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Tibériade dévoile l’une des plus anciennes mosquées du monde

Christophe Lafontaine
1 février 2021
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Des archéologues israéliens ont découvert à Tibériade la plus ancienne mosquée au monde à avoir pu être fouillée. Et ils confirment le rôle de la ville comme capitale provinciale au début de la période islamique.


Une mosquée peut en cacher une autre. Des archéologues en ont encore fait l’expérience sur les rives du lac de Galilée, au nord d’Israël. S’il n’y a rien de rare à ce que des mosquées se soient superposées au gré des époques, l’inédit revient à ce que celle retrouvée à Tibériade, datant du VIIe siècle ait pu être fouillée. Car, « s’il existe des preuves historiques de l’existence d’autres mosquées plus anciennes dans le monde islamique, la plupart sont encore utilisées pour leur usage initial et ne peuvent être fouillées », indique dans un communiqué du 25 janvier publié par l’Université hébraïque de Jérusalem, l’archéologue Katia Cytryn-Silverman.

« Ici à Tibériade, nous avons eu cette remarquable opportunité de fouiller le site et de rechercher ce qui se trouvait en-dessous », a déclaré celle qui est professeur à l’Institut d’archéologie et au département des études islamiques et moyen-orientales de l’université précitée, et qui fouille depuis 2009 le site qui se trouve à la périphérie de la ville lacustre.

Jusqu’à présent, la mosquée la plus ancienne à avoir fait l’objet de fouilles a été découverte en Irak, à Wasit. Elle a été édifiée en l’an 703. La mosquée de Tibériade remonte à plus loin, et ce de plusieurs décennies !

Les équipes de Katia Cytryn-Silverman ont en effet conclu que des fondations découvertes sous une ancienne mosquée mise au jour sur le site en 1952 et datant du VIIIe siècle ap. J.-C. – construite entre 720 et 740 selon le Times of Israel – étaient issues d’une mosquée encore plus ancienne bâtie probablement au tout début de la période islamique à la seconde moitié du VIIe siècle ap. J.-C. Les fouilles initiales du site dans les années 1950 avaient conduit, à tort, les chercheurs à croire que le bâtiment était un marché byzantin utilisé plus tard comme mosquée.

Une mosquée construite par un ami du Prophète ?

C’est grâce à l’analyse des pièces de monnaies et des fragments de poterie connus pour être associés à cette période et découverts dans le remblai sous la mosquée, que les chercheurs ont pu la dater, explique l’Université hébraïque de Jérusalem dans son communiqué.

Le quotidien Haaretz évoque un autre indice. De fait, la terre utilisée pour les fondations de la première mosquée a été importée d’ailleurs. Et en consultant un archéologue au Yémen, Katia Cytryn-Silverman a été confirmée dans ces intuitions. « La technique de construction employée pour l’ancienne mosquée qui se distingue par un style simple et pragmatique, inhabituel dans la région, était apparemment arrivée en Israël au début de la conquête arabe, au VIIe siècle », a-t-elle signalé. Elle a en outre expliqué que la technique elle-même provenait très certainement de la péninsule arabique.

Il n’est pas impossible que la mosquée ait été fondée par Shurahbil ibn Hasana, un ami du Prophète Mahomet, qui fut commandant de l’armée qui conquit la région. Katia Cytryn-Silverman a affirmé que les archéologues ne pouvaient toutefois pas en être certains. « Mais, a-t-elle ajouté, nous avons des sources historiques qui disent qu’il a établi une mosquée à Tibériade quand il l’a conquise en 635 », a rapporté Arab News.

Une mosquée devenue grande

En cartographiant le site, la spécialiste de l’archéologie islamique estime que le bâtiment d’origine dont il ne reste aujourd’hui que les fondations inférieures, mesurait environ 22 mètres de large et 49 mètres de long. Présentant une forme rectangulaire imparfaite. Et possédant aussi une cour, précise le Times of Israel. Des dimensions qui la rendent « plus petite que la mosquée légèrement plus récente qui a été construite au-dessus, et qui faisait 78 mètres sur 90 mètres », précise le quotidien israélien en ligne. La mosquée « à plusieurs étages » servait de masjid jāmi, c’est-à-dire le lieu où la communauté musulmane se réunissait le vendredi pour le prêche hebdomadaire. Elle a ensuite servi de mosquée principale de la ville, jusqu’à ce qu’elle s’effondre lors du tremblement de terre de 1068.

Au VIIe siècle, suite aux conquête arabes dans la région, la ville de Tibériade était devenue la capitale de Jund al-Urdun, l’une des cinq provinces administratives et militaires des débuts de la période islamique, devenant ainsi un centre politique et économique important du monde arabo-musulman. Vue la taille de la mosquée, cette découverte est « conforme au rôle de Tibériade en tant que capitale provinciale au début de la période islamique », souligne le communiqué de l’Université hébraïque de Jérusalem. Mais les deux phases de construction en un demi-siècle montreraient que les premiers dirigeants musulmans qui gouvernaient une population majoritairement non musulmane avaient dans un premier temps adopté une approche tolérante envers les autres confessions.

 

La chercheuse a présenté ses travaux et leurs conclusions lors d’une conférence en ligne pour commémorer les 2000 ans de la fondation de Tibériade organisée la semaine dernière par l’université Hébraïque et l’institut Ben-Zvi, orienté sur la recherche et l’étude de l’histoire de la Terre d’Israël et de Jérusalem, de la conservation du patrimoine historique du pays et qui contribue au développement de la connaissance au sujet des communautés juives vivants ou ayant vécu en pays musulmans.

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