Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Les méfaits de la colonisation

Kassam Muaddi
28 mars 2011
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable

La position des Eglises vis-à-vis des implantations israéliennes dans les Territoires palestiniens est claire : elles est s’y opposent au point de s’engager pour en dénoncer les méfaits. Kassam Muaddi a lu pour La Terre Sainte le rapport remis au Conseil Œcuménique des Églises.


L’action de solidarité et d’accompagnement est un message chrétien qui se reflète dans le travail du Conseil Œcuménique des Églises (COE ou WCC, World Council of Churches), une des organisations les plus présentes dans le contexte de l’occupation israélienne, et de ses effets sur la vie de centaines de milliers de Palestiniens. Un des éléments les plus problématiques dans la question de l’occupation israélienne est la construction, et l’expansion des colonies israéliennes sur la terre palestinienne confisquée ou annexée par Israël.
Les colonies israéliennes dans les territoires palestiniens sont un produit direct de l’occupation israélienne en 1967. Elles sont illégales selon la loi internationale. La quatrième convention de Genève, régulatrice des cas d’occupation militaire, interdit tout genre d’installation démographique de la part du pays occupant dans le territoire occupé.
C’est ainsi que le rapport du Conseil Œcuménique des Églises réalisé par son Programme d’Accompagnement Œcuménique en Palestine et Israël (EAPPI) décrit la colonisation israélienne. « Une colonisation injuste » est le titre de ce rapport, qui illustre les effets des colonies, à travers des cas précis, et des histoires de vie de Palestiniens face à la menace colonisatrice israélienne.

Une question centrale

Dans ce rapport, on peut percevoir cette question centrale dans le conflit au Moyen-Orient, à travers les vies et les histoires de Mahmoud, Salem, Hamza, Eid, Salim et d’autres Palestiniens, qui ne sont que des exemples d’une réalité qui dévaste toute la Palestine. à travers leurs histoires le rapport offre une vision de la terreur sous laquelle l’agressivité des colons oblige des milliers de Palestiniens à vivre, l’injustice consacrée par le vol de la terre et des sources d’eau, la perte quotidienne des opportunités de développement et du futur pour des centaines de communes et de villages, et la persévérance typiquement palestinienne pour rester enracinés dans la terre, dans une confrontation largement déséquilibrée.
Le rapport commence par une présentation des colonies et des colons israéliens, rappelant qu’il y a aujourd’hui 500 000 colons habitant en Cisjordanie, dont 300 000 contrôlent 42 % du territoire sur lequel les Palestiniens espèrent construire leur État. 200 000 habitent dans 12 colonies annexées illégalement à la municipalité de Jérusalem.
Dans son introduction, le rapport rappelle la problématique de la colonisation dans l’histoire. La colonisation occidentale qui a signifié malheur et déshumanisation des peuples indigènes. En Amérique, la nature humaine même des peuples indigènes était une question de débat en Europe, jusqu’à ce que le pape Paul II ait déclaré que les Amérindiens étaient des êtres humains, et que toute atteinte contre leur liberté, vie et propriété était un péché. Néanmoins, l’oppression et l’exploitation des Indiens ont continué jusqu’à présent. Le rapport montre dans son introduction comment ce même raisonnement colonialiste a fait perdre des efforts historiques pour la coexistence des Juifs et des Arabes en Palestine dans une même société, comme ceux de Martin Buber et d’autres partisans d’un État binational, pour qui l’intention de l’immigration juive en Palestine n’était pas l’usurpation ni l’exclusion des Arabes palestiniens, mais le partage et le travail avec eux. Malheureusement, rappelle le rapport, la vision binationale de Buber n’a jamais été matérialisée, car le projet sioniste était bien plus fort, et l’Occident derrière lui regardait le projet d’un État juif comme un rempart de civilisation de l’Europe face à la barbarie de l’Asie.

La spoliation de l’eau

Le rapport analyse plusieurs éléments de la colonisation israélienne, à travers des cas d’étude. La confiscation de la terre et des sources d’eau par exemple, comme à Um Al-Khair, une communauté bédouine dans les collines du Sud d’Hébron. Les Bédouins de la localité dépendent de l’eau de la pluie pour leurs besoins quotidiens et pour l’agriculture, leur principale ressource et moyen de subsistance. Ils vivent en face d’une colonie israélienne jouissant de l’eau suffisante pour arroser les jardins qui remplissent les espaces entre les maisons, parfaitement organisées en alignements, et pour remplir les piscines que certaines maisons possèdent. Les colons consomment en moyenne 300 litres d’eau par jour, quatre fois plus que les habitants d’Um Al-Khair qui font partie des 200 000 Palestiniens qui, dans des zones rurales, manquent de l’eau courante, et qui consomment environ 75 litres d’eau par jour, soit moins que les 100 litres recommandés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). La communauté d’Um Al-Khair n’est connectée à aucun réseau d’eau potable. Elle est obligée d’acheter l’eau en réservoirs de l’entreprise d’eau israélienne « Mekorot » qui utilise souvent son contrôle pour interdire l’eau aux Palestiniens d’Um Al-Khair, souvent pour plusieurs jours.

