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École en Palestine, les urgences au-delà du Covid

Giulia Ceccutti
4 mai 2021
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École en Palestine, les urgences au-delà du Covid
Dessin d'un petit garçon palestinien de Cisjordanie représentant le rêve d'une école oasis de paix ©Save the Children

Dans les Territoires palestiniens, la pandémie n'a fait qu'aggraver une situation déjà difficile.


L’année dernière, l’école a été au centre de l’attention de tous, car elle fait partie des secteurs les plus touchés par l’urgence sanitaire du Covid-19. En Terre Sainte aussi, les étudiants, jeunes et moins jeunes, ont été affectés par les fermetures répétées. De nombreuses journées ont été consacrées à l’apprentissage alternatif et à distance lorsque cela était possible.

Dans les Territoires palestiniens, les écoles ont rouvert, quoique de manière limitée, depuis avril. Le récent pic de cas positifs dans les Territoires avait entraîné une fermeture quasi totale le 7 mars dernier, tous les cours étant suspendus à l’exception des lycées.

À Jérusalem, en revanche, les classes avaient déjà entamé une réouverture progressive en mars pour les jeunes élèves uniquement, tandis que dans la bande de Gaza, après plusieurs interruptions, les écoles publiques avaient rouvert en janvier.

Un bilan alarmant

« L’instruction à Gaza et en Cisjordanie a subi, et continue de subir, une pression énorme pendant la pandémie », explique Jason Lee, responsable de l’ONG Save the Children pour les Territoires occupés, en réponse à notre question sur l’état de l’instruction dans un contexte déjà fragile. « L’urgence sanitaire a perturbé l’instruction de 1,3 million d’enfants (51% de filles), contribuant à faire perdre au moins trois mois de scolarité jusqu’à présent ».

Les restrictions de mouvement, le climat d’incertitude et l’interruption répétée des cours ont augmenté le stress psychologique des enfants, avec un impact indéniable sur leur santé mentale et leur bien-être.

Selon les données recueillies par Save the Children, un demi-million d’enfants risquent d’abandonner l’école, et les filles sont particulièrement exposées au risque de ne jamais y retourner. Le nombre concernant les adolescents âgés de 16 à 17 ans est plus inquiétant encore : un quart d’entre eux ne sont pas scolarisés dans les années cruciales de leur parcours, alors qu’ils devraient passer des examens importants.

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Ces derniers mois, l’ONG a lancé la campagne Back to school à Gaza, qui vise à diffuser des messages soulignant l’importance de la scolarisation et de l’accès continu à une instruction de qualité. À Gaza, en collaboration avec le ministère de l’Education et un certain nombre de partenaires – outre le matériel et la technologie de base pour l’enseignement à distance et un soutien dans le domaine de la santé mentale – elle fournit également un soutien aux enseignants et aux parents, contribuant ainsi à la diffusion de programmes éducatifs complets, axés sur l’acquisition de compétences de base telles que la lecture, l’écriture et le calcul.

Difficultés majeures pour les plus vulnérables

« La fermeture périodique des écoles, aggravée par les difficultés économiques dues au Covid-19, conduit de nombreux enfants à travailler, notamment à Gaza », souligne M. Lee. « Nous sommes également préoccupés par les enfants porteurs de handicap, dont près de la moitié risquent fortement d’abandonner l’école au profit d’une entrée précoce sur le marché du travail. Tout cela alors que les taux de pauvreté continuent d’augmenter, avec 1,5 million de personnes vivant sous le seuil de pauvreté ».

À mesure que les écoles ferment, l’écart entre les résultats des enfants défavorisés ou peu performants et ceux de leurs camarades se creuse également. Derrière cela, il n’est pas difficile de l’imaginer, il y a un accès réduit aux appareils électroniques ou à Internet (un enfant sur cinq n’a pas accès à Internet), un soutien moindre des familles, le manque de motivation souvent déjà faible.

