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L’Hérodium, folie d’Hérode

Claire Burkel
4 mai 2021
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L’Hérodium, folie d’Hérode
À première vue une colline naturelle dans le paysage palestinien, mais son secret s’atteint au sommet. © Olivier Fitoussi/Flash90

Même si le site n’est pas répertorié dans le Nouveau, pas plus que dans l’Ancien Testament, il intéressera les pèlerins désireux de mieux connaître Hérode le Grand, ce dernier “roi des juifs” contemporain des toutes premières années de Jésus.


La montagne en forme de cône, et isolée dans le paysage des monts de Juda, est bien visible depuis Bethléem et lorsqu’ils résidaient encore en Judée, Jésus et sa famille n’ont pu manquer de la voir. Elle culmine à 758 m, bien détachée entre les moutonnements arides des steppes de Juda, à 10 km au sud-est de Jérusalem.

C’est l’historien juif passé aux Romains, Flavius Josèphe, qui en fait la description dans un de ses deux volumes Les Antiquités juives : “Hérode fit bâtir un château extrêmement fort qu’il nomma Hérodium de son propre nom, et donna le même nom à une colline qu’il fit élever en forme de mamelle avec de la terre portée. Il l’orna avec le plus grand soin. Il entoura la cime de tours arrondies et recouvrit toute l’enceinte de palais très somptueux. Il fit venir de fort loin avec de grandes dépenses grande quantité de belles eaux et l’on y montait par 200 degrés de marbre blanc.” Dans son second ouvrage La Guerre des juifs il relate les événements. Et effectivement, de la guerre la colline porte les traces, des boulets catapultés par les troupes du général Lucius Bassus ayant endommagé son flanc ouest en l’an 70. On a compris qu’elle est fort peu naturelle.

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Suivons les archéologues, le franciscain Virgilio Corbo en 1962-1967, les Israéliens Gideon Foerster en 1968-1969 puis Ehud Netzer ; ce dernier fouille “le volcan” depuis 1972 et c’est lui qui a découvert en 2010 l’emplacement certain de la tombe d’Hérode.

La vue panoramique révèle le génie bâtisseur d’Hérode le Grand, qui a fait de cette colline isolée une résidence aussi discrète que somptueuse. © ASAF T

 

Comme souvent pour ses résidences, Hérode a considérablement remodelé la nature. La colline d’origine a d’abord été tronquée et arasée, puis profondément creusée pour offrir un espace plan et constructible et enfin rehaussée d’un important terrassement afin de dissimuler tout l’intérieur aux regards ; son aspect extérieur est un glacis en pente régulière d’où les marbres ont complètement disparu, certainement réemployés dans d’autres constructions. Et il faut atteindre le chemin de ronde pour découvrir dans le creux tout un ensemble habitable. C’est la seule volonté d’Hérode qui ajouta à ses fortins de la plaine du Jourdain et de la mer Morte cette demeure cachée qui porte son nom.

Sur un point du chemin de ronde cette maquette décrit la forteresse entièrement reconstituée. ©Yossi Zamir/FLASH90

Né à Ashqelon en 73 av. J.-C. d’Antipater, alors ministre du roi hasmonéen Hyrcan II, Hérode est associé par son père au pouvoir dès l’an 50 mais se trouve en 40 trahi par Antigone, neveu d’Hyrcan, allié aux Parthes, ennemis de longue date de toute la région. Fuyant le complot et craignant pour sa vie, il parvient de justesse à quitter Jérusalem vers l’est avec sa famille, mais sa mère Cyprus meurt accidentellement en route, précisément à peu de distance de Bethléem où les chemins sont particulièrement tortueux. Après un passage à Rome où, grâce à sa fortune et à ses relations, il se fait reconnaître comme roi, il régnera sans partage de 40 à 4 av. J.-C. On sait qu’il meurt trois ou deux ans après la naissance de Jésus à Bethléem de Judée -Mt 2, 1- dans sa résidence d’hiver de Jéricho et qu’une longue procession l’a conduit à sa dernière demeure, ici à l’Hérodium : “Ses funérailles furent conduites depuis Jéricho jusqu’au château d’Hérodium, où on l’enterra ainsi qu’il l’avait ordonné“ -FJ, Ant. 17, 199.

TRIPTYQUE

Méditation itinérante sur le Royaume

Le pèlerin pourrait passer une journée entre ces trois sites à démêler avec l’Écriture la thématique royale : depuis le piton de Massada, haut-lieu d’une royauté farouchement exposée et exercée dans la démence, avec la riante oasis d’Ein Geddi où sont présentes les figures contrastées de Saül et David, l’Hérodium, djebel Foureidis aujourd’hui, amène à réfléchir sur l’exercice du pouvoir.

Le peuple avait pourtant été prévenu par le prophète Samuel : vous demandez un roi pour être comme les autres peuples, sachez qu’il s’arrogera tous les droits, comme les autres monarques -1S 8. Même Salomon, béni par Dieu, a rendu pénible le joug pour son peuple à force de lourds impôts, de corvées et de travaux somptuaires -1R 12, 4- et ses successeurs ont rarement rempli leur fonction dans la piété, la justice et l’honnêteté.

