Avec Sr Elisabeth, la charité n’a pas fini de rayonner à la Crèche de Bethléem
À la vue du géant blanc entrant dans la pièce Youssef, un an et demi, se précipite dans son giron. Le géant se baisse, se plie et enfin s’assoit par terre pour l’embrasser. Aussitôt il se trouve déjà assailli d’autres petits qui accourent pour avoir leur câlin.
La haute stature de Sr Élisabeth Noirot est déjà bien connue des enfants qui, dès qu’elle passe, se précipitent qui pour recevoir un geste de tendresse, qui pour montrer un dessin, qui pour lui confier quelque secret.
En novembre 2011, Sr Élisabeth est arrivée à la Crèche de Bethléem, un établissement d’accueil pour les enfants trouvés, abandonnés ou placés provisoirement par le Service social palestinien. Elle succède à Sœur Sophie Boueri qui a refondé la crèche il y a 24 ans.
« On ne remplace par Sr Sophie », estime sereinement Sr Élisabeth. « Tout ce qui existe ici, c’est grâce à elle. Toute sa vie, elle l’a donnée pour défendre la femme et l’enfant et particulièrement les plus déshérités d’entre eux, vivant intensément nôtre charisme de filles de la Charité. »
En terrain connu
Sr Élisabeth était précédemment en poste en Égypte, mais elle n’est pas une inconnue à Bethléem. Pendant dix ans, de 1994 à 2004, cette infirmière puéricultrice de formation, a travaillé à l’hôpital de la Sainte Famille, adjacent à la crèche : « J’y ai créé le service des soins externes, ainsi que le Centre d’aide sociale. J’étais plus souvent dehors que dedans, mais de temps à autre je rendais service à la crèche. »
Une crèche qui depuis 2004 a déjà beaucoup changé affirme Sœur Élisabeth.
« Cela fait un mois et demi que je suis arrivée. Je me replonge dans le bain. Les choses ont évolué depuis 2005. Il y a des choses qui se sont compliquées, comme le rapport à l’Autorité palestinienne concernant le service des enfants trouvés. D’autre part, il semble qu’il y ait beaucoup plus de souffrances, dues à la construction du mur, avec pour conséquences plus de violence intrafamiliale. Je dois prendre la mesure de ces évolutions. »
« Sœur Sophie, poursuit Sœur Élisabeth, a eu un charisme de fondatrice. Quand elle est arrivée, l’établissement vivotait. Il n’était pas fonctionnel, il manquait beaucoup pour l’évolution harmonieuse des enfants. Sœur Sophie a réorganisé la maison, elle a su susciter l’intérêt de personnes compétentes pour mettre en place un suivi personnalisé des enfants, elle a su aussi intéresser des donateurs. Elle a relancé cette œuvre, elle l’a bâtie sur des fondations solides, mises sur de bons rails. Mon rôle va être de la perpétrer et de continuer à la faire avancer avec le même élan. » Dans quelle direction ? « Il faut savoir se laisser guider par l’Esprit, par les événements. Certes, il y a des choses que je vois différemment de Sœur Sophie, elle est orientale, je suis occidentale. Mais je désire m’inscrire dans la continuité. En tous les cas, la première année va être tout entière consacrée à l’observation et à la compréhension des mécanismes, après on verra ce qu’il convient éventuellement de faire évoluer et dans quel sens. Et cela se fera aussi après consultation du personnel, pour savoir ce que les personnes qui évoluent dans la maison pensent, estiment nécessaire ou souhaitable, qu’il s’agisse du personnel engagé dans l’accompagnement social des familles ou ici à la crèche. »
Sœur Élisabeth dégage une assurance tranquille, elle connaît manifestement son métier et le charisme de saint Vincent de Paul, le fondateur de la Congrégation des sœurs de la Charité, où elle est entrée il y a 28 ans. Mais on ne succède pas à une personnalité comme Sœur Sophie comme ça.
« J’aime la Crèche mais j’appréhende et j’ai d’ailleurs demandé à ce que Sœur Sophie reste, parce que nous nous complétons bien. C’est une femme vraiment charismatique qui se laisse menée par l’Esprit saint, cela peut être difficile de la suivre, surtout pour nous les occidentaux, plus cartésiens qui aimons avoir un projet et nous y tenir, et elle qui part dans une autre direction… mais on se rend compte sur place qu’il fallait bien dévier des plans tracés pour rester dans le charisme. »
Sœur Sophie, 79 ans, s’efface devant Sœur Élisabeth, elle qui s’est tant donnée aux pèlerins, comme à la presse, pour trouver les moyens pour la Crèche qui ne vit que de dons. « J’espère qu’elle restera, je pense qu’elle le désire. À la fois, elle voit dans la volonté des supérieurs la volonté de Dieu. »
Les enfants l’assaillent de toute part, elle les connaît chacun, Lina, Wissam, Célina, Maryam, Youssef.
Sœur Elizabeth, originaire de Vichy en France s’adresse à eux en arabe. Les enfants la regardent parfois étonnés et lui pardonnent vite son accent et ses expressions égyptiennes.
Youssef vient de l’entendre, il la fixe, lève les sourcils, ne prononce pas un mot et s’allonge sur ses genoux. Il est à la maison.
Ces enfants n’ont pas eu toutes les chances au départ, mais la crèche en est une nouvelle, et après Sœur Sophie, Monsieur Vincent peut se réjouir : ses filles continueront de faire rayonner la charité à Bethléem. ♦
Merci Sœur Sophie et bon vent !
Il est peu probable que Sœur Sophie ait tenu le compte du nombre des pèlerins qu’elle a accueillis à la crèche. C’est assurément par milliers qu’il faudrait compter. Et tous, jeunes ou vieux, lui doivent quelque chose. Son authenticité, sa passion, son amour pour les enfants et pour leurs mères quoiqu’elles aient dû faire et les raisons pour lesquelles elles ont dû le faire, son charme espiègle, cet accent libanais délicieux avec lequel elle s’exprimait si bien dans notre langue, pour nous toucher au plus profond et nous conduire à la charité concrète qui nous poussait invariablement à ouvrir nos cœurs et nos porte-monnaie !.. Sœur Sophie est partie à la retraite sur la pointe des pieds.
Pas un article sur celle qui a répondu à tant et tant de journalistes, pour faire connaître cette œuvre qu’elle a créée, à laquelle elle s’est donnée et qu’elle a aimée et aime si fort qu’elle est même capable de la laisser voler de ses propres ailes.
Sr Sophie est moins partie à la retraite qu’elle ne s’est effacée et s’en est remise à l’obéissance.
Qui, par ailleurs, pourrait mettre Sœur Sophie à la retraite quand elle a voulu passer sa vie à aimer ?
Sœur Sophie devrait se rendre dans une autre maison de la Congrégation des sœurs de la Charité à laquelle elle appartient. Un endroit où elle aura aussi de quoi déverser ses trop pleins d’amour.
De nombreux lecteurs de La Terre Sainte, l’ont rencontrée, aujourd’hui ils sont invités à l’entourer de leur prière d’action de grâce pour tout le travail accompli.
Sr Sophie, fidèle lectrice de la revue dont elle venait acquitter l’abonnement chaque année quand elle passait par Jérusalem, nous voulons vous dire ce dont vous vous moquez : notre admiration, et ce qui comptera davantage à vos yeux : notre amour. Merci et bon vent. ♦
Dernière mise à jour: 02/01/2024 10:08