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Surprise en Israël, retour aux urnes en septembre

Giorgio Bernardelli
3 juin 2019
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Surprise en Israël, retour aux urnes en septembre
Alliés pour un temps. Avigdor Lieberman (à gauche) fait dérailler Benjamin Netanyahu. Tous deux renvoient Israël aux urnes. (photo d’archive : Yonatan Sindel / Flash90)

Après les succès électoraux du 9 avril, le parcours du Premier ministre Benjamin Netanyahu semblait tout tracé. Mais il n'a pas réussi à former une coalition gouvernementale. La parole revient aux électeurs.


De nouveau, des élections. Moins de deux mois après le vote du 9 avril, la Knesset, le parlement israélien, a voté le 29 mai en faveur de sa propre dissolution et fixé un retour aux urnes le 17 septembre. J’imagine la surprise de la plupart de nos lecteurs qui, à juste titre, ont mieux à faire que de suivre les montagnes russes de la politique israélienne : comment ? Le Premier ministre sortant, Benjamin Netanyahu, n’avait-il pas encore gagné ? Alors que s’est-il passé ?

Une chose simple : Netanyahu a remporté les élections numériquement parlant, mais il n’a pas été en mesure de former un gouvernement dans les conditions prévues par la loi. Parce que de toute façon son parti, le Likoud, au Parlement ne pouvait compter que sur 35 voix sur 120 ; et sa stratégie politique consistant à tout centrer sur lui-même s’est finalement retournée contre lui. Au moment où il composa ce qui sur le papier constituait sa majorité, il dut faire face à des partis religieux (jamais aussi puissants en termes de sièges à la Knesset) et à un vieux renard politique : Avigdor Lieberman. Le dirigeant de Yisrael Beiteinu « Israël notre maison », dans un tel contexte s’est fait le porte-drapeau laïc de la droite israélienne. Le gouvernement est donc tombé avant même d’avoir commencé. En cause : le sempiternel thème de la loi visant à mettre fin à l’exemption au service militaire des étudiants des yeshivot (écoles rabbiniques). Une mesure que la société israélienne souhaiterait voir se mettre en place, mais contre laquelle les partis religieux opposent leur veto ainsi qu’à l’encontre de toutes solutions de compromis.

De hasard en hasard

Durant quelques jours, Netanyahu a pensé qu’il s’agissait des accrochages habituels et que, le délai fixé par la loi pour la formation du gouvernement approchant, tout le monde reviendrait à la raison. Mais il a eu tort : ​​Lieberman a choisi de jouer sa chance pour l’avenir. Et ce 29 mai, le dernier jour, la panique a éclaté sur la scène politique israélienne : Netanyahu a essayé un autre grand classique, en proposant aux travaillistes de rejoindre le gouvernement en lieu et place du parti de Lieberman. Il leur aurait même donné le ministère de la Justice, très délicat compte tenu du fait que le Premier ministre est visé par trois procédures judiciaires. Cette fois, cependant, pas même le parti travailliste, aujourd’hui très faible, n’a accepté d’agir comme béquille.

À ce stade, la loi prévoyait une autre possibilité : que la balle revienne au chef de l’État, Reuven Rivlin, qui aurait tenté de confier à quelqu’un d’autre le soin de former un gouvernement. Il aurait probablement choisi un autre membre du Likoud pour tenter de former un gouvernement d’union nationale avec l’autre grand parti de Benny Gantz, Bleu et Blanc. Mais le pire cauchemar de Netanyahu, un gouvernement dirigé par une autre personne, se serait réalisé. Pour ne pas en arriver là, Bibi a choisi de dissoudre le nouveau parlement : le Likoud a présenté une motion en vue de la dissolution de la Knesset qui a été votée par 74 députés, ceux du centre-droit et ceux des partis arabes. Ainsi, Rivlin ne put alors que renvoyer Israël aux élections.

Le roi est nu

C’est un coup dur pour Netanyahu. Pour la première fois, « le roi Bibi » a perdu au jeu où il s’était toujours montré le plus rusé : rallier à lui la majorité des « tribus » qui fragmentent le cadre politique israélien. Le niveau de fièvre atteint le 29 mai à la Knesset ressemblait vraiment à celui des soldes de fin de saison, avec la recherche désespérée de transfuges à entraîner. En outre, du point de vue de Netanyahu, les nouvelles élections de septembre représentent un gros problème, son audition devant le procureur général au sujet d’accusations de corruption est fixée à début octobre. Et à ce stade, il ne pourra recourir à aucune bouée de sauvetage offerte par des mesures ad personam qu’il aurait pu faire adopter au Parlement.

La dernière question qui reste est la plus évidente : si en avril, les élections se déroulaient d’une certaine manière, pourquoi devraient-elles se dérouler différemment en septembre ? Une fois que l’argent nécessaire à une nouvelle consultation aura été jeté, Israël ne se trouvera-t-il pas exactement dans la même situation ? Quatre mois, c’est encore long, on verra. Netanyahu a déjà fait le premier pas en lançant la fusion entre le Likoud et un autre parti mineur qui avait obtenu 4 sièges aux dernières élections : l’intention est claire : distancer l’alliance Bleu et Blanc, qui dans la Knesset actuelle avait 35 sièges comme le Likoud. Mais il a déjà dit que Lieberman était maintenant « de gauche » et ne voulait pas en savoir plus sur lui. Il est certain que le politicien d’origine russe fera tout pour porter les gallons de la mouvance laïque contre les partis religieux, en introduisant dans la campagne électorale une fracture qui reste béante dans la société israélienne. Dans le même temps, les partis arabes qui ont voté en faveur de la dissolution de la Knesset se sont remis à parler d’une liste unique, une action contre le net déclin du taux de participation des Arabes israéliens, qui a été un facteur déterminant dans l’issue du vote il y a deux mois.

Il ne fait aucun doute qu’il y a là un signe clair de malaise dans la démocratie israélienne, aujourd’hui avec les os brisés par la polarisation autour de sa propre personne que Netanyahu a imposée ces dernières années. L’affaire Lieberman, après tout, ressemble beaucoup à la fable du roi nu. Et c’est pourquoi cette fois-ci, pour le roi Bibi, il serait peut-être un peu moins facile de tourner à nouveau la page.

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