
Six mois après le plus grand incendie jamais connu en Israël, nous sommes retournés à Latroun. Après les vendanges, cela aurait dû être la récolte d’olives. Mais l’oliveraie est à ce point touchée que les Cisterciens lancent une opération de parrainage pour la remettre en état.
Nous sommes un samedi d’octobre. Dans les jardins de Latroun ouverts au public, le marché sauvage, encore que toléré par les frères, a repris son activité à plein régime. Le magasin des frères attire lui aussi les foules.
C’est là que les moines cisterciens écoulent les produits qui les font vivre, eux et une dizaine d’ouvriers qui travaillent dans leurs vignes et à l’oliveraie.
Pour faire le point six mois après l’incendie qui a ravagé les terres et cultures du monastère, nous avons rencontré frère Athanase. Dans la communauté de 18 religieux, frère Athanase, c’est le « moine qui parle » au nom des « hanzirim ha-shtaknim », les « moines silencieux », comme les appellent les Israéliens. Il reçoit les journalistes, anime le site internet, fait la lettre d’information.
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En mai 2025, l’abbaye et ses terres se sont trouvées au cœur d’un des plus grands incendies jamais connus en Israël. À plusieurs kilomètres de l’abbaye, sur l’autoroute quand on vient de Jérusalem, la nature est toujours brunie et le paysage en partie lunaire. Mais l’abbaye se tient là, préservée par le travail des pompiers et un coup de pouce de la Providence.
Dans les premières heures qui suivirent l’incendie, les moines estimèrent les dégâts. On parlait de 20% du vignoble partis en feu et 40 hectares de l’oliveraie.

C’était sous-estimé. La réalité c’est 33 % du vignoble et 80% des oliviers rendus inexploitables. À ces pertes, il fallut ajouter la destruction du système d’irrigation, nécessaire pour le raisin quand les vignes restent plus de 6 mois sans recevoir de pluie. Sous la chaleur des flammes, des kilomètres de tuyaux de plastique ont fondu et, sous le poids des camions de pompier, des canalisations ont explosé.
Mais depuis le mois d’août et les vendanges, les pertes se chiffrent aussi sur le rendement. « D’après frère Aloïs en charge du domaine viticole, 50 tonnes de raisin ont été vendangées. Soit 20% des 150 à 180 tonnes habituelles», explique frère Athanase. Non seulement 5 hectares de vignes ont été détruits, mais la chaleur de l’incendie sur le raisin encore en formation a fait avorter la maturation sur nombre de lignes. Devant notre air grave frère Athanase ajoute dans un sourire satisfait : « Ce sera en revanche une excellente cuvée ».
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Une amélioration de la qualité du vin due aux soins apportés ces cinq dernières années mais aussi aux raisins récoltés sur de nouvelles parcelles épargnées par les flammes.
C’est finalement l’oliveraie qui a le plus souffert. La récolte aurait dû battre son plein lors de notre passage, sauf que pour 5000 oliviers, il n’y a eu aucune récolte. « Dans le pays, explique frère Athanase, les récoltes sont bonnes une année sur deux. Cette année, c’est la mauvaise mais surtout, il y a eu des milliers d’oliviers dont il a fallu entièrement couper la ramure. Elle a grillé au passage des flammes. »

Dans l’oliveraie, les troncs se dressent comme des épouvantails nus. Les plus grosses branches se dressent vers le ciel, sans qu’aucun vent ne puisse leur donner vie. Des volontaires sont venus les badigeonner de lait de chaux qui doit agir comme un pansement sur leurs plaies et servira tout autant d’insecticide et de fongicide.
Sur les 5000 arbres que compte l’oliveraie, 1000 ont complètement brûlé et 3000 ont été touchés par le feu. « Ce sont deux estimations faites grâce aux images aériennes ». Devant notre surprise, Frère Athanase explique : « C’est assez difficile de faire un décompte exact. Il faudrait compter les arbres un par un. Dans la parcelle la plus touchée, la plus ancienne, les arbres qui pouvaient avoir 130 ans, ont brûlé jusqu’aux racines. Ailleurs, ce sont les ramures qui ont été grillées par les flammes. Il a fallu tout élaguer.»
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Sur la parcelle la plus touchée, les frères laisseront la nature faire : « C’est incroyable, nous avons eu une seule petite pluie, mais sur des racines qu’on croyait perdues, nous pouvons déjà voir la vie reprendre. » Mais comme cette parcelle est difficilement accessible aux tracteurs, de nouveaux oliviers seront replantés ailleurs.
«Alors que les oliviers centenaires n’ont pas besoin d’irrigation, il va falloir en installer partout pour une meilleure reprise des ramures ». Un investissement particulièrement onéreux mais qui s’explique d’autant mieux que nous connaissons une succession d’hivers secs.
Il faut aussi compter quatre années sans récolte et c’est une perte sèche pour la communauté. D’autant que l’oliveraie de devra pas rester sans soin.
C’est la raison pour laquelle, la communauté de Latroun lance une campagne de financement participatif sur un site qui lui est consacré : www.olivierlatroun.org/
Le pari est de trouver 1000 donateurs à 200 euros (68 euros après abattement fiscal) pour leur permettre d’amortir les premiers frais de remise sur pied de l’oliveraie. Les besoins réels – qui permettraient le réaménagement des chemins et de compenser une partie de la perte subie pour les quatre années à venir – sont bien supérieurs.
Souhaitons-leur de parvenir à leur premier objectif, d’autant que le message des frères et beau : « En Terre sainte, l’olivier est plus qu’un arbre. Il est pour le monde vie, travail et paix. Pour les moines, il est silence, temps, beaucoup de temps et prière, beaucoup de prière mais surtout, il est symbole de la transmission.»


