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Quand soufflait un vent de fronde sur Yavné la grecque

Christophe Lafontaine
8 décembre 2022
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Quand soufflait un vent de fronde sur Yavné la grecque
Le mot « Victoire » - níkē- d'un côté de la balle de fronde, et les noms des divinités Héraclès et Hauronas de l'autre côté ©Dafna Gazit / Autorité des Antiquités d’Israël

Une rare balle de fronde du IIe siècle av. J.-C. a été retrouvée à Yavné en Israël. Elle aurait été employée par l’un des habitants de la ville lors du conflit contre les Hasmonéens qui voulaient stopper l’hellénisation des Juifs.


C’est un petit projectile en plomb mais qui en dit long. L’Autorité des antiquités d’Israël a en effet annoncé le 8 décembre par communiqué la découverteà Yavné, dans le district centre d’Israël, d’une petite balle de 4,4 cm de long et vieille de 2 200 ans, conçue pour être tiré à partir d’une fronde, une arme de jet.

Les archéologues se sont particulièrement arrêtés sur des mots inscrits en grec sur l’artéfact et déployés sur ses deux faces. « Victoire d’Héraclès et d’Hauronas », peut-on ainsi lire. Pendant la période hellénistique, aux époques lagide et séleucide (IIIe et IIe siècles av. J.-C.), les deux figures mythologiques étaient considérées comme les protecteurs de la Jamnia, le nom grec de Yavné, a expliqué le professeur Yulia Ustinova de l’Université Ben Gourion du Néguev, qui a déchiffré l’inscription.

Héraclès, demi-dieu et héros, était célèbre par sa force, son courage et ses nombreux exploits légendaires, et, Hauronas, dieu indigène issu du panthéon cananéen, était associé à la magie.

Les noms des dieux Héraclès et Hauronas au verso de la balle de la fronde. ©Dafna Gazit, Autorité des antiquités d’Israël

Une inscription grecque pour faire peur à l’ennemi

Ce qui a réjoui les archéologues, c’est que la balle de fronde est « la première preuve archéologique des deux gardiens de Yavné, découverte à l’intérieur même de Yavné ». Car « jusqu’à aujourd’hui, la paire n’était connue que par une inscription sur l’île grecque de Délos », a déclaré YuliaUstinova. Précisément, « les balles de fronde en plomb sont connues dans le monde antique à partir du Ve siècle av. J.-C., mais en Israël, peu de balles de fronde individuelles ont été trouvées avec des inscriptions », a-t-elle poursuivi.

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Elle a en outre expliqué que le message inscrit sur ce type de balle était conçu, non pas comme une invocation adressée aux dieux, mais comme une menace envers les adversaires du guerrier grec et donc comme un moyen destiné à lui assurer la victoire au combat. Ces inscriptions servaient à nourrir la « guerre psychologique » a expliqué Yulia Ustinova.

Elles transmettaient ainsi « un message pour unir les combattants dans le but de remonter le moral, d’effrayer l’ennemi, ou pour lancer un appel destiné à dynamiser magiquement la balle de fronde elle-même ».

Un clin d’oeil avant Hanoucca

Selon Pablo Betzer et le Dr Daniel Varga, les directeurs des fouilles pour le compte de l’Autorité des Antiquités d’Israël, il est possible – mais sans confirmation – que la balle ait été utilisée par un soldat grec lors du conflit entre les Séleucides dominant alors la Terre Sainte et les troupes juives hasmonéennes qui cherchaient à empêcher l’hellénisation des Juifs et qui y parviendront. La fête de Hanoucca en fait mémoire.

« Au IIe siècle av. J.-C., la païenne Yavné – qui était un allié des Séleucides (…), a fait l’objet d’attaques par les armées hasmonéennes », ont expliqué les directeurs des fouilles. Les Séleucides étaient une dynastie de l’époque hellénistique régnant alors sur une vaste portion du Moyen-Orient, et issue de Séleucos Ier, l’un des Diadoques, c’est-à-dire l’un des dauphins, d’Alexandre le Grand.

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Les Maccabées, famille juive, fondèrent la dynastie des Hasmonéens au pouvoir en Judée jusqu’à environ 40 avant J.-C.  Et ils ont cherché« à soumettre les autres nations » et « à créer un état homogène et « pur » d’un point de vue religieux et rituel ». Pour les directeurs des fouilles, la balle en plomb est « la preuve tangible d’une féroce bataille qui eut lieu à Yavné à cette époque. »

Yavné était le centre de la vie juive à la fin de la période du Second Temple et c’est l’un des sites les plus fouillés de ces dernières années en Israël à la faveur d’une extension de la ville qui prévoit d’accueillir 12 000 logements supplémentaires. Comme toujours en Israël, des fouilles préventives sont organisées dans ce cas de figure.

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