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Palais hérodiens à Jéricho: Tulul Abu el-Alayiq (Première partie)

Terre Sainte 1921
20 janvier 2011
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Le frère Pietro Kaswalder fait réviser quelques classiques archéologiques de Jéricho à ceux qui seraient passés trop vite dans
la cité au riche passé historique et biblique.


Hérode le Grand est ainsi appelé avant tout pour l’habileté avec laquelle il conduisit la turbulente politique de ses jours mettant à profit les bénéfices de la Pax Romana imposée par César Octavien Auguste (29 av. J.-C.-14 apr. J.-C.), et en second lieu pour les grands monuments qu’il a fait réaliser en divers endroits de son règne. Il est important de mentionner le port et la ville de Césarée Maritime ; la ville d’Antipatris, Sébaste, Banyas ; le temple et les palais de Jérusalem ; les sanctuaires d’Hébron ; les forteresses de l’Hérodion, Massada, Machéronte etc. Après trois décennies de fouilles conduites par l’archéologue israélien E. Netzer à Tulul Abu el-Alayiq il faut aussi ajouter à la liste : Jéricho, où Hérode a construit une impressionnante série de confortables palais où l’art et l’ingénierie furent abondamment illustrés.

Les palais hasmonéens

On peut rejoindre le site archéologique de la Jéricho hérodienne soit en venant depuis Saint-Georges Koziba, le long de l’ancienne route qui longe le Wadi Qelt (Nahal Perat) soit en remontant le long du petit chemin qui de Jéricho conduit au village arabe de Tulul Abu el-Alayiq.
Les ruines de la Jéricho hérodienne sont éparpillées sur une vaste étendue de 45 hectares. Une petite partie du site se trouve sur la berge méridionale du Wadi Qelt, alors que la majeure concentration des édifices se trouve entre le torrent et Tell Samrat où ont été construits l’hippodrome et le théâtre.
La reine d’Égypte, Cléopâtre VII désirait ce terrain, elle le reçut de Marc Antoine (36-30 av. J.-C.), ainsi que la cité portuaire de Jaffa (Flavius Joseph, Ant. Jud. 15,77-79. 88-96). Mais à la mort de Cléopâtre (30 av. J.-C.), le sénat romain assigna Jéricho à Hérode le Grand, le fidèle roi des Juifs.
Un bref résumé des évènements liés aux palais monumentaux hasmonéens de Jéricho nous permet d’introduire la description des palais d’Hérode le Grand. Nous suivrons la présentation faite par l’archéologue E. Netzer qui a effectué les fouilles de la Jéricho hérodienne (Tulul Abu el-Alayiq) à partir de 1973; mais tenons compte que recherches et fouilles avaient déjà été effectuées par C. Warren (1869), par E. Sellin (1909 et 1911), et par J.B. Pritchard, D.C. Baramki et J. Kelso en 1950-1951.
Sur le côté nord du torrent, Jean Hyrcan (134-104 av. J.-C.) avait commencé à construire un palais (50 m x 60 m) protégé à l’angle sud-ouest par une tour (13 m x 13 m), l’œuvre a été poursuivie et terminée par son fils Alexandre Jannée (103-76 av. J.-C.). Jannée avait ajouté un quartier vers l’Est, et deux vasques natatoires de 13 mètres sur 18 m sur 3 m ; un pavillon (17 m x 21 m) décoré avec des chapiteaux doriques et un grand jardin avec des portiques sur les quatre côtés. L’approvisionnement en eau était garanti par un aqueduc qui apportait l’eau de la source Ain Dyuq.
Une troisième intervention conduite par E. Netzer est sur le palais double, chacun desquels mesurant 25 mètres sur 25, riche de jardins et de piscines, attribué à Alexandra Salomé (76-67 av. J.-C.). Cette dernière était la veuve d’Alexandre Jannée et la mère d’Hyrcan II et d’Aristobule II, toujours en lutte entre eux pour la succession au trône jusqu’à en causer l’intervention de Pompée en 63 av. J.-C. et successivement à l’accession au trône d’Hérode le Grand (40 av. J.-C.).

