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Report du voyage du pape François au Liban

Christophe Lafontaine
10 mai 2022
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Le pape François dans l'église de toutes les nations dans le jardin de Gethsémani, à Jérusalem-Est, le 26 mai 2014, lors de son voyage en Terre Sainte © Uri Lenz/POOL/Flash90

Si une visite du Pape au Liban à la mi-juin n’a jamais été officialisée par le Vatican, le ministre libanais du Tourisme a annoncé le 9 mai son report. En raison de la santé du Pape. Mais peut-être pas seulement…




Ce n’est a priori pas une annulation mais un report. Hier, le ministre libanais du Tourisme, Walid Nassar, qui est également à la tête du Comité de préparation de la visite du Pape, a annoncé dans un communiqué officiel en arabe diffusé par l’Agence nationale d’information (Ani) que le Liban avait reçu une lettre du Vatican notifiant officiellement la décision de reporter la visite prévue du pape François au pays du Cèdre. Le ministre ajoutant qu’une nouvelle date pour la visite serait annoncée « dès qu’elle sera déterminée ».

Une nouvelle qui intervient après que le projet du Pape de se rendre du Liban à Jérusalem le 14 juin pour rencontrer le patriarche de l’Eglise orthodoxe russe Cyrille, a été annulé il y a plus de quinze jours en raison notamment de la guerre en Ukraine et de tensions en Terre Sainte.

Un voyage annoncé unilatéralement

Le voyage papal au Liban n’a jamais été officialisé par un communiqué du Vatican comme le veut le protocole. Et le 5 avril, Matteo Bruni, directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, à propos d’un tel voyage, a seulement déclaré : « C’est une hypothèse à l’étude ». Pour rappel, quelques jours avant, le pape François avait reçu le président libanais au Vatican le 22 mars. Michel Aoun avait alors évoqué l’intention du Pape de visiter le Liban « bientôt » et finalement sa visite avait été annoncée unilatéralement, dans ce qui a été considéré comme un couac diplomatique, le 5 avril via twitter par la présidence libanaise, aux dates des 12 et 13 juin.

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Ceci écrit, la lettre du Vatican reçue hier annonçant le report du voyage confirme implicitement qu’elle reste envisagée. D’ailleurs, le Pape a fait allusion à un tel projet dans des interviews et audiences récentes et a dans le passé tenu des « prières spéciales » pour le Liban notamment le 1er juillet 2021 manifestant ainsi son soutien aux Libanais.

Leur pays d’environ six millions d’habitants dont 1,5 million de réfugiés et qui abrite 18 communautés religieuses, dont une des plus grandes communautés chrétiennes du Moyen-Orient après l’Egypte, traverse une crise politique, économique et sociale inédite depuis octobre 2019, avec plus de 80% de la population vivant désormais sous le seuil de pauvreté de l’Onu, sur fond d’une inflation galopante et de la dévaluation de sa monnaie.

Des problèmes de santé…

C’est pour « des raisons de santé » sans autres précisions avancées concernant le Pape que le voyage est reporté comme « d’autres visites et rendez-vous à l’étranger prévus », a signalé Walid Nassar, souhaitant au Pape « un prompt rétablissement ». On sait que le Saint Père, âgé de 85 ans, souffre de douleurs à l’un de ses genoux et d’une sciatique persistante, depuis plusieurs semaines l’empêchant de marcher. Il a d’ailleurs été vu en fauteuil roulant, pour la première fois le 5 mai dernier, lors d’une audience au Vatican.

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Le voyage au Liban aura probablement lieu après l’été, a déclaré une source à l’agence Reuters. Dans ce cas, la visite du Pape au Liban serait la troisième d’un souverain pontife en fonction depuis la fin de la guerre civile en 1990. Le pape Benoît XVI s’y était rendu en septembre 2012, un an après le déclenchement du conflit syrien. En 1997, Jean-Paul II avait effectué une visite historique au pays du Cèdre où il avait déclaré que « le Liban [était] plus qu’un pays : c’est un message ». 

… ou éviter une exploitation électorale

Mais il convient de noter que malgré les problèmes de santé du pape François, le Vatican a confirmé sa visite au Congo et au Soudan du Sud début juillet, et le Pape a déclaré qu’il espérait visiter le Canada plus tard dans le même mois. 

Le calendrier annoncé peut donc sembler bien chargé pour un pape fatigué. Peut-être faut-il voir dans le report de la visite du pape François au Liban au-delà des raisons de santé du Pape, la possible confirmation de « la solide volonté vaticane d’en empêcher toute récupération politique » auprès des chrétiens à l’aune des législatives du 15 mai et de l’élection présidentielle d’octobre, s’interroge Ici Beyrouth, site libanais francophone d’information, d’analyse et d’investigation.

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D’autant plus que, pour rappel, l’annonce de la visite papale avait été annoncée uniquement par la présidence libanaise et non par le Saint-Siège. « Ce faux-pas diplomatique de Michel Aoun avait été perçu par des observateurs étrangers basés au Vatican comme un moyen de faire pression sur le Saint-Siège par les voies médiatiques, pour que la visite du Pape ait lieu en juin », estime Ici Beyrouth.

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