Les démolitions de maisons

Comme cas d’étude sur les démolitions, le rapport présente l’exemple du village d’Al-Walaja, dans la campagne Ouest de Bethléem, et de son combat quotidien pour résister à l’expansion des colonies de Gilo et Har Homa, qui démolissent ses maisons et arrachent ses arbres et cultures. Un autre exemple donné est celui de la famille Nassar, qui a fait sa maison sous terre, dans la roche de la colline qu’ils ont baptisée « La colline humaine » pour éviter la démolition par l’armée israélienne qui leur a interdit de construire sur la colline. Sous terre, ils ont construit aussi une petite chapelle, étant les derniers chrétiens restés dans la zone. Le rapport passe aussi par Silwan, le quartier palestinien à l’Est de la Vieille Vile de Jérusalem. Israël a déjà décrété des dizaines d’ordres de démolition à Silwan, et continue à en décréter davantage, pour ouvrir de l’espace devant le projet de « La ville de David » basé sur l’hypothèse que c’est à Silwan que le roi David a construit son palais. La judaïsation et l’annexion de Silwan sont un pas important dans l’annexion de Jérusalem-Est, créant une majorité juive, par la démolition et la déportation des Palestiniens, pour enfin interdire, par les réalités créées sur le terrain, que Jérusalem-Est ne devienne jamais la capitale d’un futur État palestinien.

La violence des colons

L’agressivité et la violence des colons sont présentées dans le rapport à travers plusieurs cas d’étude, dont celui de Burin, un village palestinien dans la zone de Naplouse, où les habitants vivent 24 heures par jour dans l’attente de la prochaine attaque des colons. Quand ils les voient descendre de la colline où leur colonie se trouve, par dizaines, armés de bâtons, de haches et de fusils, les femmes courent pour chercher refuge dans la maison, alors que les hommes sortent les mains nues, armés de quelques pierres, et surtout de leur nombre et de leur unité. Souvent les arbres, les cultures, les animaux et parfois les personnes sont les victimes de ces attaques qui ont lieu sous les yeux de l’armée israélienne. 27 cas d’étude sont ainsi présentés par des activistes du Programme d’Accompagnement, sous la forme de narrations personnelles des expériences vécues, ainsi que de rencontres avec des Palestiniens et plusieurs Israéliens également.
Dans sa conclusion, le rapport considère que les colonies israéliennes sont en contradiction directe avec la vision des deux États, et qu’elles enlèvent aux Palestiniens leurs droits les plus basiques, comme le droit à la propriété, le droit à la liberté de circulation, le droit à un niveau de vie digne, le droit à l’autodétermination et le droit à vivre libre des agressions et de la violence. Ensuite, il recommande que la loi internationale soit appliquée selon les résolutions de l’Organisation des Nations Unies qui ont traité de l’illégalité des colonies et de l’occupation en général.


Le rapport sur lequel s’est basé l’auteur s’intitule en anglais An Unjust Settlement. A Tale of Illegal Israeli Settlements in the West Bank. The Ecumenical Accompaniment Programme in Palestine and Israel, World Council of Churches Publications, 2010, a été rédigé par les équipes de l’EAPPI.

Le Programme œcuménique d’accompagnement en Palestine et Israël (EAPPI

Il cherche à soutenir les efforts faits localement et au niveau international pour mettre fin à l’occupation israélienne et à trouver une solution au conflit israélo-palestinien par une paix juste, fondée sur le droit international et les résolutions des Nations Unies.
EAPPI a pour mission d’accompagner les Palestiniens et les Israéliens dans leurs actions non violentes et leurs efforts concertés en vue de mettre fin à l’occupation. Les participants au programme suivent et rapportent les violations des droits de la personne et du droit international humanitaire, soutiennent les actes de résistance non violente aux côtés des Palestiniens chrétiens et musulmans locaux et des militants pacifistes israéliens, offrent une protection par leur présence non violente, mènent une action de promotion au niveau politique et, de manière générale, manifestent leur solidarité aux Églises et à tous ceux qui luttent contre l’occupation.
www.eappi.org

Le Conseil Œcuménique des Églises (COE)

C’est la plus vaste et la plus inclusive des nombreuses expressions organisées du mouvement œcuménique moderne, dont l’objectif est l’unité des chrétiens.
Le COE rassemble 349 Églises, dénominations et communautés d’Églises d’une bonne centaine de pays et territoires du monde entier, représentant plus de 560 millions de chrétiens et comprenant la plupart des Églises orthodoxes, un grand nombre d’Églises anglicanes, baptistes, luthériennes, méthodistes et réformées, ainsi que de nombreuses Églises unies et indépendantes.
www.oikoumene.org/fr/

Semaine mondiale pour la paix en Palestine Israël
Pendant la Semaine du 29 mai au 4 juin 2011, à l’initiative du Conseil œcuménique des Églises, des Églises de différents pays enverront un signal clair aux décideurs politiques, aux milieux concernés et à leurs propres paroisses concernant la nécessité d’un accord de paix garantissant les droits légitimes et l’avenir des deux peuples. Les participants devront organiser leurs activités autour de ces trois éléments : Prier, informer, interpeller. Tous les détails sur le site. www.oikoumene.org/fr/

Dernière mise à jour: 28/12/2023 22:38

Sur le même sujet