Les trois palais hérodiens

Le tremblement de l’an 31 av. J.-C. avait dévasté les palais de Jéricho ainsi que Qumrân qui n’était pas bien loin de là et toute la Judée faisant des milliers de victimes. Après l’an 30 av. J.-C. Hérode a vu confirmée par Auguste sa position d’allié de Rome (rex socius, ou aussi roi client) bien qu’il ait rejoint Marc Antoine durant la guerre civile (Flavius Joseph, Guerre 386-397). C’est à la suite de ces premiers palais qu’Hérode le Grand, fit construire à Jéricho une série de palais, dont le dernier peut rivaliser avec ceux plus connus de Césarée Maritime, Jérusalem, Massada et de l’Hérodion.
Les différents palais satisfaisaient aux multiples exigences du roi Hérode qui aimait se retirer à Jéricho durant la période hivernale parce que le climat y est plus doux et plus favorable que sur la montagne de Jérusalem. Là, il avait une retraite bien desservie en eau et autres commodités, à 20 km à peine de la capitale de son royaume. À Jéricho, il avait à disposition pour construire de luxueux logements, des espaces sportifs comme les piscines et l’hippodrome, un théâtre et des résidences pour recevoir des personnages illustres (Flavius Joseph, Guerre 1,407 ; Ant. Jud. 16,5.2).
Flavius Joseph raconte qu’à l’occasion de la visite de Marc Vipsanio Agrippa en l’an 15 av. J.-C., envoyé spécial d’Octavien Auguste, Hérode avait achevé tous les édifices pour émerveiller son illustre hôte romain (Flavius Joseph, Ant. Jud. 16,12-15). Depuis Jéricho, Hérode se rendait aux thermes de Callirhoé, situées sur la rive orientale de la Mer Morte pour soigner le psoriasis dont il souffrait terriblement (Flavius Joseph, Guerre 1,657). Enfin, il avait choisit Jéricho comme résidence pour y vivre les derniers jours de sa vie. Après sa mort à Jéricho, le corps d’Hérode le Grand fut transporté en procession solennelle jusqu’à l’Hérodion où il fut enseveli, (Flavius Joseph, Guerre 1,670-673 ; Ant. Jud. 17,173-199).
Dans sa démesure Hérode imgina qu’on réunisse de toute la Judée les personnages les plus en vue de chaque village, et qu’on les rassemblât dans le lieu dit hippodrome et afin de les y enfermer. Il avait dit à sa sœur Salomé et à son mari Alexandre : « Je sais que les Juifs feront une fête à ma mort, mais j’ai le moyen de les faire pleurer pour d’autres motifs et obtenir un très grand deuil, si vous voulez exécuter mes dispositions. Quand je serai mort, faites tuer ceux qui y seront enfermés, ainsi dans toute la Judée chaque famille, même sans le vouloir, aura de quoi pleurer à ma mort, (Flavius Joseph, Guerre 1,660).
Cette dernière volonté d’Hérode ne fut pas respectée par sa sœur Salomé. Elle fit au contarire libérer tous les prisonniers et elle évita ainsi de faire verser plus de sang à imputer à la cruauté d’Hérode le Grand lui qui seulement cinq jours avant de mourir avait fait exécuter Antipater, le premier fils de sa femme Doris.