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« Non seulement la capacité d’accès à l’instruction a été considérablement réduite, mais avec des ressources inadéquates, il a également été difficile pour les enseignants d’évaluer correctement l’investissement des enfants pendant l’apprentissage à distance, ou l’efficacité de l’apprentissage », souligne M. Lee.

L’instruction « attaquée »

Au-delà de l’urgence sanitaire, l’instruction de la jeunesse palestinienne est depuis longtemps « attaquée » et semée d’embûches.

Comme le souligne, entre autres, le document Education Cluster Strategy – Palestine 2020-2021, élaboré par Education Cluster (une coordination internationale promue par l’Unicef et Save the Children qui travaille avec l’agence des Nations unies pour l’aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA), le ministère palestinien de l’Éducation et d’autres réalités) l’accès à l’éducation dans les Territoires palestiniens de Gaza et de Cisjordanie est compromis depuis des années en raison de l’occupation militaire et du conflit permanent avec Israël.

Dessin d’un enfant qui participait à un programme promu par Save the Children, représentant un jet de gaz lacrymogène sur une école palestinienne en Cisjordanie par l’armée israélienne.

Les violations, en Cisjordanie, se concentrent dans la zone C – qui comprend plus de 60% du territoire et est sous contrôle administratif et sécuritaire israélien -, dans la ville d’Hébron et à Jérusalem-Est.

Dans la zone C, où il y a une présence massive de colonies et de militaires israéliens, l’éducation est compromise par le climat de violence. Il y a eu des opérations militaires israéliennes autour des écoles, des actes d’intimidation et de violence à l’encontre des élèves et des enseignants sur le chemin de l’école, des jets de gaz lacrymogènes à proximité ou à l’intérieur des bâtiments scolaires et des pertes d’heures de cours en raison des retards aux checkpoints.

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À Hébron – ville peuplée d’environ 33 000 Palestiniens et, dans le centre historique, de quelques centaines de colons israéliens – environ 4 200 élèves voient leur chemin vers l’école obstrué chaque jour par les postes de contrôle, souvent théâtres de harcèlements, d’intimidations et de retards qui entraînent des absences scolaires et des retombées psychologiques.

L’un des problèmes principaux de l’éducation à Jérusalem-Est, est plutôt le manque de salles de classe et d’espaces adéquats, en raison d’un régime de planification restrictif des politiques israéliennes, qui n’a alloué que 2,6% des terres pour le développement de bâtiments publics pour les Palestiniens : on estime qu’il manque plus de 2 557 salles de classe dans le système scolaire public palestinien.

Dans la bande de Gaza, douze années de blocus ont finalement endommagé à plusieurs reprises une infrastructure éducative déjà fragile.

Les écoles menacées de démolition

Selon les données recueillies par Education Cluster, 53 écoles (45 dans la zone C et 8 à Jérusalem-Est) font actuellement l’objet d’ordres de démolition partielle ou totale ou d’arrêt de travail.

Dans la zone C, le système juridique rend la construction de nouveaux bâtiments palestiniens très difficile, et très peu de demandes de permis de construire sont acceptées. Ce régime restrictif signifie, toujours selon Education Cluster, que plusieurs écoles sont construites sans permis, et risquent donc constamment d’être démolies. Dans d’autres cas, cependant, les démolitions sont effectuées à titre de mesures punitives ou dans le cadre d’activités militaires.

Un droit non respecté

« Des recherches récentes menées par Save the Children, ajoute Jason Lee, ont montré que pour de nombreux enfants palestiniens, l’instruction devient associée à la peur, à l’anxiété et au stress. Les écoles ne devraient jamais être une cible, mais un espace sûr où les enfants puissent apprendre et grandir. Lorsque le coronavirus sera enfin maîtrisé, nous aurons l’occasion de changer de cap et de veiller à ce que le droit des enfants à l’instruction soit respecté ».

Pour conclure, il est de plus en plus urgent de prendre des mesures immédiates pour garantir aux enfants palestiniens un accès sûr à une instruction de qualité.

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