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Jérusalem met au jour une lampe à huile « porte-bonheur »

Christophe Lafontaine
5 mai 2021
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Jérusalem met au jour une lampe à huile « porte-bonheur »
Lampe à huile de l'époque romaine découverte dans les fouilles de la Cité de David à Jérusalem © Dafna Gazit, Autorité des Antiquités d'Israël

Une rare lampe à huile en bronze destinée à porter chance a été découverte à Jérusalem. D’époque romaine, elle est peut-être liée à la protection de la piscine de Siloé, principale source d'eau de la ville.


Dis-moi ta moitié, je te dirai qui tu es. Une demie-lampe à huile a été retrouvée à Jérusalem, lors de fouilles menées par l’Autorité des Antiquités d’Israël (AAI). Elles ont lieu dans le parc national de la Cité de David, au pied des remparts de la Vieille Ville à Silwan, quartier palestinien de Jérusalem-Est, annexée et occupée par Israël.

Du bronze a été utilisé pour fabriquer la lampe. Il a été coulé dans un moule sculpté qui avait la forme de la moitié du visage d’un homme, à la fois « souriant et effrayant » commente Ari Levy, directeur des fouilles, dans une vidéo de l’AAI. On y distingue le menton, une barbe, le nez, un œil et son sourcil, et une couronne de cheveux ondulés. Le tout donnant une apparence plutôt « grotesque », d’après le communiqué de l’AAI publié ce jour.

« Semblable à un masque de théâtre »

L’extrémité de la lampe a la forme d’un croissant de lune, et la poignée celle d’une feuille d’acanthe. On y voit distinctement le trou pour verser l’huile et celui d’où doit sortir la flamme. « La décoration qui apparaît sur la lampe rappelle un motif artistique romain courant, semblable à un masque de théâtre », indique l’AAI.

Selon les archéologues, « cette lampe est une découverte très unique », et pour autant qu’ils le sachent, la première de ce type découverte dans le pays. Selon Yuval Baruch de l’AAI, « on n’en a découvert que quelques-uns dans le monde entier ».

L’artéfact a été retrouvé dans les fondations d’un bâtiment remontant à la période suivant la destruction du Temple de Jérusalem par les Romains en 70 ap. J.-C., donc datant « de la fin du Ier ou du début du IIe siècles ap. J.-C. », précise l’AAI. Ce bâtiment se trouvait sur la route des pèlerinages, nommée ainsi quand les Juifs l’empruntaient pour monter vers le Temple encore debout, au moins trois fois par an, lors des fêtes de Pessah (la Pâques juive), de Souccot (la fête des cabanes), et de Shavouot (la Pentecôte juive).

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La voie de 600 mètres et vieille de 2 000 ans partait de la piscine de Siloé où les pèlerins avaient l’habitude de s’altérer et de se purifier rituellement comme le stipule la loi juive. La piscine est par ailleurs mentionnée dans le Nouveau Testament, comme le lieu où Jésus a accompli un miracle en guérissant un aveugle.

« Un dépôt de fondation » pour protéger et porter chance

Selon Yuval Baruch de l’AAI, « des lampes à huile en bronze décorées ont été découvertes dans tout l’Empire romain. La plupart du temps, ces lampes à huile reposaient sur des candélabres élégants ou étaient suspendues à une chaîne ». La raison pour laquelle la lampe retrouvée n’a que la forme d’un demi-visage, fait dire aux archéologues qu’elle a pu être fabriquée pour servir d’applique murale. A l’intérieur de la lampe, les archéologues ont pu retirer une mèche en lin, ce qui est très rare comme découverte. Une analyse future de l’existence ou pas de résidu d’huile sera en mesure de déterminer si la lampe a déjà été utilisée ou pas.

La lampe à huile, qui n’est qu’une moitié, vu du dessus © Dafna Gazit, Autorité des Antiquités d’Israël

Mais les archéologues pensent plutôt que la lampe a été enterrée à dessein dans les fondations du bâtiment. De l’avis d’Ari Levy et Yuval Baruch, la lampe serait un « dépôt de fondation ». Ou si l’on veut un dépôt d’offrandes de construction : un objet était déposé et enterré sous les fondations d’un bâtiment, généralement important. Et c’est bien le cas ici. L’offrande rituelle pouvait être accompagnée d’une cérémonie, semblable à celle – aujourd’hui – de la pose de la « première pierre ».

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« Les dépôts de fondation (offrandes) étaient répandus dans le monde antique et étaient destinés à porter chance et à assurer la pérennité du bâtiment et de ses occupants », expliquent les chercheurs. Autrement dit, explique Ari Levy dans la vidéo de l’AAI, ils servaient aussi à instiller la peur à ceux qui voulaient s’en prendre aux lieux et ses occupants.

Ari Levy souligne que « la construction d’une structure aussi massive dans la période suivant la destruction de la Jérusalem juive démontre l’importance de la zone même après la destruction du Second Temple ». Pour l’archéologue, « il est possible que l’importance du bâtiment, et la nécessité de bénir son activité par la chance en enterrant un dépôt de fondation, soit due à sa proximité avec la piscine de Siloé, qui était également utilisée à l’époque romaine comme source centrale d’eau dans la ville. »

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