Notre collègue Giuseppe Caffulli du site-parent terrasanta.net a eu l'occasion de se rendre en Iran et de rencontrer la petite communauté chrétienne. À l'heure où vu d'Israël, l'Iran est le pays à bombarder, nous préférons tisser les ponts d'une prière commune et écouter les mots du pape Léon XIV "Que la diplomatie fasse taire les armes ! Que les nations façonnent leur avenir par des œuvres de paix, non par la violence et les conflits sanglants !"
Sur une population de 90 millions d’habitants, seules quelques centaines de milliers de personnes en Iran professent la foi chrétienne. La communauté arménienne est la plus ancienne et la plus nombreuse. Son centre est situé à Ispahan, au cœur de l’Iran.
On y trouve la cathédrale de Vank, dédiée au Saint-Sauveur, avec ses précieuses fresques. Il y a aussi l’église de Bedkhem (Bethléem), ornée de 72 tableaux représentant la vie du Christ. Et encore l’église Saint-Nicolas, qui abrite une relique de l’ancien évêque de Myre, l’église dédiée à saint Jean-Baptiste, celle dédiée à la Vierge. Impossible de ne pas citer l’église consacrée à saint Grégoire l’Illuminateur, l’évangélisateur du peuple arménien.
Ce ne sont là que quelques-uns des lieux de culte chrétiens (plus d’une douzaine) du quartier arménien d’Ispahan, en Iran. Beaucoup remontent à l’époque de la dynastie safavide, qui régna sur la Perse du XVIe au XVIIIe siècle. Ces églises reflètent une fusion unique entre l’architecture arménienne et l’art islamique perse.
150 000 chrétiens, essentiellement arméniens, en Iran
Les Arméniens sont présents sur le territoire iranien depuis des millénaires, interagissant d’abord avec l’ancien empire perse, puis avec les souverains musulmans chiites. Mais c’est au début du XVIIe siècle que le chah Abbas Ier, lors des guerres entre la Perse et l’Empire ottoman, déporta plus de 300 000 Arméniens de la ville de Julfa (aujourd’hui en Azerbaïdjan) vers sa capitale, Ispahan, fondant en 1606 le quartier de Now Jolfā (Nor Jugha en arménien).
Lire aussi >> Israël – Iran, la guerre à coup de pistaches
Reconnaissant leurs talents commerciaux et linguistiques, les chahs de Perse leur ont confié le monopole du commerce de la soie, principale ressource économique de la cour. En peu de temps, Now Jolfā est devenu une cité prospère, où chrétiens et musulmans vivaient en harmonie. Le quartier comptait plus de 24 églises, des écoles, des maisons élégantes, des orphelinats et des hospices.
En 1636, les Arméniens ont acheté une presse typographique. De nombreux ouvrages imprimés à cette époque sont encore conservés dans le beau musée adjacent à la cathédrale de Vank.

Ces jours-ci, alors que l’Iran – et la ville d’Ispahan elle-même – est visée par des attaques israéliennes, il vaut la peine de rappeler la présence, bien que moins nombreuse qu’autrefois, d’une communauté chrétienne ancienne.
Aujourd’hui, on ne compte plus en Iran que 150 000 chrétiens arméniens (apostoliques, catholiques et évangéliques), 30 000 Assyriens, 24 000 catholiques chaldéens et latins, ainsi qu’une poignée de chrétiens orthodoxes.
Le pays compte six diocèses catholiques : quatre de rite chaldéen (relevant du patriarcat de Bagdad, en Irak), un diocèse arménien (à Ispahan précisément), et un diocèse de rite latin, confié en 2021 au frère mineur conventuel belge Mgr Dominique Joseph Mathieu. Ce dernier a été créé cardinal par le pape François lors du consistoire de décembre 2024, et il a participé au conclave de mai dernier, qui a abouti à l’élection du pape Léon XIV.
Le quartier Now Jolfā, historiquement chrétien et toujours effervescent
Certaines sources signalent aussi la présence d’une communauté clandestine, composée de convertis de l’islam, majoritairement rattachés à des Églises évangéliques ou pentecôtistes. Ces fidèles pratiquent leur foi principalement dans des cadres domestiques, afin d’échapper aux restrictions imposées par le régime. Lors de la Révolution iranienne et de la prise du pouvoir par les ayatollahs en 1979, de nombreux Arméniens ont quitté le pays pour refaire leur vie ailleurs.
Toutefois, les chrétiens apostoliques arméniens demeurent aujourd’hui encore la plus grande communauté non musulmane d’Iran. Ils continuent à professer leur foi et jouent un rôle actif dans la société, avec une représentation parlementaire.
Lire aussi >> Céramique arménienne: la famille Balian, au cœur de l’Histoire
Un quart d’entre eux vit dans la région d’Ispahan, dont environ huit mille dans le quartier historique de Nouvelle Djolfa. Environ trois mille chrétiens arméniens résident également à Shahin-Shahr, à quelque 30 kilomètres d’Ispahan.
Les rues du quartier, autrefois animées de vendeurs ambulants proposant toutes sortes de marchandises, sont aujourd’hui asphaltées et silencieuses. Les cafés traditionnels ont laissé place à des établissements modernes et des restaurants (où l’on sert aussi du vin).
Malgré les transformations imposées par la modernité, Now Jolfā reste une communauté fascinante, toujours en effervescence. Autrefois exclusivement arménien, le quartier attire désormais aussi des musulmans, bien que beaucoup de ses anciens habitants se soient installés à Téhéran ou aient émigré à l’étranger.

En Iran, les chrétiens, les juifs et les zoroastriens furent officiellement reconnus comme des « minorités religieuses » dans la Constitution de 1906. En 1928, leur fut accordée une représentation parlementaire. En 1943, ils obtinrent également une autonomie en matière de droit civil concernant la famille : mariages, divorces, testaments et adoptions.
La République islamique a en réalité confirmé ces prérogatives, mais dans le respect des lois islamiques : contrôle des programmes scolaires, interdiction de consommer de l’alcool et de jouer à des jeux de hasard. En outre, les femmes doivent se couvrir les cheveux et renoncer aux cosmétiques (en public).
La majorité des chrétiens arméniens d’Iran appartient à des associations caritatives, culturelles et sportives, essentielles pour transmettre l’esprit chrétien et la culture arménienne. Sur les plus de 24 écoles arméniennes qui éduquaient autrefois les enfants de la communauté, seules la moitié ont aujourd’hui un directeur arménien ; les autres sont dirigées par des musulmans, signe de l’ingérence de l’État dans l’éducation.
Dans la République islamique d’Iran, en particulier en dehors de contextes comme celui de Now Jolfā, il n’est pas simple pour les chrétiens (arméniens ou non) de préserver leur identité dans une société profondément marquée par l’islam.