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Alexis Congourdeau ou l’art pour dialoguer avec la Terre Sainte

Propos recueillis par Marie-Armelle Beaulieu
17 janvier 2024
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Alexis Congourdeau ou l’art pour dialoguer avec la Terre Sainte

C’est l’histoire d’un coup de foudre pour cette terre, et qui n’est pas resté sans lendemain. Aujourd’hui Alexis Congourdeau en dessine les contours, photographie les replis et expose ce dont lui parle ce pays. À voir au printemps à Jérusalem !


C’est un grand consommateur de café, qu’il aime boire en terrasse. Par tous les temps. Aussitôt qu’il s’assoit, il ne tarde pas à sortir un cahier. Ils sont souvent à spirale mais pas toujours. Avec ou sans lignes. Il prend alors un stylo et dessine. Ou écrit. Souvent il associe les deux et plus souvent encore, qu’il soit à Marseille ou Paris, c’est “une ville d’Orient” qui s’invite sous sa plume à l’encre noire, plus rarement bleue. Alexis Congourdeau est un passionné de Jérusalem, de tout Israël et de toute la Palestine, et de tous leurs habitants.
“La première fois que j’y suis allé, j’avais 18 ans. C’était en 1992. J’ai très rapidement été subjugué par l’ensemble de ce qu’est la Terre Sainte : à la fois les paysages, les odeurs, les bruits, les gens, l’Orient. Et puis j’ai eu cette expérience sur le mont Thabor dont je n’ai pas encore bien fait le tour. Je me suis mis à dévorer le Nouveau Testament alors que j’étais dans une période de ma vie où j’avais mis la foi de côté, même si j’avais reçu une éducation chrétienne par mes parents.” C’est du reste eux qui l’avaient inscrit à ce pèlerinage.

Je suis tombé amoureux

Alexis peine à trouver les mots pour décrire ce qu’il a vécu : “Une ouverture s’est faite en moi qui a suscité un intérêt, une curiosité un peu globale, à la fois pour le Christ et pour cette terre. Je suis tombé amoureux en même temps et du Christ et de la terre.”
L’attirance a été si forte que, durant ses études, il s’est mis à organiser des pèlerinages, surtout avec des jeunes. “On dormait à la belle étoile dans le désert, on allait dans le Sinaï, on traversait la mer Rouge en bateau. On remontait par Pétra, le mont Nébo, puis la traversée du Jourdain, à l’aube…” Ce désir de faire découvrir la terre, il en a fait son premier métier dans une agence jusqu’à ce que le marché s’effondre avec la seconde intifada en 2002 et qu’il soit mis en chômage technique.
Il a alors commencé à faire ce que ses diplômes lui avaient obtenu : professeur en histoire et géographie, et reprenait le chemin de la Terre Sainte durant les vacances. “En cumulé, j’ai passé, à peu près deux années pleines en Israël-Palestine en une trentaine de séjours.” Quand il a envisagé de faire une thèse, son sujet était encore Jérusalem et plus précisément cette rue al-Wad qui s’ouvre par la porte de Damas et descend jusqu’au Kotel : le cœur profond de la ville. Ce besoin de dire, d’écrire, de dessiner, d’expliquer, d’enseigner la Terre Sainte, de la vivre, de la respirer, s’exprime aussi chez Alexis par la recherche photographique. Un travail – une quarantaine de clichés seulement – qui sera exposé durant toute la période du carême à l’École biblique et archéologique française de Jérusalem.
Alexis photographie ce qu’il se proposait d’étudier : “L’homme dans l’espace”. Rien de posé, d’établi, de prévisible : il tente de saisir Jérusalem comme elle l’a saisi, à la volée, à l’envolée. Il fait voir en photo ce qu’il envisageait d’étudier en thèse : de l’anthropologie urbaine. Mais il laisse aussi place aux paysages, plein de “réel et de mouvant” dit-il en citant Bergson.
La photo, il s’y est mis il y a 15 ans, en parcourant les collines de Marseille. Mais la particularité, c’est qu’il se sert uniquement d’un téléphone portable et n’hésite pas à utiliser les filtres pour souligner un trait, contraster un jeu de lumière, tonaliser une ambiance. Comme si le filtre était la couleur qu’Alexis ajoute parfois au trait noir de ses dessins pour sublimer une scène.

