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Tradition et solidarité, les broderies de Ramallah

Giulia Ceccutti
13 décembre 2019
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Tradition et solidarité, les broderies de Ramallah
Concours de broderie pour les jeunes au Centre pastoral Melkite de Ramallah.

Dans la capitale de la Cisjordanie, la paroisse catholique de rite melkite propose un atelier de broderie à des centaines de femmes, chrétiennes et musulmanes. Le lieu de solidarité permet de nombreuses rencontres, et la transmission de la culture traditionnelle palestinienne.


Il y a Siham, qui vit dans le village de Deir-Ibzee, près de Ramallah. Sa mère est très malade. Elle a beaucoup de dépenses à assumer pour ses médicaments. Il y a Shadia, du village d’Ein-Areek, qui vit seule et se déplace en fauteuil roulant depuis des années. Elle doit subvenir à ses besoins et en même temps s’occuper. Il y a aussi Ma’zouzeh, d’Al-Tireh. Elle a 68 ans, sept enfants et sept petits-enfants à élever, car sa fille, leur mère, est détenue en prison en Israël, injustement accusée d’avoir tenté de poignarder un soldat israélien.

Ce sont quelques-unes des quelque 250 femmes palestiniennes – chrétiennes et musulmanes – qui travaillent pour l’atelier de broderie du Centre pastoral de la paroisse melkite de Ramallah. Ils vivent entre la ville et quelques banlieues voisines.

Un centre pour 500 mains

L’atelier a été fondé en 1988, pendant la première Intifada, à l’initiative d’un petit groupe de volontaires locaux. « Le projet – explique Hélène, l’une des coordinatrices – est né pour répondre au besoin et au désir de nombreuses femmes de participer aux dépenses familiales lorsque les hommes étaient souvent en prison ou sans travail. La situation économique à Ramallah, et en Palestine en général, reste précaire aujourd’hui, le coût de la vie élevé. Trop élevé, pour beaucoup de familles ».

Ce projet est une réponse. Les femmes se rendent régulièrement au Centre pour remporter chez elles leur travail de broderie, puis elles le rapportent une fois terminé. Il en est de même pour un groupe de couturières qui suivent l’assemblage et la couture. Enfin, un autre groupe de bénévoles et de femmes rémunérées s’occupe du choix des motifs, de l’achat du matériel, de la comptabilité et de la vente.

« Le Centre de broderie existe depuis 10 ans maintenant », explique Shireen, trentenaire. « Ma mère, en revanche, brode depuis longtemps : c’est elle qui m’a suggéré de l’aider et m’a encouragée. J’ai quatre enfants. La plus jeune est malade et je dois souvent l’emmener à l’hôpital, jusqu’à trois fois par semaine. Le salaire de mon mari ne suffit pas : grâce à ce travail, je peux aider à financer le transport pour ma fille et, bien sûr, les médicaments. Le soir, quand les enfants sont au lit, je peux commencer à nettoyer la maison et à broder… Je suis très reconnaissante de cette opportunité ».

L’atelier est aussi un moyen de maintenir vivante la tradition palestinienne de la broderie au point de croix. « C’est une tradition qui se transmet de génération en génération », commente Carla, volontaire italienne, « surtout grâce aux costumes typiques portés par les femmes. Les motifs de nos œuvres s’inspirent de ces vêtements et représentent, de façon stylisée, les collines, les arbres, les fleurs, les plantes et quelques animaux de la région ».

Le travail de cette petite cellule – soutenue en grande partie par des groupes de touristes et de pèlerins et par des ventes à l’étranger – nourrit donc une mémoire collective. Avec une attention particulière portée aux jeunes générations, par exemple par le biais de concours de broderie qui leur sont dédiés.

Espace de partage

L’atelier – avec le sourire accueillant des coordinatrices, le petit jardin à l’entrée et ses étagères bien rangées – est enfin, pour toutes, un lieu de rencontre et de partage. Une façon d’être ensemble. Le Centre melkite organise régulièrement des événements et des réunions.

Pour la fête des mères, par exemple, le 21 mars dernier, le thème choisi était la prévention du cancer du sein. « Un oncologue est venu parler aux femmes de manière très simple », poursuit Carla. « Il y a eu un débat animé avec beaucoup de questions. A la fin, tout le monde a demandé à pouvoir approfondir le thème à travers d’autres rencontres ».

Le dernier événement, auquel ont participé une trentaine de femmes, a été la Quatrième semaine de la cuisine italienne dans le monde, organisée en novembre par le Consulat général d’Italie à Jérusalem, le Comité Dante Alighieri de Bethléem-Ramallah, le bureau d’Amman de l’Agence Ice (organisme public pour la promotion des entreprises italiennes à l’étranger – ndlr) et le Centre pastoral de l’Eglise melkite. Grâce aux conseils d’un chef cuisinier, ils ont préparé pendant deux jours à Ramallah des pâtes faites maison, apprenant ainsi les notions de base d’une alimentation saine.

On peut donc trouver différentes significations dans les plis et les motifs d’une broderie palestinienne traditionnelle : dignité, culture, identité d’un peuple.

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