
Depuis deux ans, Gila Toledano a reporté l’amour qu’elle donnait aux pèlerins à tous les habitants de la Terre Sainte, en restant en lien avec nombre de ses groupes passés.
Les yeux de Guila sont bleus comme le chocolat et elle orthographie son prénom à l’israélienne : Gila. C’est Éric-Emmanuel Schmitt, l’écrivain français tombé sous son charme, qui a dit de ses yeux qu’ils étaient bleus. “Oui, oui, si, si, regarde, il y a un liseré bleu autour de l’iris.” Les ophtalmologues se prononceront. Mais Schmitt n’a pas complètement tort, on se perd dans les yeux de Gila comme devant la beauté d’un océan.
Gila Toledano est la plus grande Dame de 1,55 m que vous pourrez jamais rencontrer. Elle a le don de tout agrandir : l’espace, la beauté, l’amour, votre cœur. Même quand elle est abattue par deux ans de guerre. Abattue pour les victimes du 7-Octobre, pour les otages et leurs proches, pour la société israélienne, pour la population de Gaza, pour les bédouins du Négev, pour les habitants de Cisjordanie. Gila porte toute la souffrance de la Terre Sainte sur ses épaules. On comprend qu’à la question sur ce qu’elle aime dans son métier elle commence par : « L’humain, la rencontre avec l’humain, les gens ».

PRÉSENTATION
Nom: Toledano
Prénom: Gila
Âge: 67 ans
Numéro de licence: 3413
Naissance: Haïfa
Résidence: Israël
Mais comment rencontrer les gens quand on est dans la position de celui qui parle? « Je les rencontre en parlant. Dans le bus, je les regarde, je ne m’assois jamais, je ne leur tourne jamais le dos. Je les regarde et je vois leurs yeux. Depuis le chauffeur jusqu’au dernier, assis tout au fond comme un cancre et qui ne veut surtout pas être devant. »
« Aussi à l’aise avec un manouvrier qu’avec un noble »
En observant son auditoire, elle le découvre, elle découvre sa sensibilité, même ecclésiale. Un don qu’elle explique: « Je suis issue d’une famille de rabbins qui a des liens multiséculaires à Tolede en Espagne, en passant par Meknès, et tous étaient rabbins et les rabbins doivent s’adapter à des communautés extrêmement variées. » D’elle Jean-Pierre Morin, le fondateur de Routes Bibliques, disait : « Quand je confie un groupe à Gila, je peux dormir tranquille. Elle est aussi à l’aise avec un manouvrier qu’avec un noble. » Tout le monde aime Gila.
Preuve en est, malgré le temps qui passe, elle reste en contact avec de nombreux pèlerins.
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« Être guide, c’est plus qu’un métier. J’ai toujours privilégié la qualité à la quantité, même si c’est une activité très saison-nière, d’octobre à juin, je n’ai pas cherché à enchaîner un groupe après l’autre. » Bien sûr, Gila devait aussi prendre soin de son fils. Mais il fallait surtout qu’elle recharge les batteries pour mieux donner. « Je suis guide, mais je vis ce métier comme une vocation. Je ne me vois pas comme guide mais accompagnant spirituellement. »
En l’entendant me reviennent les paroles de ce prêtre italien francophone, connaissant la Terre Sainte depuis 1962 et qui y a passé plus de la moitié de sa vie. « La plus belle méditation du chemin de croix que j’ai entendu prêcher Via Dolorosa, l’a été de cette petite guide israélienne [il me décrivit Gila]. Je l’ai prise en cours de route, tandis que je passais, et l’ai suivie jusqu’au bout. »
Métier-passion
« Dès le début, en choisissant ce métier il y a 43 ans, c’est l’esprit dans lequel je voulais l’accom-plir. » Gila estime qu’un pèlerin s’en remet d’une certaine façon au guide. Elle utilise l’expression hébraïque: « sam nafshu
bekhapho lenifesh », qui se traduit par : « Il a mis sa vie dans la paume de sa main ».
« C’est une énorme responsabilité. C’est comme si les pèlerins mettaient leur âme dans le creux de ma main. Ils s’en remettent à moi. Il y a une forme de vulnérabilité. Je sens, je ressens leur attente spirituelle et je l’assume. La façon dont je vais les accompagner va offrir les conditions de l’expérience spirituelle de chacun. En-suite, je devrai leur permettre de repartir safe ce qui veut dire pour elle « affermis dans la foi ». Les prêtres ont leur vocation mais moi aussi dans le contexte du groupe ».
Il faut croire que les pèlerins lui sont reconnaissants. C’est en partie grâce à leur générosité affective et financière que Gila tient le coup depuis 730 jours. « Je leur dois beaucoup », dit-elle le souffle coupé par l’émotion. « Certains ont créé un fonds pour me soutenir. Ça et les jours où j’ai pu accompagner le travail du photographe Pierre-Élie de Pibrac [qui a réalisé un travail remarquable du nord au sud d’Israël), m’ont permis de survivre. » Mais Gila ne veut pas seulement survivre, elle veut vivre et sa vie c’est donner aux pèlerins un supplément d’âme