrés« , a-t-il complété, reprenant la rhétorique propre à l’extrême-droite sioniste religieuse.
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Le site archéologique est l’objet d’une bataille narrative entre Israël et l’Autorité Palestinienne. Chacune cherche à s’en approprier le contrôle et le récit historique. En 2012, l’Autorité palestinienne a ainsi déposé une demande d’inscription de Sébastia sur la liste du patrimoine palestinien.
La candidature décrivait le site comme « la capitale du royaume du Nord pendant l’Âge du Fer II en Palestine et un centre urbain majeur pendant les périodes hellénistique et romaine », en ne mentionnant que brièvement son histoire biblique. Le site figure depuis sur la liste indicative de l’Unesco.