Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Inscription grecque, église et bains découverts à Halutza

Christophe Lafontaine
14 mars 2019
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable

Une rare inscription de 300 ap. J.-C., récemment découverte, indique en grec et in situ, Halutza (sud d’Israël). Une église byzantine et un bain public, également mis à jour, témoignent du passé prospère de la cité.


Il est plutôt rare que le nom d’une ville antique soit retrouvé gravé dans ses ruines. C’est ce qui a pourtant été découvert ces dernières semaines dans le Néguev à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Beer-Sheva, dans le parc national de Halutza. Une pierre portant une inscription d’il y a 1700 ans mentionne ainsi la ville sous son nom grec « Elusa ».

Le nom Elusa est mentionné dans plusieurs sources historiques. Il apparaît notamment sur la mosaïque de Madaba en Jordanie (VIème siècle ap. J.-C.) et dans le recueil de papyrus des VIème et VIIème siècles ap. J.-C. de Nitzana, ville située, elle aussi, dans le désert du Néguev près de la frontière égyptienne. « Mais il s’agit là « de la première preuve archéologique du nom du site lui-même », fait savoir dans un communiqué du 13 mars 2019 l’Autorité des Antiquités d’Israël (AAI) conjointement avec l’Autorité de la Nature et des Parcs d’Israël.

Par ailleurs, précise le communiqué, l’inscription mentionne aussi plusieurs Césars de la Tétrarchie permettant de la dater aux alentours de 300 après J.-C. En effet, la Tétrarchie était une organisation de gouvernement de l’Empire romain mis en place par Dioclétien à la fin du IIIème siècle ap. J.-C. pour faire face aux invasions barbares. Deux « Césars » étaient alors désignés comme les empereurs-adjoints des deux « Augustes ». Toutefois, dès 306 ap. J.-C., le système se fissura et ne perdura pas.

Elusa a été fondée à la fin du IVème siècle avant J.-C. et était un florissant centre d’échanges commerciaux qui faisait partie de la route de l’encens, un réseau de voies commerciales s’étendant sur environ 2 000 kilomètres de la péninsule arabique à la Méditerranée. La portion de l’ancienne route du Néguev reliait Pétra (en Jordanie actuelle) à Gaza. La ville continua à se développer et atteignit son apogée à la période byzantine du IVème siècle au milieu du VIème siècle ap. J.-C. « L’exportation de vins de haute qualité des hauts plateaux du Néguev pendant la période byzantine était à l’origine de la prospérité économique de toute la région », renchérit le Dr. Tali Erickson-Gini, archéologue de l’AAI qui a travaillé sur les fouilles.

En outre, dit-il, Elusa « fut également une étape importante sur la route empruntée par les pèlerins chrétiens se rendant [ndlr : au monastère] Sainte Catherine, dans le sud du Sinaï et a donc été visitée par de nombreux voyageurs étrangers. » A noter qu’Elusa figure aujourd’hui encore sur la liste des sièges titulaires de l’Eglise catholique. Siège actuellement vacant, selon Catholic-Hierarchy, site d’information et d’histoire de la hiérarchie de l’Eglise catholique.

L’activité de la cité semble s’être éteinte à la fin du VIIème. Les pierres du site ont été utilisées pour les constructions ottomanes de Gaza et de Beer Sheva. Et ce, jusqu’à la période du mandat britannique. Avec pour conséquence, un site pillé et peu entretenu. A l’heure actuelle, peu de vestiges sont effectivement visibles à la surface du sol et une grande partie du site est enfoui sous le sable.

D’autres découvertes sur un site consacré à la recherche

Qu’à cela ne tienne, explicite le Times of Israel, des archéologues ont voulu dépasser la « stérilité » apparente du site, convaincus de son potentiel. Des fouilles ont alors été organisées durant trois années dans le cadre d’un projet dirigé par le professeur Michael Heinzelmann pour le compte de l’université allemande de Cologne (Allemagne) en coopération avec l’Autorité des antiquités d’Israël. Projet financé par la Fondation germano-israélienne pour la recherche scientifique et le développement, et auquel ont participé des étudiants de l’Université de Cologne et de l’Université de Bonn (Allemagne).

L’opération est passée par une combinaison de méthodes archéologiques traditionnelles et plus modernes usant de nouvelles technologies comme l’imagerie à distance pour redéfinir le plan des rues de la ville antique grâce aux restes de portiques et blocs d’habitation qui, entre parenthèses, présentent des éléments de planification et de construction à la fois occidentaux et orientaux. Ces fouilles aux technologies novatrices ont permis « de démontrer la présence de neuf églises, d’un immense bâtiment à péristyle, peut-être un marché, et de l’existence d’au-moins trois ateliers de poterie », précise le communiqué de presse de l’AAI.

Qui plus est, lors de la dernière saison de fouilles (ces dernières semaines), une église byzantine et un bain public ont été portés au jour, a annoncé dans son communiqué l’AAI. L’église, à trois nefs de 40 m de long, contenait une abside orientée à l’est, dont la voûte était à l’origine décorée d’une mosaïque de verre. La nef de cette église était ornée de marbre.

Le bain public apparaît quant à lui comme ayant était un grand complexe urbain avec un caldarium (pièce chaude) et le four pour chauffer l’eau. L’hypocauste – le système de chauffage par le sol utilisé à l’époque romaine à l’aide de tuyaux en céramique – est quant à lui bien préservé. « Son origine remonte à la période moyenne-romaine mais il a été utilisé jusqu’au VIème siècle ap. J-C. », indique le communiqué de l’AAI.

L’archéologue Tali Erickson-Gini (de l’AAI) a indiqué au Times of Israel que les résultats des fouilles avaient été remblayés par l’équipe allemande.  Comme cela avait déjà été le cas suite à d’autres fouilles menées dans les années 1960-1970, puis à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Toutes avaient été recouvertes pour protéger les vestiges antiques notamment ceux d’une église et d’un théâtre.

Consacré à la recherche, le site (qui fait actuellement partie d’une zone militaire), selon l’archéologue, n’a pas vocation à être développé pour le tourisme. Pourtant, à l’instar d’Avdat, Mamshit et Shivta, dans le désert du Néguev, Haluza est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité depuis 2005. A noter que la ville serait par ailleurs l’un des deux principaux sites potentiels pour la ville biblique de Ziklag mentionnés dans la Genèse et le Premier livre de Samuel.

Sur le même sujet