Deux rois seulement dans la longue dynastie davidique sont dits “justes pour avoir fait ce qui est agréable à Dieu”, Joas 835-796 et Josias 640-609 -2R 12 et 2R 22-23, 30 ; tous deux ont d’ailleurs été assassinés, Joas par des officiers putschistes et Josias à Megiddo lors d’un conflit assyro-égyptien.

C’est pourtant un fils de David qui est attendu comme Messie. La notion de royaume demeure et Jésus clame sa venue prochaine : “la Bonne Nouvelle du Royaume sera proclamée dans le monde entier, en témoignage à la face de toutes les nations“ -Mt 24, 14.

“Que ton règne vienne“ – Mt 6, 10- prions-nous chaque jour.

 

Un concentré d’Histoire

Sur le chemin de ronde de la forteresse plusieurs tables d’orientation permettent aujourd’hui de repérer les villages alentour dans toutes les directions. On évoquera au passage le bourg de Teqoa, patrie du prophète Amos -Am 1, 1 : “Parole d’Amos qui fut l’un des bergers de Teqoa“ – 7, 14 : “De profession je suis bouvier et pinceur de sycomores”.

Tout le long de son règne Hérode le Grand a craint pour son trône et sa vie car il se savait lui-même usurpateur, détesté de la population et son pouvoir faisait trop d’envieux. Il voyageait donc d’une forteresse à l’autre dans tout le pays.

La construction hérodienne date des années 24 à 15 av. J.-C. et fut, comme Massada, réinvestie par les zélotes durant la première guerre juive 66-73 ap. J.-C. Un demi-siècle plus tard, lors de la seconde guerre entre 132 et 135 ap. J.-C., les révoltés de Bar Kochba transformèrent l’une des salles du palais en synagogue et augmentèrent les souterrains complexes qui offraient de discrètes échappées par les pentes. Ce sont eux aussi, sans doute, qui ont pillé la tombe du Grand roi qu’ils abhorraient bien sûr, car il n’était pas juif seulement demi-juif -Ant. 14, 403- n’avait aucune piété, entretenait la corruption et avait été lourdement compromis avec l’occupant romain. Après eux on note l’occupation pacifique de quelques moines byzantins qui n’ont pas transformé les lieux et enfin, probablement, un poste croisé au XIIe siècle.

Une patiente restauration a permis d’admirer les couleurs des fresques ; on remarque la même facture picturale
qu’à Massada pour les murs. ©Y ossi Zamir/FLASH90

Tout le long de son règne Hérode le Grand a craint pour son trône et sa vie car il se savait lui-même usurpateur, détesté de la population et son pouvoir faisait trop d’envieux. Il voyageait donc d’une forteresse à l’autre dans tout le pays. Trois tours semi-circulaires et une quatrième entièrement ronde assurent la sécurité de ce refuge judéen. L’Hérodium n’était cependant pas assez vaste pour des réceptions, c’était un palais de taille plutôt modeste associé à des locaux de garnison. Sous le niveau résidentiel on avait prévu de profondes citernes qui garantissaient l’eau nécessaire au petit complexe thermal de la résidence.

Les dernières fouilles menées par le professeur Ehud Netzer ont dégagé au bas de la pente côté nord un théâtre de 600 places dont les stucs des décors étaient intacts. Mais la dernière intervention monumentale que fut le creusement du mausolée d’Hérode a quelque peu modifié ces ornementations. Le tyran avait prévu grand pour son ultime séjour : trois niveaux s’élevaient depuis un podium, surmonté d’une chambre à colonnade et enfin un toit en triangle incurvé comme on en voit à Pétra, taillé dans les roches. Le sarcophage lui-même se trouvait sous le dôme, mais cette cuve de pierre ocre sculptée de palmettes et rosaces a été trouvée vide, saccagée par les zélotes du IIe siècle.

La méthode est courante en archéologie : creuser une tranchée dans la hauteur d’un site donne accès à tous
les étages et toutes les époques d’un lieu ou d’un monument. © Yuval Daks/IAA

En bas de la colline les archéologues ont dégagé un ensemble beaucoup plus étendu comprenant des bassins, des salles de réception et d’hébergement pour les visiteurs que le roi voulait recevoir et dont il faisait sa cour. Tous ces aménagements ont été modifiés par les successeurs d’Hérode et en dernier lieu par les byzantins qui ont tenu là un monastère et quelques cellules d’ermites du Ve au VIIe siècle.

BÂTISSEUR

On peut être un tyran et aimer sa famille

Peu d’hommes eurent une aussi grande piété filiale : en souvenir de son père Hérode construisit une cité qu’il établit dans la plus belle plaine de son royaume, riche en fleuves et en arbres, et il l’appela Antipatris.

À sa mère il consacra une forteresse dont il avait élevé les remparts au-dessus de Jéricho et qui était aussi puissante que belle : il la nomma Cypros ; à son frère Phasaël la tour qui porte son nom à Jérusalem -F. J. Guerre I, 418 ; et du nom d’un autre de ses frères, Alexandre, il nomma Alexandréion une forteresse en Samarie.

Ce qui ne l’empêchera pas de faire assassiner quelques-uns de ses fils lorsqu’il les voyait trop près de son trône ainsi que Mariamme une de ses cinq épouses.

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