Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Citadelle de David : quand l’Histoire se lit dans les pierres

Texte et images Guillaume Genet
30 septembre 2019
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable

À Jérusalem, près de la Porte de Jaffa, difficile de passer à côté
de l’impressionnant édifice qu’est la Citadelle de David.
Vieux de plus de 3000 ans d’histoire, le lieu est parfait pour découvrir les époques successives qui ont marqué la vieille ville. Si elle est aujourd’hui le siège du Musée historique de Jérusalem, les vieilles pierres qui la composent ont encore beaucoup à raconter.


Place forte stratégique

L’accès à la citadelle se fait par la porte construite en 1531 par le sultan Soliman le Magnifique durant la période ottomane et qui surplombe le fossé creusé par les Croisés. À qui l’on doit également les glacis (murets de pierre inclinés) qui assurèrent une protection à la citadelle. La porte fut rendue célèbre car c’est au pied de son entrée
que le général britannique Allenby se tint le 11 décembre 1917 lorsqu’il reçut la reddition de Jérusalem pendant la Première Guerre mondiale. L’esplanade qui fait suite à la porte et au pont en bois fut construite par les Turcs au-dessus d’un ancien puits pour y installer des canons.
L’édifice a longtemps tenu un rôle militaire stratégique de par sa situation géographique privilégiée. Placé au nord-ouest sur une portion haute de la ville, le site constitue en effet une défense naturelle grâce aux vallées profondes qui donnaient une vision large et dégagée au loin.

 

↗ L’ancien palais d’Hérode

À l’intérieur de la cour on peut découvrir les vestiges d’un rempart massif de la période hasmonéenne (IIe siècle av. J.-C.) le long duquel Hérode le Grand décida plus tard de bâtir son palais. Les murs adossés à l’épaisse muraille de droite auraient été utilisés comme fondations pour le palais.
On peut distinguer d’autres séries de renforts orientées différemment au-dessous de ces fondations. Il s’agit de restes d’habitations antérieures au bâtiment hérodien. Le palais en lui-même s’étendait plus au sud, jusqu’au quartier arménien.
On apprend par Flavius Josèphe l’aspect grandiose qui le caractérisait, le complexe étant doté de grandes salles dallées recouvertes de pierres provenant de différents pays. Mais la destruction de la ville en 70 ap. J.-C. n’épargna pas l’édifice qui fut réduit en cendres. Seules les trois tours hérodiennes furent gardées par le général Titus qui installa une légion romaine dans la citadelle.

Lire aussi >> Une pièce rare découverte lors de travaux au musée de la Tour de David

↘ Tour de David ? Tour de Phasaël ?

La Tour dite “de David” fut l’une des 3 grandes tours ajoutées par Hérode à la citadelle au Ier siècle av. J.-C. Son nom – erroné – provient des chrétiens de l’époque byzantine qui, en cherchant les lieux attachés à l’histoire biblique, découvrirent dans les écrits de Flavius Josèphe la présence de “la citadelle du roi David” dans la ville haute de Jérusalem. Ils associèrent ainsi la tour aux vestiges de cette place-forte qu’ils imaginaient bâtie sur demande du roi David lui-même. Originellement, lors de la construction de ces
3 tours, Hérode les nomma en l’honneur de son ami Hippicus, de sa femme Mariamme et de son frère Phasaël. On pense que c’est cette dernière qui correspond à la “Tour de David” et qui a survécu aux outrages du temps en se tenant aujourd’hui encore debout. Ses 13 couches inférieures sont composées de grandes pierres dont les bords comportent une marge et dont le milieu est poli.
Ce sont les techniques de construction typiques de l’époque du Second Temple. La partie supérieure fut réalisée par les Mamelouks et fait actuellement culminer la tour à 26m, sachant qu’à sa construction elle atteignait plus de 40m.

 

↗ Un rôle dans la Passion du Christ ?

La question du rôle et de l’importance de la citadelle au temps du Christ divise les historiens. La tradition fixe en effet le procès et la condamnation de Jésus dans la forteresse Antonia (à proximité de l’actuel couvent de la Flagellation), celle-ci ayant l’avantage d’être un point de surveillance pour les activités se déroulant sur le mont du Temple.
Elle était par défaut le siège des gouverneurs romains de Judée lorsque ceux-ci venaient à Jérusalem. Mais d’autres historiens émettent une hypothèse différente en expliquant que le prétoire de Ponce Pilate se situait directement dans le palais d’Hérode. Ils avancent l’argument de la préférence qu’avait le gouverneur romain de l’époque pour le luxe de la résidence hérodienne, soit la citadelle de David. La sentence de la condamnation à mort de Jésus aurait donc pu y avoir été prononcée.

 

↖ Accumulation de styles et d’époques

Depuis le haut de la Tour de David, l’intérieur de la citadelle offre une superposition de couches historiques.
On peut apercevoir au milieu la “Première muraille” de Jérusalem comme la définissait Flavius Josèphe, qui englobait le sud de la ville jusqu’à la Cité de David. Hérode fit reconstruire par-dessus ce mur un nouveau, plus épais, qui se prolonge en direction de l’arche croisée au milieu. Au premier plan, à gauche, se trouve la salle hexagonale réalisée par les Mamelouks au XIVe siècle. En retrait, dans son prolongement, on découvre une forme ronde au sol qui correspond à une ancienne tour cylindrique datant de la première période musulmane (VIIe siècle).
Elle constituait le point de départ d’une épaisse muraille de 4m de large mais dont le tracé s’est perdu au fil du temps, les conquêtes et les reconstructions l’ayant trop endommagée.
Le minaret au fond fut bâti quant à lui par le gouverneur ottoman Mohammed Pacha en 1635.
La forme actuelle des remparts date de 1310 lorsque le Mamelouk An Naser Mohammed les reconstruisit sur la structure croisée.

 

→ Influence musulmane

L’empreinte de la période mamelouke est également visible depuis l’intérieur de la citadelle. On découvre en effet dans la partie sud-est de la forteresse une salle qui servait de mosquée. Le mihrab (à gauche sur la photo), niche de prière tournée vers La Mecque et le minbar (à droite), chaire dans laquelle monte
le prêcheur, sont conservés dans cette pièce. L’étage supérieur de celle-ci permet d’accéder au toit de la mosquée depuis laquelle est visible le minaret démembré puis réparé au début de la période mandataire (1922-1948) pour éviter son effondrement. Le panorama orienté ouest donne sur une place fortifiée construite par les Ottomans
pour y placer des canons.
Aujourd’hui la plupart des pièces de ce côté de la citadelle servent au bureau du Musée de l’Histoire de Jérusalem.

Dernière mise à jour: 08/04/2024 12:51

Sur le même sujet
Achetez ce numéro