Le premier palais

Le premier palais fut construit par Hérode le Grand environ en 35 avant J.-C. alors que Cléopâtre VII était encore gouverneur du district de Jéricho, mais elle le louait – comme d’autres terrains dont elle était propriétaire – à Hérode le Grand pour 200 talents d’or (Flavius Joseph, Guerre 1,362). La richesse de Jéricho était fondée sur le commerce du baume, des parfums, des palmes et d’autres fruits exotiques vendus aux marchés en Grèce et à Rome.
« La source d’Élysée irrigue une extension de terrain supérieure à toute les autres, et mouille une plaine longue de soixante–dix stades et large de vingt (12,5 km x 3,5 km). On y voit quantité de très beaux jardins dont elle arrose les palmiers de diverses espèces, les noms aussi bien que le goût de leurs fruits varient eux aussi. Lorsqu’on en presse certains, il en sort du miel qui ne diffère guère du miel ordinaire très abondant dans le pays. On voit aussi de nombreux cyprès et des mirabolans, de ces arbres dont on distille le baume, cette liqueur que nul fruit ne peut égaler. Ainsi on peut-on dire, ce me semble, qu’un pays où tant de plantes si excellentes croissent en telle abondance a quelque chose de divin. » (Flavius Joseph, Guerre 4,467-470).
Ce palais est dissimulé derrière les palmes au sud de la route qui conduit au tell où il y a un espace affecté à un parking pour les bus. Il s’agit d’un édifice rectangulaire (45 m x 84 m) construit autour d’une cour avec des colonnes sur trois côtés (35 m x 43 m), et comprenant le triclinium (12 m x 18 m), de nombreuses pièces d’usage domestique, les thermes, une vasque pour le bain rituel ou mikvé. Près du palais il y a les jardins et une grande citerne (150 m x 180 m) appelée Birkat Musa. E. Netzer pense qu’après la construction des deux autres palais, plus adaptés aux cérémonies publiques, ce premier édifice a continué à être utilisé comme résidence privée pour le roi et pour le nombreux personnel au service de sa famille.

Le deuxième palais

Le second palais hérodien construit dix ans plus tard, en l’an 25 avant J.-C. sur les palais des hasmonéens est situé au nord de Wadi Qelt. Un grand jardin avec des arbres englobait l’édifice et les piscines d’Alexandre Jannée furent transformées en une unique vasque natatoire (18mx32m). Le bloc principal des édifices était formé de deux segments adjacents, l’aile nord et l’aile sud étaient construites sur des nivaux différents. L’aile nord (33mx58) est constituée d’une grande cour avec péristyle (28mx34m) ; celle-ci est entourée sur trois côtés par des pièces ; dans le secteur sud est inclus le triclinium (7mx10m) qui avait les murs peints de fresques de style pompéien ; dans le secteur nord il y avait une exèdre, une citerne et la cuisine. Aux côtés du triclinium se trouvent deux blocs de quatre pièces, peut-être des chambres privées. Les corridors à côté du triclinium donnaient accès au long balcon exposé au sud, un espace de 5 m x 28 m s’ouvrait vers l’aile sud du palais, construit au niveau inférieur et relié par un escalier. L’aile sud avait un jardin à l’ouest, et comprenait une piscine à l’est en fonction de laquelle ont été ajoutés d’amples espaces pour le bien-être des hôtes. Sur le côté sud ont été insérés les thermes composés de chambrettes de petites dimensions.