 

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Exercice thérapeutique

En photo, il propose une autre Jérusalem que celle qu’il dessine, car celle-là existe bel et bien et on en reconnait toute l’humanité.
“Quand je dessine, je trace à l’encre de chine des montagnes désertiques ou des villes orientales. L’exercice est thérapeutique pour moi.” Mais c’est aussi une Jérusalem que Jérusalem porte déjà en projet, une Jérusalem pour rassembler l’humanité. Il fait sortir les germes de cette Terre Sainte intérieure, cette cité de Dieu, et en ressent le bienfait. “C’est pulsionnel. Ça sort de moi et ça a besoin de se dire, voilà. C’est la Terre Sainte que j’arpente depuis 30 ans qui a besoin de se dire et d’advenir et j’y travaille par différents médiums : la parole, l’écriture, le dessin, la photo.”
“Cette Terre parle beaucoup. Presque trop. Elle me parle beaucoup et moi aussi, de mon côté j’ai besoin de lui parler en échange ou en réponse.
On pourrait dire que le Dieu des chrétiens s’est fait homme, il a parlé aux hommes et il y a comme une réponse humaine laborieuse à cette Parole immense. Cette énergie m’a invité au dialogue et je ressens fortement la nécessité de lui répondre. Si bien que ce travail devient finalement comme un témoignage rendu à la Parole.”
Le 7 octobre, date de l’attaque par le Hamas des villages frontaliers de Gaza, Alexis quittait Jérusalem. Mais qu’il soit à Marseille où il enseigne ou à Paris auprès de ses enfants, Alexis est en Terre Sainte au rythme de sa déchirure. “J’ai besoin d’écrire, de faire des vidéos sur ce qui se passe, même si je suis un témoin éloigné.”
Il aime la Terre Sainte comme un écorché vif qu’il est et parce qu’elle l’est elle aussi : “On doit se ressembler à vrai dire. Mon approche de la Terre Sainte a tout à voir avec cette fascination pour le rapport entre l’écrit et la terre, le message et son espace d’expression. C’est-à-dire entre l’Évangile par exemple, et le lieu où cela s’est passé. En Terre Sainte, le lieu te parle à la fois de toi-même, de l’écrit évangélique et d’une réalité qui, peut-être, nous échappe encore.”
“Tu peux demeurer des heures en un lieu et sentir qu’il te parle. Des événements ont eu lieu ici, il y a bien longtemps mais c’est comme s’ils se déroulaient encore. Il y a une forme d’actualisation. C’est un peu ça là, le pèlerinage ou le sacrement, les événements du passé ne sont pas dépassés. Ils sont présents, aujourd’hui.” Les événements ont-ils une fin ?
C’est pour cela que l’exposition d’Alexis Congourdeau s’intitulera Kairos, de ce terme grec qui signifie “le moment favorable” ou encore “C’est maintenant, c’est l’heure !”
S’il expose Jérusalem à Jérusalem c’est parce que la montée vers Jérusalem est une nécessité pour lui, et à laquelle il invite les autres. “Venez donc si vous voulez ! Montez jusqu’à Jérusalem pour voir ce que mes petits yeux ont vu”. Message transmis.♦


En approchant Jérusalem

KAIROS, exposition photographique à l’École biblique et archéologique française de Jérusalem du jeudi 19 mars (Saint-Joseph) au dimanche 19 mai (Pentecôte).

Pour voir le travail d’Alexis

Si vous n’arriviez pas à venir voir le travail d’Alexis Congourdeau à Jérusalem, vous pouvez toujours aller le voir sur Facebook où il publie de façon publique la plupart de ses travaux, ou aller visiter son site Internet www.metierduregard.com

À noter : Alexis vend ses dessins.

Dernière mise à jour: 17/01/2024 15:12

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