
À 37 ans, Bishara Rabadi appartient à la nouvelle génération de guides. Fait rare pour un guide de cet âge, il est parfaitement francophone. Être guide n’est pas un métier mais une vocation que lui a révélée la ville où il est né : Jérusalem.
Bishara est un colosse, allure impressionnante. “Vous avez l’air un peu timide.” Il sourit et répond avec toute l’élégance palestinienne : “Je ne pense pas être timide, mais j’aime bien écouter et observer avant de me livrer.” Bishara s’exprime dans un excellent français, une langue qu’il a commencé à apprendre à l’école des Frères, les Lassaliens.
Très vite, ses parents l’envoient au Lycée français de Jérusalem. Baccalauréat en poche, il part pour la France étudier l’architecture à Clermont-Ferrand : “J’ai choisi une ville où je ne connaissais personne pour être obligé de parler français et travailler mon accent.”

PRÉSENTATION
Nom : Bishara Rabidi
Âge : 37 ans
Numéro de licence : 13082
Naissance : Jérusalem
Résidence : Jérusalem
À son retour, diplômé, il décroche un emploi chez les Franciscains comme architecte. Il accompagne plusieurs projets de la Custodie en Vieille ville. L’occasion de découvrir le patrimoine architectural palestinien de l’intérieur, ses pans d’ar-chéologie. « Cela m’a rapproché de notre Histoire. » Au point qu’il a voulu en apprendre da-vantage. En 2014 il commence le cycle de l’école des guides. Un cours conciliable avec la vie active.
Licence obtenue, il guide de temps à autre, parallèlement à son activité professionnelle, jusqu’au jour ou, en 2019, il a ce qu’il appelle une « révélation ». « Ma vocation est de guider les pèlerins et marcher avec eux dans les pas du Christ. » Bishara rayonne. Dans ses propos et la façon de les dire, il n’y a pas de forfanterie. Il y a juste le bonheur intime d’être dans sa vocation, co-naturelle au fait d’être chrétien de Jérusalem.
Géographie de l’Evangile
« Quand on grandit en Vieille ville de Jérusalem, comme c’est mon cas, on connaît toutes les églises. On connaît tous les endroits liés à la Bible, mais sans forcément faire le lien entre les lieux et ce qui s’y passe dans les Evangiles. J’avais commencé les cours de guidage par intérêt pour l’Histoire, mais à mesure que je découvrais le lien entre le lieu et le texte, tout prenait sens. »
Bishara découvrait qu’il y a une géographie de l’Évangile et que sa ville, son pays étaient le théâtre de la vie de Jésus. « C’est ce que j’adore dans le métier de guide, montrer aux pelerins comment voir – il traîne sur le verbe pour le souligner – les Évangiles. On est habitué à les lire, mais lors du pèlerinage on comprend l’histoire s’est déroulée ici. »
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Ce qui le rend heureux c’est de donner un décor aux évangiles pour que le Christ s’incarne dans sa terre et dans le cœur des pèlerins. Une démarche étonnement spirituelle. « Ça se passe bien avec les prêtres? »
« Pour qu’un pèlerinage se déroule bien, répond-il, il faut qu’il y ait une complémentarité entre le guide et le prêtre. » D’après Bishara, ni les connaissances ni l’expérience spirituelle ne se situent au même niveau, c’est bien pour cela qu’elles s’enrichissent mutuellement.
« J’ai hâte de revoir nos églises pleine »
D’où lui est venue la foi ? Il mentionne la messe dominicale, l’école du dimanche, la JOC, les scouts, les prières faites, enfant, au Saint Sépulcre avec son frère et ses sœurs. Mais il est finalement saisi à l’école des guides. « Ce qui est chrétien n’était jamais approfondi. Alors je me suis mis à étudier par moi-même, j’ai lu et étudié les Évangiles. » La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre […) ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plait, sans avoir accompli sa mission », aurait dit Isaie (Is 55, 10-11).
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« Le métier de guide est très exigeant, notamment du fait de l’éloignement de la famille. Avec ma femme, nous étions convenus que je ne prendrai pas un groupe après l’autre. » Mais depuis le 7-Octobre, Bishara ne prend plus de groupe du tout. « A début j’ai touché un peu de chômage ». Personne ne pensait que ce serait si long.
Alors, en attendant, avec des collègues, Bishara a fait des visites pour partager et échanger sur les expériences dans les différents sites. Puis il a fallu se résoudre à chercher du travail. « Je fais des CDD à l’hôpital Augusta Victoria en comptabilité. » Il décoche à nouveau un de ces sourires lumineux. « Les groupes me manquent, l’expérience avec eux. Et j’ai hâte de revoir nos églises pleines. »