Le troisième palais

Le troisième palais terminé en l’an 15 avant J.-C., est le plus sophistiqué et le mieux conservé. Il commence au pied de la colline artificielle et couvre les deux berges du Wadi Qelt sur une superficie de 3,5 hectares. Un pont unissait les deux sections du complexe, mais les arcades ont été emportées par la force des eaux tumultueuses du torrent durant la période hivernale. La technique de l’opus reticulatum alterné avec l’opus quadratum employé pour décorer les murs des locaux principaux provient d’Italie et fut introduite par Hérode à Jérusalem, Banyas et le palais hivernal de Jéricho.
Au total les sections du complexe sont au nombre de quatre, mais seule l’aile nord est entièrement visible. Au sud du torrent a été isolée une grande citerne (42mx29m) à l’Est du palais, elle s’est pratiquement toute écroulée dans le wadi ; le tell artificiel a été fouillé seulement en partie et le jardin s’est affaissé. Le périmètre de ce jardin est de 40 mètres par 145 ; les deux secteurs d’Est et d’Ouest (10 m x 40 m) sont occupés par deux salles avec des colonnes. Une structure spectaculaire se trouve sur le côté sud, fouillée sur toute la longueur sur le flanc du fossé abrupt décoré de 24 niches alternées en forme circulaire et rectangulaire. Au centre du mur de soutien, sur une longueur de 28 mètres ont été insérés des gradins qui étaient recouverts de fleurs pour former le cavedium d’un théâtre factice. Tous les murs et les colonnes étaient recouverts de stuc et peints de fresques.
La série de fouilles et de recherches, œuvre de E. Netzer a conduit à une nouvelle interprétation de l’édifice. Auparavant on avait émis l’hypothèse qu’il s’agissait d’une forteresse hasmonéenne, substituée par un palais fortifié d’époque hérodienne. Mais E. Netzer découvrit que sur le podium artificiel bâtit sur des fondations formant un carré de 19 m x 20 m, avait été construite une importante installation thermale, E. Netzer y a identifié l’ipocaustum et la vasque d’eau. Sur le sommet du podium artificiel se trouve le laconicum ou pièce où l’on transpirait, au quel on accédait par l’escalier situé au nord. Cette pièce, d’un diamètre de 16 mètres, était couverte par une coupole. Probablement existait-il aussi dans le secteur Sud des palais un triclinium, mais actuellement on en a perdu les traces.
Le complexe situé sur la berge nord du Wadi Qelt a remplacé une précédente villa de grandes dimensions. L’entrée est au Sud, on en a localisé l’accès à la première cour avec péristyle (14 m x 20 m) à côté des structures préexistantes restées dans le secteur plus oriental des fouilles. Cette entrée se trouve à l’arrivée du pont sur le Wadi Qelt qui unissait le palais du Sud au palais du Nord. Les colonnes de la cour sont composées de morceaux de colonnes en pierre locale et de chapiteaux en style corinthien. Tombés à cause d’un tremblement de terre de la première moitié du Ier siècle après J.-C., il a été possible de les récupérer in situ. Plus à l’Est de la cour, il y a une ample salle en forme de tau (12 m x 13,5 m) avec vue sur la cour elle-même ; par contre à l’Ouest une salle double s’ouvrait sur la colonnade Sud. Au nord de la cour et de ces salles se trouvaient les thermes, composés de trois pièces presque toutes de la même taille (5 m x 7 m) (apoditerium, tepidarium et calidarium).
À l’Ouest du complexe se trouve une pièce circulaire (diamètre 7,7 m), elle est formée de cercles concentriques et a été identifiée comme le laconicum, il y a quatre niches dans les angles de la structure qui l’englobe et elle est recouverte d’une coupole. En l’absence des fours, on pense que les températures élevées nécessaires pour transpirer étaient obtenues au moyen de brasiers. Après les thermes, on entre dans la cour située à l’Ouest (18 m x 19 m) qui a une exèdre d’un diamètre de 7 mètres au Nord et trois files de colonnes avec des chapiteaux doriques.
Le triclinium, c’est-à-dire la salle principale pour les réceptions et pour les banquets, occupe l’aile plus occidentale du complexe (19 m x 29 m). L’on y accédait seulement par la colonnade du Sud et elle avait les colonnes d’angles à forme de cœur. Vu la largeur du péristyle, il est possible de calculer la longueur des poutres du plafond, c’est-à-dire 13 mètres. Le pavement était recouvert de plaques de différentes couleurs dans le style de l’opus sectile, mais il y avait une zone carrée au centre en mosaïque. Les édifices hérodiens de Jéricho ne durèrent guère longtemps. Selon E. Netzer un tremblement de terre survenu en 48 après J.-C. détruisit la majeure partie des édifices. Après ce funeste évènement, le site fut partiellement occupé à l’époque romaine et il resta abandonné à partir de l’époque byzantine. (À suivre).

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